Lutte contre la fraude, crimes liés à la destruction de l’environnement devant la CPI/ Le SG de la Cnatef, lieutenant Alidjou Touré dit sa part de vérité
-« Notre rôle est de veiller à la transparence et à la bonne gouvernance dans la gestion de la chose publique »
Abidjan, 3 10 16 (lepointsur.com) La coalition nationale des agents techniques des Eaux et Forêts (Cnatef) est l’un des trois syndicats qui soutient la politique de lutte contre la fraude. Un combat que poursuit par l’actuel ministre des Eaux et Forêts, Louis-André Dacoury-Tabley. Face à certaines voix discordantes, nous avons approché le secrétaire général dudit syndicat, lieutenant Alidjou Touré. Dans cet entretien, il dit sa part de vérité et prévient.
A peine votre syndicat a-t-il vu le jour en 2014, qu’en 2015 certains de vos membres ont fait l’objet de sanctions. Avec du recul, que s’est-il passé ?
En 2014, notre syndicat a été créé dans un contexte de lutte, parce qu’à la dernière grève de 2007, toutes les promesses n’ont pas été traduites en actes. En l’occurrence, le fonds de prévoyance des Eaux et Forêts créé dans des conditions calamiteuses. Le président du conseil d’administration élu a été mis à la touche pour des raisons peu élucidées.
Après, il y a nos taux de logements qui devraient être harmonisés à l’instar de ceux des autres corps. Ce qui n’est pas cas, jusqu’à ce jour. La grève nous a donné une régie de recette et d’avance qui tardait à fonctionner, parce que c’était devenu la caisse noire de certains agents et du cabinet au lieu de servir à encourager les agents dans l’exercice de leur fonction.
Il faut dire que cette régie a été créée dans l’optique d’encourager les agents par l’octroi de primes trimestrielles issues des saisies et autres prestations qui devaient les amener à tourner dos à la fraude et à la corruption.
Il y a le problème de notre statut qui est resté hybride qui ne ressemble nullement à un statut d’un corps paramilitaire. Quand cela plaît aux autorités, elles nous traitent comme des civils, mais quand on pose des actes répréhensibles, elles nous traitent comme des corps habillés. Le problème de notre école n’a jamais été réglé. Celles qui existent sont sous l’autorité du ministère de l’Agriculture.
A notre grande surprise, au lieu de poser clairement ces problèmes, les structures syndicales que nous avons trouvées sur place ont passé près de sept ans sans faire de revendication. Après la crise, au moment où toutes les corporations posaient leurs problèmes afin qu’ils trouvent un début de solution, aux Eaux et Forêts où il existait 3 syndicats (…..), c’était le silence plat. Voilà, entre autres les raisons de la création de la coalition nationale des agents techniques des Eaux et Forêts (Cnatef)
Quel était l’objectif principal?
Notre objectif était de nous attaquer directement aux problèmes qui minent notre corporation. Nous-mêmes, nous qualifions cela de revendication historique. Nous avions adressé plus de dix courriers à notre ministre d’alors qui n’ont pas eu de suite. C’est ainsi qu’en juillet 2014, nous avons déposé un préavis de grève. La Primature nous a reçus et a pris les choses en main. Elle nous a demandé de lever notre mot de grève pour donner la chance à la négociation. En bons républicains, c’est ce que nous avons fait.
Malheureusement, les problèmes sont restés en l’état jusqu’à septembre 2014. C’est ainsi que nous avons lancé la grève qui a vu la mise en place ‘’d’une plate-forme interministérielle de discussion’’. Ce cadre de concertation était composé du ministère de la Fonction publique, du ministère du Budget, du ministère des Eaux et Forêts et notre syndicat.
Nous avons travaillé sur toutes les questions contenues dans notre plate-forme revendicative, en l’occurrence la régie. Nous avons demandé que la régie soit transformée en trésorerie: nous avons demandé que l’Etat adopte un statut des agents techniques des Eaux et Forêts, et que nos taux de logements soient harmonisés conformément aux autres corps.
