Technologie

« L’intelligence artificielle permet d’avoir un deuxième cerveau », selon un expert européen


L’intelligence artificielle commence tout juste à envahir l’espace public. Affaire de chercheurs et de spécialistes, l’IA est devenue un terrain de jeu pour entrepreneurs experts à même d’en proposer des utilisations ingénieuses. RFI a interrogé le Français Benoît Raphaël, qui propose ses compétences aux entreprises et forme les néophytes dans le domaine. L’occasion de découvrir avec un pratiquant comment l’IA peut prochainement entrer dans vos vies.

Benoît Raphaël, journaliste, entrepreneur et auteur français

Discuter avec Benoît Raphaël d’intelligence artificielle et de ses usages dans la vie de tous les jours, permet de comprendre comment ses outils risquent de bouleverser nos vies dans les prochaines années ; c’est aussi l’occasion d’évoquer les récents troubles dans la production d’information, car le positionnement actuel de Benoît Raphaël provient de son parcours dans les médias : « Plus jeune, j’étais terriblement introverti et je pouvais parfois me mettre à bégayer quand je prenais la parole. Paradoxalement, j’ai toujours eu cette obsession de donner la parole à chacun. J’ai travaillé dans des radios, différents médias à caractère communautaire et participatif. Je voulais offrir les moyens de s’exprimer, « l’empowerment » comme on l’appelle [NDLR: « empowerment » est un concept complexe qui renvoie à la notion de pouvoir et de processus d’apprentissage pour y accéder]. Puis j’ai vécu l’arrivée d’Internet et des blogs qui ont encouragé l’expertise et la diversité. On découvrait que les médias n’étaient pas qu’une élite qui pense pour les autres. Cet afflux d’informations a entraîné un chaos à filtrer et le meilleur outil à cet effet, c’est l’IA. L’intelligence artificielle est selon moi un nouvel « empowerment ». »

« Attention, je ne suis pas un techno prophète »

L’IA a bouleversé sa vie et c’est en visio Google Meet que la rencontre a eu lieu : « Je suis parti de France en avril 2022. Le Covid m’a permis de comprendre que je faisais tout en ligne et que je payais très cher Paris. Maintenant, je suis à Bali où j’ai construit un nouveau modèle économique. Je suis parti avec ma valise, mon Mac et l’intelligence artificielle, mais attention, je ne suis pas un techno prophète », sourit-il, puis il ajoute toujours en souriant : « Le décalage horaire me permet d’échapper à beaucoup de notifications pour véritablement travailler sur mes dossiers. »

Le livre de Benoît Raphaël, Information : l’indigestion, parle du chaos engendré par les fake news : « L’IA peut faire un tri de qualité et permet de se libérer de tâches qui nous encombrent. L’IA libère le cerveau », sourit-il. « Avec mon associé dans Flint Media, on a pensé le site GenerationIA et cette newsletter. Thomas est ingénieur et il me disait ne pas savoir écrire. Alors, il a utilisé ChatGPT, meilleur moyen pour se lancer, et maintenant, il sait rédiger. Il a acquis une nouvelle compétence. Ses billets sont d’ailleurs ceux qui marchent le mieux sur le site. » « On peut dire que j’ai gardé la même logique depuis 18 ans, celle de l’empowerment. »

On ne peut que recommander le papier à propos d’un escargot : « ChatGPT décortiqué : du token à l’escargot, les secrets dévoilés », un modèle du genre pour comprendre les enjeux passionnants au cœur de l’IA.

