Le billet d’humeur du jour d’André Silver Konan 001/ Le livre de Gbagbo et le livre de Soro
Le livre de Laurent Gbagbo vendu dans les librairies (y compris dans les Librairies de France dont certaines avaient été saccagées par des patriotes en novembre 2004, au motif fallacieux qu’elles étaient des entreprises françaises), lu dans la rue, et même dédicacé (une vraie forfaiture puisque seuls les auteurs ont le droit de dédicacer leurs œuvres, sinon les éditeurs en cas de force extrêmement majeure) à Abidjan, sans que le ciel ne tombe sur la tête de personne. Je me rappelle que le livre de Soro écrit pendant la rébellion, n’avait jamais été autorisé à être vendu en Côte d’Ivoire, encore moins être dédicacé, par son auteur, par le pouvoir d’alors.
Un autre fait retient mon attention : la vente libre des journaux. Certes, le Conseil national de la presse (CNP) dominé par des commissaires proches du pouvoir, inflige des peines souvent lourdes aux journaux de l’opposition en rapport avec des violations plus ou moins graves de l’éthique journalistique (c’est l’ironie de l’histoire puisque le CNP infligeait ces mêmes sanctions aux journaux hostiles au pouvoir de Gbagbo, quand les commissaires étaient majoritairement proches du FPI), cependant personne dans les rues n’a, à ma connaissance, encore déchiré ces journaux. Il y a juste quelques années, avant Ouattara, il y avait un phénomène obscurantiste initié par des patriotes appelé le « déchirage des journaux » proches de l’opposition (ou de la rébellion, ce qui, dans l’esprit de certaines personnes à cette époque, équivalait au même…mal).
Qu’on le veuille ou non, qu’on le nie ou non, cette nouvelle tolérance culturelle et intellectuelle, globalement assimilable à la liberté d’expression (mon billet d’humeur se limite à ces deux cas et seulement à ces deux cas, entendons-nous bien) est une avancée démocratique majeure en Côte d’Ivoire. Et cela est à encourager.
André Silver Konan, journaliste-écrivain