Point de Vue

La lettre à Colette/ Mon Président, l’heure est toujours grave ! Par Omar Samson


 

Ma très chère Colette,

Abidjan-17-05-16 (lepointsur.com)Un excès de confiance en ses ministres, un manque de maîtrise de la situation, ou un appât jeté à la mer en attendant l’attitude de la proie ? Voilà les trois hypothèses que nous avons formulées au soir du premier mai, lorsque le Président Ouattara exprimait son indignation, et partant, se désolidarisant des nouvelles décisions relatives au permis de conduire, et à l’électricité. Morceaux choisis : « …je n’ai donc pas compris, pourquoi nos factures avaient augmenté. Après enquêtes, nous avons découvert que la décision gouvernementale n’a pas été correctement appliquée… » (Page 19 et 20) et parlant du permis de conduire, il renchérit « … Ma conviction est que le renouvellement des permis de conduire ne devrait pas viser tous les conducteurs. J’ai donc décidé de la suspension de l’opération en attendant que le gouvernement me fasse, dans les prochaines semaines, des propositions sur les conditions de poursuite de cette opération… » (Page 21).

Des ministres, sont-ils capables dans un pays civilisé de se calfeutrer, décider et soumettre aux petits peuples leur volonté, sans que le président n’ait un regard approfondi sur le contenu de leurs petits calculs ? De grâce, cessons de nous ridiculiser. Le Président dirige chaque mercredi le conseil des ministres. Et c’est justement au cours de cette cérémonie, que les communications ministérielles sont faites, analysées et appliquées selon le chronogramme  d’exécution. Ecartées donc les deux premières hypothèses, il n’y a aucun doute à conclure que le gouvernement a voulu nous jauger, nous tester, et réagir selon la réaction générale. Hélas, le mélange chimique souffrait d’une carence en eau et d’excès en acide.

Résultat, la solution est restée dans la gorge. Et face à la montée de la tension, suite au fil blanc très apparent sur le tissu noir, le chauffeur s’est désolidarisé du balanceur, et les naïfs passagers ont ri, applaudi, fêté et chacun est rentré chez lui, fier d’avoir un chauffeur pompier. Oubliant que l’auteur français l’a dit au début du siècle dernier « … après avoir en applaudi, ri et fêté, il faudra en pleurer… »

Concernant le dossier de l’électricité, la Banque Mondiale a en effet exprimé  depuis 2 ans sa désapprobation quant à la subvention des produits pétroliers et énergétiques en Côte d’Ivoire. D’ailleurs, elle n’a pas eu tort, car la subvention est cause d’aggravation de déséquilibre budgétaire, mise en berne de certaines dépenses publiques prioritaires, exténue les investisseurs privés du secteur, encourage une consommation excessive, ce qui constitue un frein au développement durable. La Banque mondiale avait donc proposé une solution aux autorités ivoirienne pour ne pas rendre la facture très salée pour les populations qui croulent déjà sous le poids d’une paupérisation.

Lutter contre la fraude qui fait perdre 50 milliards FCFA par an à l’Etat. Face donc à la pression, il aurait été plus juste de présenter le plan de lutte fiable contre le « vol de courant ». Que non ! Il a été décidé une augmentation progressive du prix du kilowattheure. Les points d’orgue furent février et mars 2016, les factures passèrent du salée, à l’acide. Et comme un malheur n’a de valeur dans ce pays, que s’il est collectif, et vue le fait que presque tout le monde à « courant chez lui » la grogne ne pouvait être que générale. Concernant le permis de conduire, le terme utilisé est clair « suspension ». En droit et partant en politique, il s’oppose à « levé ». En suspendant le processus au lieu de le lever définitivement, chacun sait à quoi s’en tenir. Mais que veulent encore réhabiliter et rénover les autorités ivoiriennes qui viennent d’être fraichement réhabilitées à 116 milliards ? Réponse : les universités. Et ne pouvant pratiquer une rallonge budgétaire très flagrante, on s’est abrité sous l’alibi des jeux de la francophonie. Bien sûr que les 23 milliards dont le premier ministre Duncan a parlé le 06 mai 2016, serviront un ensemble de taches entrant dans le cadre des jeux.

Mais ce qu’on devrait savoir, c’est qu’en juin 2014, le budget étudié, évalué et à décaisser était de 7,5 milliards. (Communiqué du conseil des ministres du 18 juin 2014),  Selon M. Nabagné Koné, ce budget global comprenait l’acquisition d’un siège, la mise en place d’une administration, la réception au moment venu des athlètes, l’hébergement et tout ce qui entoure l’organisation de l’évènement. Mais comment passe-t-on, aussi facilement de 7 à 23 milliards pour un processus étudié, évalué et bouclé ? Pas besoin d’intégrer un échantillon de la cervelle d’Einstein à la notre pour cerner tout les contours du rebond. La plupart de ces athlètes et journalistes (environs 4700 personnes) seront logés dans les cités universitaires.