Nous avons demandé aussi que nos jeunes frères qui ont été formés, et qui sont sur le carreau soient intégrés; nous avons demandé que les Eaux et Forêts soient dotées en équipements militaires, de moyens roulants; nous avons revendiqué aussi la bonification… il y a la bonification indiciaire qu’on appelle ‘’les 150 points’’. L’Etat a octroyé à certains fonctionnaires de Côte d’Ivoire… Hélas! Toutes ces requêtes sont restées sans suite jusqu’en 2015.
C’est ainsi qu’en février 2015, nous avons reconduit la grève pendant deux jours sans que le ministère n’engage une véritable discussion avec nous. N’ayant pas eu d’oreille attentive, nous avons lancé la grève d’une semaine. Il faut dire que nous avons rencontré toutes les administrations avec lesquelles nous avons eu la plate-forme de rencontre, mais en vain.
C’est au cours de la grève de sept jours qu’une répression sauvage s’est abattue sur nous, avec des sanctions qui violent toutes les dispositions légales en vigueur. Ainsi certains militants et membres de notre syndicat sont-ils affectés, loin d’Abidjan. Dans des localités inaccessibles sans aucune forme de procédure. Ceci est une grave violation de la liberté syndicale.
Mais le fonctionnaire ivoirien doit servir partout et en tout lieu en Côte d’Ivoire?
Ce sont des sanctions, parce que les procédures en vigueur n’ont pas été respectées. Le leader syndical ne doit pas être déplacé du lieu où il exerce ses activités syndicales, sans qu’une faute réelle lui soit mentionnée. Si un fonctionnaire est en faute, on lui adresse une demande d’explication avant une quelconque sanction. Mais le pire est que ce ne sont que des responsables syndicaux qui ont été sanctionnés. Tenez-vous bien, deux jours après, on voit, dans nos espaces fonctionnaires la mention: ‘’suspension de salaire’’.
C’est ce dernier acte qui nous a indignés car, si le ministère constate que notre grève a été « sauvage » avec « beaucoup de vandalismes », il devrait nous adresser des demandes d’explication. Chez nous, aux Eaux et Forêts les réponses d’explication sont acheminées chez le directeur général des Eaux et Forêts. C’est lui qui les transmet à l’Inspection générale des Eaux et Forêts, qui mène des enquêtes et, quand les faits sont avérés, elle met l’agent à la disposition de la Fonction publique.
Malheureusement, sans aucune forme de procédure, nous avons été mis à la disposition de la Fonction publique et conduits au conseil de discipline.
Quelles ont été les raisons évoquées, selon vous ?
Nous avons été accusés d’avoir fait une grève sauvage doublée de vandalisme. Ce sont les raisons qui expliquent, selon le ministère, la suspension de nos salaires. Et pourtant, nous n’avons reçu aucune demande d’explication. En réalité, le véritable problème des Eaux et Forêts c’est la corruption et la fraude. Une fois devant le conseil de discipline, nous nous sommes expliqués et le conseil a pris acte. Et comme on ne pouvait rien nous reprocher, nous savions que nous serions acquittés. C’est ainsi qu’avant notre acquittement, nous avons été reçus par les ministres Cissé Bacongo (Fonction publique) et Badaut Darret qui nous ont demandé de mettre balle à terre. Les sanctions qui nous frappaient ont été donc levées. Au moment où nous étions sous sanction, parce que nous étions en lutte pour l’amélioration des conditions des agents techniques des Eaux et Forêts à travers des revendications, les 3 autres syndicats sont allés rendre hommage au ministre.
Quelles sont les mains obscures qui sont derrière les ventes illicites de bois ?
Il n y a pas de mains obscures en tant que telle. Seulement, il y a des comportements hors-la-loi et rétrogrades de certains agents, que nous dénonçons. Avant la nomination du ministre Dacoury Tabley, le ministère des Eaux et Forêts était un no man’s land. Quand quelqu’un était nommé à un poste, il prenait une ou deux personnes avec qui il organisait la fraude pour un enrichissement illicite. Des structures techniques, telle la police forestière, avait pour mission le ramassage des bois. Au lieu de faire du contrôle dans les différentes sociétés, la police forestière faisait autre chose. Par exemple, au niveau de la régie, il n’existait aucun procès verbal de ces différentes structures en charge du contrôle.
Avez-vous maintenant une régie? Comment fonctionne-t-elle ?
