L’envol des dinosaures
L’oiseau préhistorique, l’Archæoptéryx, ce dinosaure à plumes muni d’ailes, n’a qu’à bien se tenir. Il aurait au moins deux concurrents. « Il n’y aurait pas un ancêtre unique des oiseaux mais plusieurs ramifications de l’arbre de l’évolution, incluant de nouvelles espèces proches des oiseaux », présente le paléontologue de l’Université McGill, Hans Larsson.
D’un côté, les Dromaeosauridés – les fameux « raptors » et de l’autre, les Théropodes troodontidés, lit-on dans une récente étude. Cette actualisation de l’arbre phylogénétique des petits dinosaures à plumes révèle des surprises sur l’histoire (pas si) linéaire de l’envol des dinosaures, explique le titulaire de la Chaire canadienne en paléontologie des vertébrés, et coauteur de cette recherche.
Grâce à l’étude du vol des oiseaux d’aujourd’hui et l’analyse de fossiles découverts récemment en Chine, les chercheurs indiquent qu’il y a un grand potentiel pour la capacité de ces familles à avoir pu planer et même avoir pu se propulser pour s’envoler.
Ainsi, les Dromaeosauridés ou vélociraptors carnivores -à l’appétit illustré par le film Parc Jurassique- des dinosaures de taille moyenne munis de griffes et de plumes, auraient été capables de prendre leur envol. Dans cette famille figurent les microraptors (microraptorine dromaeosaurids) les plus susceptibles de s’être adonnés au vol propulsé, selon l’étude.
De la taille d’un geai bleu, le microraptor possédait sans doute le muscle nécessaire pour mouvoir ses grandes ailes et donc, dépasser la limite du vol plané – au point de connaître l’agilité des oiseaux modernes pour se mouvoir dans le ciel en décollant depuis le sol.
Une autre famille de petits dinosaures ressemblant à des oiseaux, les Théropodes troodontidés, pourrait aussi rejoindre ce petit groupe sélect de dinosaures susceptibles d’avoir volé et d’être liés aux « avaliens », le groupe auquel appartient l’Archaeopteryx.
Moins bien connus que ce dernier, les spécimens de ces petits dinosaures proviennent de Chine et s’avèrent assez complets, montrant une morphologie détaillée, des ailes et des plumes. Parmi eux, les Anchiornithinae – famille proche de l’Archaeopteryx – dont le Xiaotingia qui, concluent les chercheurs, était doté lui aussi d’un fort potentiel de vol.
Cette expérimentation de locomotion ailée ou « vol battu » aurait donc pu se produire au moins trois fois dans ces temps reculés. « Et avec différents styles de vol, probablement moins élégants que celui des oiseaux actuels. Le portrait est donc plus complexe que celui qu’on pensait », soutient encore Hans Larsson. Le modèle du dinosaure unique aux grandes ailes qui aurait engendré tous les oiseaux s’avère dépassé. Et de nouveaux fossiles pourraient nous réserver d’autres surprises.
Le potentiel de vol chez plusieurs cousins des oiseaux (Université de Hong Kong)
Voler, c’était cool !
L’idée que de nombreux carnivores d’alors aient été capables de s’élever de terre n’est certes pas nouvelle. « Voler était la chose la plus cool de cette époque chez les petits dinosaures », commente François Therrien, le conservateur de la paléoécologie des dinosaures du Musée canadien de paléontologie Royal Tyrrell. « Cela fait des dizaines d’années que les paléontologues explorent cette idée. Ce qui est intéressant dans cette étude, c’est à quel point cela était populaire pour l’ensemble des espèces et est-ce que cela concernait seulement les ancêtres des oiseaux ? L’étude pose de bonnes questions. »
Étudier la musculature des oiseaux modernes s’avère une bonne piste à son avis pour trouver certaines lignées susceptibles d’avoir tenté de s’envoler. Et sans doute sont-ils nombreux à l’avoir tenté avec plus ou moins de succès. Il est heureux, juge François Therrien, que les chercheurs aient su éviter la controverse de la spécification « un vrai oiseau ou pas » en écartant le terme « Aves » pour lui préférer « avialés » (Avialae), qui permet d’y inclure ce type d’espèces susceptibles de voler.
Comprendre ce qui s’est passé demandera, selon lui, des analyses plus approfondies et la découverte de spécimens complets. « Pas seulement les plumes et les avant-bras, car l’envol nécessite quantité de muscles et le fait d’avoir évolué pour conserver cette aptitude. Pour l’instant, l’Archæoptéryx reste, sans doute, le plus proche des vrais oiseaux », tranche le conservateur.
Source: ASP