La réponse de Colette : Mon très cher Omar,
CIV-lepointsur.com (Abidjan, 1er-2-2016) C’est fait, depuis jeudi, le procès couplé Gbagbo-Blé Goudé a commencé à La Haye. Avec cette entame, c’est le retour en force des antagonismes comateux cachés en chacun des Ivoiriens selon qu’il ait eu foi en Bakayoko ou en Paul N’dré. Avec l’ouverture de ce procès, c’est tout un pays qui se met désormais à ralentir tant les pros ou anti Koudou occupés au bureau auront plus de la moitié de leur capacité de réflexion phagocytée par ce procès.
Gbagbo méritait-il vraiment un jugement ? Telle était la question de départ. Et aujourd’hui, la réponse nous est donnée par la série d’Agoras et Sorbonnes improvisés depuis le début du procès. « Pour plus de justice, ce n’est pas le camp Gbagbo seul qui devait être à la barre » selon les uns, « ce sont deux hommes qui étaient au prise donc si Gbagbo est là, Ouattara aussi devait être là » renchérissent les autres. Ok !
Ces deux réponses, plus qu’un aveu, mieux, une confirmation de la culpabilité de M. Gbagbo et tout son camp, dans les tueries massives jamais enregistrées en Cote d’ivoire. Et c’est cette culpabilité que doivent démonter les pro-Gbagbo, et les pseudo-africanistes. Au lieu de s’engager dans un dualisme inouï, vain, et désespéré. D’ailleurs la célérité avec laquelle la procureure a engagé la procédure contre les LMP est d’autant plus fondée que M. Gbagbo est coupable de « quelque chose », contrairement au clan FRCI qui est « présumé coupable de quelque chose » affirmation soutenue par le fait que M. Gbagbo était président sortant, toujours au pouvoir à la tête d’une chaîne de commandement bien huilée, ficelée, et donc utilisant les biens de l’Etat pour agir, contrairement à ses adversaires, dont il faudra démontrer la culpabilité avec des preuves légales qui leur seront réellement imputables.
Ensuite, justice des vainqueurs par ci, traitement pro-Ouattara par-là. Et qui auriez-vous souhaité voir à la place du juge ? Yao Paul N’dré ? Me Tchimou ? Quelle capacité de discernement à géométrie variable ! Lorsque l’art du raisonnement se met en étiage, et que la mémoire se fait aride, on oublie ses bêtises judiciaires. N’est-ce pas sous nos cieux que M. Gbagbo et sa chaîne de commandement ont refusé, en juillet 2001 que les témoins dans l’affaire du charnier de Yopougon se constituent en partie civile pour prendre part au procès des huit gendarmes présumés coupables ?
La suite nous la connaissons (acquittement de Bè Kpan et ses hommes). Nous nous rappelons que tout le long du règne Laurent Gbagbo, les noms de Séka Séka, de madame Gbagbo et celui de l’époux de Kandé Kanté, ont été plusieurs fois cités dans la tuerie de l’Indenié, et des différents épisodes de l’escadron de la mort. Gbagbo au pouvoir a-t-il daigné ouvrir une enquête pour mesurer le degré d’implication de ses hommes ? À toutes ces questions, la réponse est non. Et c’est justement parce que c’est celui qui gagne qui juge (comme Gbagbo l’a fait pendant 10 ans) que les pro-Gbagbo doivent rester dans cette logique à laquelle n’a pas dérogé leur demi-dieu. Que dire du soutien extérieur ?
Tout porte à croire que la colonie camerounaise ne reçoit plus de sou de la part des structures satellitaires de l’ex-présidence ivoirienne. Sinon, comment comprendre le silence olympien dans lequel se sont calfeutrés Charles Onana, et Calixte Béyala, au moment où le bébé de tata Marguerite a plus que besoin de leur soutien sur les plateaux TV et dans la presse ? Ne les entendant pas depuis belle lurette, et pour se faire une hypothétique publicité, Houdin et Pigeaud se mettront en solde à cette période de traite. Hélas, le kilo de Gbagbo ne représente plus rien sur le marché, et plus grave, ces deux ont oublié que ce n’est pas à la veille de la chasse qu’il faut préparer son chien. Tellement les dérives, l’ignorance et les mensonges découlent de leur propos.
Omar, voila ce que je tenais à rappeler à ces agités. Juste leur fertiliser la mémoire. Ni Laurent Gbagbo, encore moins le vieux Blé Goudé (qui se donne un âge qu’il n’a pas. heureusement qu’il est trahi par une mâchoire proéminente et une calvitie en forme de croissant) n’ont été pris prêchant dans une église, encore moins dans un hameau, couché paisiblement dans un hamac loin des drames qui ont caricaturé l’histoire de ce pays d’octobre 2010 à Avril 2011. Ils ont une part de responsabilité, anodine soit-elle dans tout ce qui s’est passé et c’est ce sur lequel ils devront se concentrer. Idem pour leur soutien, au lieu d’avancer sur un nuage de dualisme.
Tu m’as aussi demandé s’il fallait vraiment que ce procès s’ouvre. Evidemment qu’il fallait un procès. Comment veux-tu qu’on tourne une page, sans lire le contenu ? La plupart des rancœurs qui resurgissent proviennent du fait qu’on nous demande toujours de pardonner, d’oublier, sans explication, et jugement. Pourtant de même que le médecin soulage nos blessures physiques, de même que le doigt maternel passé sur une larme attenue la douleur, le verdict du juge colmate définitivement la rancœur, ouvre un horizon nouveau pour la cohésion sociale. Cependant, la place de Gbagbo n’est pas à l’Haye.
Lorsque j’ai vu M. Gbagbo le jeudi dans le coin, j’ai fermé les yeux et j’ai imaginé mon ADO adoré à cette place. J’ai failli me suicider, rien qu’en y pensant. Que dire donc de ce que ressentent les pro-Gbagbo, ce qu’ils supporteront au moins pendant quatre ans ? Dans le cadre d’une quelconque quiétude, on a refusé d’accélérer la mise sur pied de la haute cour de justice. Pourtant, on aurait pu le faire : juger rapidement M. Gbagbo et passer à autre chose, au lieu d’engager ses sympathisants dans un procès de quatre ans qui constitueront une éternité de calvaire pour une frange des Ivoiriens.
Les plaies de la déchirure post crise qui avaient fini par se refermer se sont ouvertes brusquement. Les différents ponts construits entre les ethnies font place à de nouvelles clôtures. Le Mali a jugé et emprisonné Moussa Traoré sur son sol, idem pour le Niger qui a arrêté Mamadou Tandja. Et l’Egypte avec Moubarak. La cohésion sociale a-t-elle été mise à mal dans ces pays ? Nous voulons être plus royalistes que le roi. Plus légaliste que quiconque, lorsque c’est l’adversaire que nous punissons. Tant mieux, mais pourquoi quand il s’agit de notre camp, nous souhaitons la mise en marche de la machine diplomatique et la gestion familiale au détriment de la justice ?
Avec le temps que courra ce procès (3 ou 4 ans), certains générateurs de cohésion, deviendront des sources de dislocation sociale. C’est ainsi que les journaux enflammeront, les réseaux sociaux ajouteront de l’essence à ce feu, et chaque sorti d’un des procureurs sera source de hourra dans le quartier « anti ». Et retour à la case départ. Enfin, les déterminants utilisés par les procureurs se réfèrent à des déterminés d’autant plus confligènes que nous n’avons pas encore mesuré l’issue grave que pourrait prendre avec temps ce procès couplé.
Par Omar Samson