La Côte d’Ivoire, l’un des trois pays à plus forte croissance dans le monde
Pour l’analyste de l’agence Moody’s, qui a haussé d’un cran la note souveraine de la Côte d’Ivoire, les réformes engagées placent le pays sur la voie d’une croissance plus structurelle.
L’agence américaine Moody’s a revu à la hausse la note souveraine de la Côte d’Ivoire, début novembre, la passant de « B1 » avec des perspectives positives à « Ba3 » (avec des perspectives stables), la faisant ainsi monter de la catégorie des obligations dites “highly speculative” (hautement spéculatives) à celle jugée moins risquée dite “non-investment grade speculative”.
Cette amélioration va à contre-courant des décisions récentes de Moody’s en ce qui concerne les souverains africains. Depuis novembre 2014, l’agence de notation a baissé les notes de l’Afrique du Sud, du Mozambique, du Ghana et de la Zambie. Le 13 novembre dernier, elle a abaissé les perspectives de celle du Congo-Brazzaville de stables à négatives.
Aurélien Mali, conseiller analytique senior pour l’Afrique chez Moody’s, est revenu pour Jeune Afrique sur l’évolution économique récente et les perspectives de la Côte d’Ivoire.
Quels facteurs ont influencé la décision de Moody’s ?
Aurélien Mali : D’abord la consolidation de la stabilité politique, confirmée par une élection présidentielle 2015 organisée sans accrocs et par les engagements du président Ouattara à continuer de panser les blessures de la crise, soutenir les victimes et poursuivre la réconciliation nationale.
Le bilan économique très solide de l’équipe en place a aussi joué. Le taux de croissance réelle du PIB entre 2012-15 est en moyenne de 9,2 %, ce qui fait de la Côte d’Ivoire l’un des trois pays à plus forte croissance dans le monde sur cette période et les investissements sont en nette progression.
La hausse des dépenses suscite des inquiétudes. Le budget a passé la barre des 5 000 milliards de F CFA en 2015 et le pays a émis deux eurobonds en un an…
Là est le tour de force. Malgré la hausse des dépenses en capital, passées de 2,5 % du PIB en 2011 à 7,9 % en 2015, le déficit est contenu autour de – 2,9 % du PIB en moyenne. Cela est dû à un renforcement en profondeur des finances publiques, qu’il s’agisse de l’exécution du budget, de la flexibilité dans sa réalisation ou de l’anticipation des dépenses et des revenus
Le budget de l’État ivoirien est beaucoup plus solide qu’auparavant et, surtout, ses sources sont mieux identifiées. Les recettes fiscales, par exemple, ont progressé en moyenne de +22,8 % sur cette période.
L’augmentation de la dette reste d’ailleurs contenue, le taux d’endettement est attendu à 37,5 % du PIB fin 2015 contre 34,2 % en 2012. La charge d’intérêt sur la dette a même baissé passant de 8,9 % des recettes à 7,8 %.
N’est-ce pas un effet de rattrapage après les années de crise ?
Pas seulement. Il y a eu une réelle amélioration des fondamentaux macroéconomiques, soutenue par une croissance rapide qui n’est plus un rattrapage mais une croissance plus structurelle.
D’ailleurs les chantiers engagés, dans l’électricité, la modernisation des infrastructures portuaires et la réforme du code minier notamment devraient contribuer à une croissance plus endogène dans le futur.
Le pays s’est fixé pour objectif d’atteindre le top 50 du classement Doing Business de la Banque mondiale d’ici à 2018-2020. Cela vous semble-t-il réalisable ?
Ce qui est certain, c’est que les réformes déjà réalisées sont remarquables. Deux exemples parmi d’autres : le temps écoulé pour le remboursement de la TVA est passé de près de 15 mois à 48 heures en moyenne ; et l’intégration de l’ensemble des régies fiscales (douanes et impôts notamment) ainsi que la numérisation des licences d’exportation ont permis d’accroître le taux de recouvrement des recettes d’exportation de 71 % à 100 %.
Le pays a gagné plus de 30 places depuis au classement Doing Business passant au 142e rang mondial. Et cette amélioration du climat des affaires a contribué à augmenter l’investissement privé attendu à 10,7 % du PIB cette année contre 5,6% en 2011.
Moody’s a passé les perspectives du pays à stables. Vous n’anticipez pas de bouleversements majeurs à moyen terme ?
Évidemment, il y a toujours le risque que des tensions sociales ou politiques émergent à nouveau ou qu’on assiste à une marche-arrière en matière de réformes structurelles, ce qui nous amènerait à revoir notre notation.
Des challenges de plus long terme demeurent également, notamment la question de la réconciliation ou l’émergence d’une nouvelle génération de leaders, mais il est difficile aujourd’hui d’imaginer le pays replonger dans les difficultés rencontrées durant la décennie précédente.
EKB et Jeune Afrique
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