Puisque, les logeurs connaissent la qualité exacte du travail abattu dans ces cités, ce serait une honte de laisser des journalistes extérieurs constater les faits, et pis en faire des articles de presse après y avoir eux-mêmes été logés. Pour donc colmater les brèches, au sens propre  et figuré, l’on est passé à 23 milliards. Lorsque nous disions ici qu’il fallait piocher de très près la méthode de passation du marché de la réhabilitation,  de la qualité du matériel utilisé, de la mission d’inspection du Bnedt pour s’assurer réellement de la bonne exécution des travaux, nous avons été qualifiés de taupes en mission contre les intérêts de tels ou tels bras droits du Président. Pourtant, nous ne voulions que la vérité, situer les responsabilités et éviter les accusations infondées.  Finalement, lorsqu’une malversation émerge, tout le monde lorgne du côté du Président, c’est-à-dire le chef de service. Ont-ils tort ? Pas du tout. Le pays étant une grosse entreprise, l’adage voudrait donc que lorsqu’il y’a un dysfonctionnement financier grave dans une entreprise, la responsabilité incombe pour 20% à l’auteur et 80% au chef de service…

Nul, ne nous empêchera de poser des questions, chaque fois que nous tenterons d’engager le débat pour comprendre, des dysfonctionnements constatés au niveau de l’attitude de certains compatriotes, ou étrangers installés en Côte d’Ivoire. C’est dans ce contexte que nous écrivions ici, il y a plus de deux ans, qu’une étude devrait être menée pour comprendre pourquoi, la quasi-totalité des microbes appréhendés étaient issus de la zone nord du pays, ou de pays limitrophes septentrionaux ? Pourquoi les conflits éleveurs peulhs et paysans lobi tournent toujours à l’avantage des peulhs dans le Bouinkani ? Alors, si nous avons cru bon d’engager le débat à ces niveaux, nul ne nous empêchera de nous poser des questions, suite à la recrudescence  des problèmes constatés au niveau du foncier entre d’une part, les libanais, ivoiro-libanais et nos compatriotes d’autre part.

Tenez !… en 1996, Khalil Fares, brandit un titre de concession acquis en 1992, sous l’ère Ezan Akélé, l’arrêté N° 265 M.E.C.U D.CU SDAHPC lui accordant le permis de construire et inscrit au journal officiel N° 23 du jeudi 8 juin 1995. Il engagea un processus de déguerpissement du marché gouro de feu dame Madeleine Zamblé-lou Irié. Le président Bédié, fut obligé d’intervenir en disant à Fares de ne pas se fatiguer, « ces femmes n’iront nulle part ». Ensuite,  Madame Karamoko qui décide de rentrer au bercail,  rachète à la famille Abé, via SCI et face au notaire Me Angoua un immeuble en avril 2013, et 4 jours plus tard, Ahmad Ghaddar, un locataire dudit bâtiment engage une procédure  de mise à prix d’un appartement du bâtiment puis, toujours en Avril sauf que cette fois, c’est en 2014, les habitants de la cité RAN de Marcory Zone 4, cité acquise administrativement par la RAN pour ses employés, ont été réveillés par les bruits des moteurs des engins commis pour raser ladite cité.

L’auteur, un certain Fouad Omaïs, qui serait le nouvel homme fort des lieux. Enfin, cette affaire non encore élucidée, opposant la famille de feu Boundy à Ali Fawaz. La liste est tellement longue que des dizaines de courriers ne suffiraient pas pour en débattre. Et tous ces noms à consonance arabique, ne sont ni des marocains, ni des jordaniens, mais des libanais. Juridiquement, rien ne prouve que ces libanais ont toujours tort. Mais pourquoi, c’est seulement face à des libanais que notre ultra nationalisme mettrait en veilleuse notre amour pour l’autre ? Alors, nous avons reçu ceci comme réponse : « … ce genre de situation est légion dans le pays et concerne toutes les communautés… » Alors, si tel est le cas, pourquoi celles impliquant les libanais font trop de bruits ?  Ne posez jamais de questions, lorsqu’il s’agit de situation à controverse impliquant des libanais.

La prévention a valeur d’or face à la guérison. N’attendons pas que les drames surviennent pour organiser des débats, dans le but de comprendre les facteurs qui concourent au déchaînement des populations. Le manque d’anticipation, une des valeurs cardinales du nègre. Pendant plusieurs semaines, des jeunes et cadres du Bounkani avaient via les réseaux sociaux (Bruno Koné doit l’avoir vu certainement) et la presse donné l’alerte sur l’imminence d’un conflit entre peulhs et Lobi, très peu de personnes les ont pris au sérieux. Et c’est après les 61 morts que le gouvernement a organisé le 21 avril un séminaire à « L’Etoile du Sud », avec pour thème «  lutte contre les conflits communautaires ». N’attendons pas que l’incompréhension conduise au déchaînement contre les libanais, pour nous pencher sur l’abcès. Les événements graves de Bouna ont démontré que quand la victime supporte pendant des décennies, et se retrouve dos au mur, rien ne peut l’arrêter.

Et pour le petit garçon qui a pris une balle à Assouindé ? Désolé, rien à dire. On ne ment pas au peuple, tant qu’on n’a pas réuni toutes les infos relatives à une situation grave. De la, dépend notre crédibilité et notre honneur. Bon début de semaine

 

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