On a une régie de recette qui avait des difficultés pour décoller. Au lieu que ce soit la caisse pour le recouvrement de toutes les taxes non fiscales, elle est devenue en quelque sorte une caisse noire. C’était un réseau mafieux bien organisé qui détournait l’argent des Eaux et Forêts. De l’intérieur du pays, jusqu’aux directions à Abidjan, c’était le même scénario. Plus grave, il y a des entreprises qui étaient interdites de contrôle. Aussi bien à l’intérieur du pays qu’à Abidjan, chaque responsable avait des conventions avec des entreprises pour s’enrichir. Ce qu’on appelle ‘’convention’’ dans notre jargon, c’est que chaque fin de mois, le responsable d’une entreprise donnée verse de l’argent à un responsable des Eaux et Forêts, ce qui lui donne le droit de faire tout ce qu’il veut dans la forêt sans être inquiété. A cela s’ajoutaient les ‘’comptes rendus’’ ( CR ) qui sont des sommes que chaque sous-officier qui descend du corridor devait verser à son chef hiérarchique. Ce qui était une porte ouverte aux rackets.
Aujourd’hui, avec la nomination du nouveau ministre tous ces actes ignobles sont en train de disparaître. Pour l’année 2015, seuls deux procès verbaux ont été déclarés, mais cette année plus de 50 procès verbaux ont été déjà déclarés. Et tout cet argent est payé dans notre caisse commune qui est la régie. Donc, vous comprenez que le changement au niveau de la régie sera net.
Qu’est-ce qui vous conforte dans votre position pour dire que l’actuel ministre est en train de faire du bon travail ?
Il faut savoir faire la part des choses. En tant que syndicalistes, nous ne devons pas avoir pour rôle de soutenir un ministre. Seulement, nous devons encourager celui qui pose des actes dans le sens de la revalorisation de l’image de marque de notre corporation. Tout en défendant les intérêts de nos agents, nous défendons aussi ceux de l’Etat de Côte d’Ivoire, parce que nous sommes des structures de la société civile dont le rôle est de veiller à la transparence et à la bonne gouvernance dans la gestion de la chose publique. Ce qui se passe aux Eaux et Forêts s’inscrit dans la bonne gouvernance. Dès sa nomination, le ministre, Dacoury, a fait le tour de toutes les directions centres à Abidjan et directions régionales à l’intérieur du pays pour s’imprégner des réalités du ministère. A cette occasion, il a clairement indiqué sa vision en insistant sur le fait que la fraude devrait immédiatement prendre fin. Ce qui est malheureux, c’est que des responsables qui sont pour certains les problèmes de notre domaine n’ont pas eu le courage de dire la vérité au ministre. Ce que certains n’ont pas encore compris, c’est qu’avec les TIC, on ne peut rien cacher. Des organisations de défense de l’environnement avait déjà tiré sur la sonnette d’alarme sur des comportements qui ne donnaient pas une bonne image de la Côte d’Ivoire à l’extérieur. Donc, le ministre savait à quoi il avait à faire. Les produits de l’exploitation illicite étaient également vendus à ciel ouvert en Côte d’Ivoire sans que personne ne lève le petit doigt.
Concrètement qu’est-ce l’actuel ministre a fait à son arrivée?
Quand il a rencontré les responsables susmentionnés, aucun n’a eu le courage de lui dire la vérité. Il a fallu qu’il nous rencontre, nous les syndicats qui étaient très indignés, pour lui dire la vérité. Nous lui avons dit que nous avons fait de notre cheval de bataille, la lutte contre la corruption, la fraude et la gabegie dans notre milieu. Nous lui avons dit clairement que nous sommes dans un secteur qui ne sert pas l’Etat, mais qui se sert de l’Etat.
Nous avons dit notre part de vérité. D’autres personnes ressources ont également dit leur part de vérité au ministre. Cela a permis au ministre de conforter toutes ces informations pour voir quelles actions il fallait mener. C’est donc pour choquer que le ministre a créé une unité spéciale qui a permis de découvrir aujourd’hui qu’il y avait des entreprises qui travaillaient sans agréments, qu’il y avait des entreprises qui étaient au-dessus des contrôles (…) Cela nous a permis de comprendre que le reboisement compensatoire était un leurre, qu’il y avait des entreprises qui ne prenaient pas de documents statistiques… Aujourd’hui, tous ceux qui n’étaient pas en règle sont entrain de se mettre en règle. Il y avait un commerce illicite de bois sciés entre la Côte d’Ivoire et certains pays du Nord, comme le Mali et le Burkina ; ce commerce est en train de disparaître.