« L’IA, un outil. Comme un assistant, mais pas un remplaçant »

Benoît est pragmatique, ne fantasme pas la technologie : « On a dit que l’IA allait détruire l’humanité, puis on a réalisé que c’est loin d’être si intelligent. C’est surtout un outil. Comme un assistant, mais pas un remplaçant. Il ne faut jamais oublier que c’est une mécanique probabiliste. »

La révolution est en marche, quand il nous détaille ses utilisations de l’IA : « Pour éviter l’appréhension de la page blanche, j’utilise « voice pen », une application qui, à partir d’un mémo vocal, restructure mon texte dicté. Mes posts pour LinkedIn sont rédigés par l’IA à 50%, mais je relis à chaque fois, avec un bon prompt* ChatGPT qui permet d’éviter les biais de langage. J’utilise aussi Mistral, à condition d’avoir le bon prompt. Ce sont chacun des modèles instables et c’est comme une partie de ping-pong. Les formations sont des exercices journalistiques, ça permet de comprendre que l’instrument en IA, ce sont les mots. Je démystifie, car vraiment, il n’y a aucune intelligence dans cet outil probabiliste et aléatoire. On a une communauté sur WhatsApp pour améliorer les prompts. Cet art du prompt, c’est un peu comme la photographie qui est technique, scientifique, mais il y aura toujours ce moment de surprise, le révélateur. Roland Barthes parle de « punctum », comme un inconscient dans la boîte. Le génie dans la boîte IA ? Eh bien, c’est pareil. Mon associé ingénieur parfois fait un prompt qui marche très bien. Je lui demande comment t’as fait et pourquoi ? Bah parce que ça marche. »

« La rag fait gagner du temps en productivité, en qualité et en densité de contenu »

Comprendre sa méthode de travail permet aussi de mieux envisager les nouveaux outils en IA : « J’ai toutes mes notes sur l’application Notion, une plate-forme dédiée à cela. Plusieurs milliers de notes que je peux ajouter à des documents scientifiques synthétisés avec un prompt. Je peux demander à Dust d’en faire une synthèse globale pour moi. Dust est une entreprise française qui propose des solutions en RAG, la génération augmentée de récupération. »

La génération augmentée de récupération est une technique qui fournit des résultats plus précis aux requêtes qu’un grand modèle de langage, car la RAG utilise des connaissances externes aux données déjà contenues dans le LLM**. Autrement dit : quand on interroge Chat GPT, la réponse provient de la base de données mondiale (la grande bibliothèque), alors qu’avec la RAG, la réponse obtenue s’affine avec les choix de l’utilisateur, ses données ou celle de son entreprise qui sont dans sa bibliothèque personnelle. Autant d’avancées en qualité et efficacité.

« La RAG fait gagner du temps en productivité, en qualité et en densité de contenu, ça enlève aussi des freins et le robot sert toujours pour le ping-pong intellectuel. C’est toute ma théorie qui me fait dire que l’IA te permet d’avoir un deuxième cerveau. »

« Il faut de la vigilance et de l’éducation en IA, il n’y a pas de pensée magique »

À une question sur les enjeux de l’IA vis-à-vis de la créativité, il répond : « Il y a une artiste, Caroline Zeller, qui explique que l’IA est la suite logique de son travail. Rédiger un prompt, c’est OK, mais le plus important demeure dans son cas la culture visuelle. Pour l’écriture, c’est pareil, c’est bien de comprendre comment ça marche, mais il faut aussi apprendre à structurer son esprit, savoir ce qu’on veut en tant qu’expert dans son domaine. Seulement après, on pourra avoir de bons résultats. Il y a une vraie prudence à avoir avec l’intelligence artificielle. Avec Open AI, il ne faut pas perdre notre esprit critique, même avec le moteur de recherche Perplexity, il faut en vérifier les résultats, les sources. Il faut de la vigilance et de l’éducation en intelligence artificielle, car il n’y a pas de pensée magique. »

* Prompt : C’est une instruction envoyée à un algorithme d’intelligence artificielle (IA) spécialisée dans la génération de contenu — comme par exemple du texte ou de l’image.

** LLM : C’est un programme informatique ayant reçu suffisamment d’exemples pour être capable de reconnaître et d’interpréter le langage humain ou d’autres types de données complexes.

Source : Rfi

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