Lutte contre le réchauffement climatique/ Le jeu trouble de quelques ministères ivoiriens #cop21
Abidjan, 30-11-15 (lepointsur.com)- La Conférence des Parties signataires de la Convention Climat (COP21) s’est ouvert mardi 30 novembre 2015 à Paris, avec plus de 150 chefs d’Etat. Pour la 21ème conférence climatique de l’ONU, qui accueille 10000 délégués, des observateurs, journalistes, qui doit aboutir à un accord universel et contraignant censé limiter le réchauffement global à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle l’Afrique et particulièrement la Côte d’Ivoire se prend-elle au sérieux ? La question mérite d’être posée, tant le continent et particulièrement la Côte d’Ivoire prête le flanc au réchauffement climatique.
Quand l’Afrique et particulièrement la Côte d’Ivoire accepte d’être un dépotoir
En Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire, la déforestation, les feux de brousse, le changement climatique etc. sont édifiants pour monter aux yeux des observateurs que le réchauffement climatique est une réalité. En Côte d’Ivoire, l’affaire du bateau pollueur, « Probo Koala », dont le contenu a occasionné une catastrophe environnementale survenue en août 2006 et provoqué la mort de 17 personnes ainsi que l’intoxication de dizaines de milliers de personnes reste sans solution.
Ce sont 43 492 cas d’empoisonnement confirmés et 24 825 cas probables, d’après l’Inhp (Institut d’hygiène public de Côte d’Ivoire), cité par Amnesty International, en son temps. Les analyses révèlent que les déchets se présentaient sous deux phases. La phase aqueuse était constituée majoritairement d’une solution d’hydroxyde de sodium (soude) à 10 %. Elle contenait des thiols (mercaptans), des phénols et de l’hydrogène sulfuré. La phase organique était constituée de naphte (oléfines, paraffines et hydrocarbures aromatiques) et contenait des désulfites.
Selon une enquête du parquet néerlandais, citée le 23 septembre 2006 par le quotidien néerlandais de centre gauche de Volkskrant, le Probo Koala aurait raffiné en pleine mer du pétrole brut, en mélangeant soude et naphta. En mai et juin 2006, le Probo Koala aurait pu transformer 70 000 tonnes de pétrole brut en essence, en pleine mer. Selon le journal, le Probo Koala a reçu trois cargaisons de 28 000 tonnes de naphte en provenance des États-Unis.
L’opération de transformation consistait à libérer le soufre contenu dans le naphte à l’aide de substances dérivées de la soude et d’une substance adjuvante, un produit catalyseur utilisé dans les raffineries, appelé ARI-100 EXL (cobalt phthalocyanine sulphonate). L’essence ainsi produite n’est pas exempte de soufre et ne pouvait donc être commercialisée en Europe. Elle pouvait, en revanche, l’être en Afrique (Le navire s’est rendu au Nigeria début août 2006). Ce sont les 70 tonnes de résidus de l’opération qui auraient été déchargées en Côte d’Ivoire, avec la complicité de certaines autorités politiques, administratives et privées. Conséquence : Un protocole d’accord a été conclu entre les parties Trafigura et l’État de Côte d’Ivoire, par un protocole d’accord signé, le 13 février 2007. Aux termes de cet accord, les parties Trafigura se sont engagées à verser à l’État de Côte d’Ivoire, la somme forfaitaire et définitive de 75 milliards Francs CFA aux fins d’affection :
– D’une part, à hauteur de 65 milliards Fcfa destinés à la réparation des préjudices subis par l’Etat de Côte d’Ivoire, ainsi qu’à l’indemnisation des victimes, et 22 milliards de Francs CFA destinés au remboursement des frais de dépollution, selon l’article 2 du Protocole.
Mieux, la société pollueuse que sont les parties Trafigura devraient » s’engager à prendre en charge l’identification et la dépollution complémentaire des sites pouvant encore contenir des déchets toxiques se rapportant aux évènements. »
Des sites dits dépollués, sans preuve
Par ailleurs, l’État de Côte d’Ivoire, souhaitant construire une usine de traitement des déchets ménagers dans le District d’Abidjan, les Parties Trafigura se sont également engagées, à travers la société Puma Energy à payer, sous forme d’aide à l’État de Côte d’Ivoire la somme de 5 milliards Francs CFA. Où est passé cette usine?
Les dix sept sites, répartis dans différentes communes du district d’Abidjan qui ont accueilli les déchets toxiques, en 2006, lorsque le « Probo Koala » a déversé ses produits hautement toxiques ont-ils été dépollués, neuf ans après ? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’à quelques jours du COP21, le gouvernement ivoirien a annoncé la dépollution de « tous les sites contaminés« , sans présenter un rapport d’évaluation stratégique d’études d’impacts et d’audit sur les différents sites.
Pourtant, au cours d’un séminaire tenu récemment à Abidjan, l’Agence nationale de l’environnement (ANDE) soutient qu’il a dans ses tiroirs 139 rapports d’audits et 223 rapports d’études d’impacts environnementales et sociales non encore rendus publics. Que disent les différents audits dans lesquels sont compilés sûrement ceux du déversement des déchets toxiques ? A la Cop21 également, la Côte d’Ivoire prône l’agriculture zéro déforestation, alors que le gouvernement a validé un projet d’hévéaculture sur 10000 hectares de forêt à Famienkro (Prikro) dans la région de l’Iffou dans le centre-est du pays. Source de conflit entre l’Etat ivoirien et la royauté de cette région-est de la Côte d’Ivoire. Conséquence, le roi Nanan Akou Morou II est arrêté et détenu avec plusieurs membres de sa notabilité à la prison de M’Bahiakro depuis plusieurs mois.
En tout état de cause, neuf ans après, le déversement des déchets toxiques, l’indemnisation des victimes est un boulet au pied de l’Etat. Des sit-in ont même été organisés par ces derniers, tant devant le palais présidentiel au Plateau, quartier administratif et des affaires que le siège de Children of Africa de Mme Dominique Ouattara, à Cocody, un quartier résidentiel.
Les ministères de l’Environnement, du Pétrole et de l’Energie, et de l’Agriculture sont attendus pour mieux élucider les Ivoiriens sur le scandale environnemental du siècle en Côte d’Ivoire, les déchets toxiques et la mise à disposition de certains opérateurs économiques de milliers d’hectares de forêts. La Conférence des Parties signataires de la Convention Climat se planche sur l’avenir de la planète qui court un grand danger.
Les attentes de la Côte d’Ivoire sont celles de l’Afrique, parce que les pays les plus vulnérables sont les pays en voie de développement. Si les pays industrialisés, considérés à juste titre comme les plus grands pollueurs continuent à polluer les milliards de dollars ne serviront à rien. Il faut, outre le transfert des technologies, la prise de conscience citoyenne des décideurs administratifs et privés.
Sériba Koné
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