Y a-t-il eu des fermetures de sociétés ?
En ce qui concerne les sociétés qui ont été fermées, c’est la communication du ministre qui pourra vous donner des informations. On peut toutefois dire qu’il y a des sociétés qui ont payé le lourd tribut de leur mauvais fonctionnement. Elles ont payé des taxes à l’Etat de Côte d’Ivoire et aux Eaux et Forêts. En tout cas, toutes ces structures sont en train de se mettre en règle. Des opérateurs du bois, qui n’avaient pas d’agrément, sont en train de prendre leur agrément. Le comportement de fraude est en train de prendre fin ; tous ceux qui se comportaient comme des demi-dieux ont compris aujourd’hui que ce n’est pas comme ça qu’il faut gérer l’administration. Ils ont compris que leurs agents sont des collaborateurs et non des esclaves. Aux Eaux et Forêts, c’était les 10% du personnel qui travaillaient tandis que 90% ne faisaient rien. Aujourd’hui, les agents ont été remis au travail. Nous nous en réjouissons parce que cela a rehaussé l’image de notre corporation (…) Nous félicitons notre ministre et l’invitons à rester sur cette voie, parce que le jour qu’il va dévier, nous allons lui retirer notre soutien, car la lutte contre la fraude a toujours été l’épicentre de notre combat, une société qui se veut moderne doit sortir de l’informel au profit du formel.
N’en déplaise, il y a des voix discordantes qui décrient sa gestion. Quel commentaire ?
Vous savez, le changement fait mal. Le ministre est venu opérer un changement en inversant les pratiques existentielles, le groupuscule de personnes qui s’enrichissait dans cette pratique ne peut plus prospérer. Des entreprises refusent de leur payer des conventions, parce que ces entreprises-là sont contrôlées par la nouvelle police forestière et par l’unité spéciale (USI) que le ministère a mise sur pied.
Aujourd’hui, les opérateurs qui travaillent dans la légalité ne sont pas prêts à passer par des voies tortueuses. L’argent que ces derniers recevaient illicitement dans leurs poches commence à prendre la direction de la régie. Le règne des empereurs a pris fin.
Ceux qui critiquent la politique de bonne gouvernance du ministre, où étaient-ils hier quand la chienlit s’était installée aux Eaux et Forêts? Que lui reprochent-ils? Ceux qui crient aujourd’hui ne reçoivent plus leur pitance. Ils ne reçoivent plus l’argent mal acquis, alors qu’ils se sont donné un train de vie élevé. Ce sont eux qui affirment qu’il y a une caisse noire aux Eaux et Forêts. Où étaient-ils quand la régie donnait 17000 FCFA par an aux agents, au moment où certains responsables sont en train d’être primés sur le plan national comme ayant apporté 5% du PIB. Ils sont restés muets quand la corporation était dans les ténèbres. Ils ont la voix au moment où le soleil est en train de pointer à l’horizon, où l’argent commence à rentrer dans les caisses de l’Etat, au moment où les opérateurs sont en train de se mettre en règles. Sont-ils devenus les avocats des forces du mal? N’est-ce pas eux les forces du mal?
Nous, en tant que jeunes nous devons encourager la bonne gouvernance parce que c’est en cela que se trouve notre salut. C’est pourquoi, nous encourageons le ministre à travailler dans ce sens. Le ministre Gnamien Konan l’a fait à la douane en tant que DG, il a été soutenu. Même en dehors des Eaux et forêts, le ministre reçoit des encouragements.
Nous, nous reconnaissons que ce qu’il fait aux Eaux et Forêts actuellement est encourageant. Quand quelqu’un entreprend un combat contre un réseau mafieux, comme celui de notre corporation, il faut l’encourager. Si nous, les syndicats, nous critiquons et vilipendons cela, c’est que nous sommes d’accord avec la fraude et heureux de voir les gens croupir sous le poids de la pauvreté.
Nous disons non et nous tendons la main aux détracteurs pour qu’ils nous rejoignent pour aider le ministre dans sa noble tâche. Hier, ils avaient leurs raisons parce que peu courageux pour s’opposer à la fraude, de peur d’être sanctionnés comme nous. Aujourd’hui, ils doivent s’engager, car le changement vient de la hiérarchie. Quand le changement vient de la tête c’est facile d’être appliqué. Mais quand il vient de la base comme ce que nous avons vécu, cela devient difficile si la tête n’est pas d’accord avec le changement. Ce n’est donc pas à nous de nous dresser contre un changement positif.
Qu’en est-il exactement de vos différentes revendications ?
Au niveau de nos revendications, le transport de la Sotra que nous n’avions pas nous a été donné en partie, parce que cela ne s’est pas fait sur des textes clairs. Le DG de la Sotra a pris une note de service pour nous donner le transport gratuit, mais nous disons que cela doit se traduire par un décret. Le décret modificatif a été fait et déposé au secrétariat du gouvernement, mais il faut qu’il soit signé. Au niveau du logement, une partie de l’argent a été virée au ministère des Eaux et Forêts. Il y a 3 milliards qui ont été mis à la disposition du ministère. On attend qu’un texte soit signé pour que le paiement se fasse. Nous demandons au ministre de faire de cette préoccupation une de ses priorités. Concernant les 150 points, nous sommes dans une plate-forme de syndicats qu’on appelle, ‘’la plate-forme des syndicats du secteur public’’ dont je suis le vice-président du comité de contrôle. Nous avons rencontré le ministre de la Fonction publique qui nous a informé que le président de la République a donné des instructions pour faire le point des 150 points évalués à environ 27 milliards et, qu’en 2017, toutes les corporations qui n’ont pas encore eu les 150 points, les auront. Il y a également nos reliquats de, nos primes de suggestions et de risques, nous avons posé le problème. Le ministre de la fonction publique a promis que ce sera payé par tranche. Le problème de l’école n’est pas réglé. Les états généraux de l’eau de la forêt et de la faune, qui ont eu lieu en décembre, indiquent en leur point 2 des recommandations qu’il faut une école des Eaux et Forêts pour permettre une adéquation entre la formation et l’emploi. Ce que nous faisons à l’INFPA n’a rien à avoir avec ce que nous faisons sur le terrain. Nous avons également demandé que le statut des Eaux et Forêts soit signé, parce que le problème de notre statut et de celui des douaniers ont été posés au même moment. Les douaniers ont eu leur statut sans que nous n’ayons le nôtre.
N’est-ce pas tout cela qui favorise la fraude ?
Evidemment, tout cela participe de la fraude. Parce que si nous avons une bonne formation, le code de déontologie sera connu des agents afin qu’ils soient mieux outillés pour faire correctement leur travail. Étant donné qu’ils sont formés au rabais, ils ne peuvent pas être à la hauteur des attentes. D’où le manque de disciplines constatées çà et là. En conclusion, nous disons que le problème de l’école est crucial, parce qu’il résoudra en partie le problème de la fraude.
Quelle est la superficie réelle de la forêt ivoirienne, à ce jour?
Nous avons moins de 2 millions d’hectares de forêts en Côte d’Ivoire. Toutes les forêts ont été attaquées. La situation de la Côte d’Ivoire est catastrophique. A la CNATEF, nous exigeons que l’exploitation forestière soit interdite dans les forêts classées. Il faut refaire l’aménagement des forêts classées, il faut refaire le reboisement et aussi procéder au déguerpissement.
Que font les agents des Eaux et Forêts, parce que vous êtes accusés à tort ou à raison?
On ne peut accuser à tout moment nos agents. L’un des problèmes de la forêt ivoirienne est celui de l’immigration. La Côte d’Ivoire paye le lourd tribut de la libre circulation dans l’espace CEDEAO. Cette libre circulation crée un certain désordre qui fait qu’il est difficile de faire un contrôle efficient. Où vont s’installer ces migrants qui n’ont aucun métier. Pour survivre, ils sont obligés de s’installer là où il y a des terres cultivables donc dans les forêts classées. L’Etat a sa part de responsabilité. Donc, il faut une volonté politique réelle.
Que font la société de développement des forêts (Sodefor) et l’office ivoirien des parcs et réserves (Oipr) ?
Nous félicitons l’Oipr, parce que c’est une des véritables structures mises en place par l’Etat qui fait un travail remarquable. C’est pour cela qu’elle a été primée en 2015 comme la 2e meilleure administration publique. L’Oipr a réussi à maintenir certains parcs intacts grâce à l’appui de certains organismes internationaux. Quant à la Sodefor, elle n’a pas réussi ce pari-là. Aujourd’hui, les organismes internationaux et les bailleurs de fonds ont décidé de rompre avec la Sodefor qui s’avère une vieille structure. La Sodefor n’a pas mené à bien sa mission qui est, entre autres, le reboisement, l’aménagement et la protection des forêts classées. Elle a planté plusieurs hectares de tecks dont la gestion rationnelle des revenus issus de leur exploitation devait permettre de financer toutes ses activités. Malheureusement, l’argent du bois vendu n’a pas servi ce à quoi il était destiné.
Où est passé l’argent de l’exploitation du bois dan les forêts classées ?
La Sodefor est une structure très endettée qui n’arrive même pas à faire face à ses propres charges. Au lieu d’éponger la dette existante, les gens vont contracter d’autres dettes.
N’est-ce pas une accusation grave ?
La Sodefor dans son fonctionnement actuel est complice de la fraude. Cela, nous l’assumons parce qu’elle s’est détournée de sa mission première qui est le reboisement pour devenir un exploitant forestier. La SODEFOR a 50 ans. Qu’elle nous fasse le point des reboisements depuis 2010, un point de tous les aménagements des forêts classées.
Savez-vous que la CPI a annoncé depuis le jeudi 15 septembre 2016, qu’elle allait commencer à se concentrer sur les crimes liés à la destruction de l’environnement ?
Cela ne me surprend guère. Nous sommes partie prenante des mouvements de protection de l’environnement dans le monde entier, nous sommes affiliés à des structures comme l’UTA et le SNUPFEN. Aujourd’hui, dans le monde entier, les gens sont en train de réfléchir pour la mise sur pied de l’internationalisme forestier. Ce mouvement est piloté par un Argentin qui se bat beaucoup. D’ailleurs, tout le monde est conscient que le réel problème de la planète, c’est celui de l’environnement. La forêt est l’élément stabilisateur de l’environnement, autant dire que c’est une préoccupation majeure pour la communauté internationale. Si la forêt est détruite en Côte d’Ivoire, les conséquences vont s’étendre à tous les pays voisins et même au monde entier. Nous sommes donc fiers qu’une telle initiative ait été prise pour mettre fin à cette destruction sauvage de l’environnement. Ce sera l’occasion de faire connaître mieux le code forestier et environnemental aux gens, en général, et en particuliers, aux Africains et à tous ceux qui se comportent comme de vulgaires bandits. Il est normal que ces lois soient vulgarisées pour permettre aux populations de connaître leurs limites.
Votre syndicat sera-t-il prêt à répondre en tant que témoin, à la Cour pénale internationale (CPI) si la Côte d’Ivoire était poursuivie pour des crimes liés à la destruction de l’environnement ?
Cela dépendra du contexte. Si nous constatons que le dossier est relatif à la protection de l’environnement et que la Côte d’Ivoire est concernée, nous serons prêts à nous présenter comme témoins. Mais si c’est un dossier qui doit salir l’image de mon pays, et qu’il est monté dans un but politique de salir nos dirigeants ou des acteurs politiques, nous n’allons pas nous mêler. Nous sommes une structure syndicale qui ne fait pas de la politique ; notre rôle n’est autre que de veiller aux intérêts de nos membres. Si la Côte d’Ivoire est convoquée à la Cpi et que les questions réelles de la protection de l’environnement sont évoquées, nous nous ferons un devoir d’apporter notre contribution à la protection de l’environnement en disant notre part de vérité. Aujourd’hui, nous sommes tentés d’écrire un livre pour dénoncer tout cela. Le titre de l’œuvre est « La Forêt ivoirienne, le paradoxe ». C’est dommage qu’après la formation des ingénieurs, la forêt ivoirienne n’ait pu être protégée. Il faut faire connaître le rôle écologique de la forêt à la population. Autant vous dire que le problème de la protection de la forêt est une question universelle…
Interview réalisée par Sériba Koné
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