La candidature de Ouattara en 2010 avait « ses limites dans le temps » [opposant interview]
La candidature de Alassane Ouattara à la présidentielle de 2010 “tenait à un arrangement politique qui a ses limites dans le temps’’, a affirmé le nouveau président du Rassemblement pour la paix, le progrès et le partage (RPP, Opposition) Ouattara Gnonzié, appelant à un débat sur la question de l’éligibilité du chef de l’Etat ivoirien, dans une interview à ALERTE INFO.
Ouattara Gnonsié (président du RPP) : « La candidature de Alassane Ouattara à la présidentielle de 2010 “tenait à un arrangement politique qui a ses limites dans le temps’’ »
A quatre mois de la présidentielle d’octobre, votre parti le Rassemblement pour la paix, le progrès et le partage (RPP) n’est pas très visible sur le terrain de la mobilisation. Qu’est-ce qui explique ce silence ?
Ça dépend de ce qu’on appelle visibilité et des moyens dont on dispose pour se faire voir. Depuis quelques temps, nous faisons au moins un meeting par mois mais comme nous n’avons pas de médias, nous n’avons pas de journaux…Nous avons fait un grand meeting au nord chez moi. Depuis que je suis revenu d’exil il y a bientôt deux ans, je me suis rendu pour la première fois début mai dans ma région, le Tchologo. J’ai parcouru la région, j’ai fait un grand meeting que la télévision a couvert mais n’a pas diffusé. Cela peut paraitre aux yeux de ceux qui ne sont pas avec nous que nous ne sommes pas visibles. C’est vrai, nous ne sommes pas visibles mais nous bougeons.
Le RPP envisage-t-il présenter un candidat à la présidentielle d’octobre ou va-t-il se désister en faveur d’un candidat unique de l’Alliance des forces démocratiques (AFD) ?
Dans tous les cas, nous sommes en train de travailler. Au moment opportun, nous porterons cela à la connaissance de la presse et de l’opinion. Mais dans tous les cas, nous aurons un candidat, que ce soit un candidat qui émane du RPP ou un allié.
Quelles sont selon vous les chances de l’opposition qui est aujourd’hui divisée en deux blocs : l’AFD et la Coalition nationale pour le changement (CNC) face au président Ouattara, candidat unique du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ?
Le pouvoir actuel peut être battu, peut perdre les élections mais à la condition que l’opposition soit unie. L’opposition que je connais, mobilise mais de façon éparse. Si elle se met ensemble, il n’y a aucune raison qu’elle ne gagne pas. Nous avions fait un communiqué en son temps pour saluer la naissance de la CNC. Nous avons dit que notre vœu le plus cher est que toutes les plateformes politiques puissent se mettre ensemble pour former un front uni. C’est notre souhait et nous travaillons dans ce sens. Nous espérons qu’un jour très proche, nous allons y arriver. Je pense qu’on peut y arriver. Et même si on n’arrive pas à fondre toutes les plateformes en une, je pense qu’il y a un certain nombre de dossiers sur lesquels les différentes plateformes pourraient s’entendre pour revendiquer ensemble. Ce gouvernement actuel, en dehors de la rhétorique et des discours ne nous offre pas la sécurité et la paix, la réconciliation véritablement. Et ça c’est important plus que tout.
Récemment, à la faveur de la présentation du bureau de la jeunesse féminine du RPP, vous avez affirmé que “la tenue d’une élection apaisée est de plus en plus illusoire’’. Qu’est-ce qui explique ce pessimisme ?
Comme tous les Ivoiriens, quand je lis les journaux les matins, il y a des anciens combattants ou anciens rebelles ou des gens qui ont combattu pour M. Alassane Ouattara, des soldats qu’on appelle ex-FRCI qui menacent à l’ouest, au nord, au sud. Au fur à mesure qu’on approche des élections, ces menaces sont de plus en plus permanentes et fortes. Je comprends ces menaces parce que j’imagine qu’on a dû leur faire des promesses et comme ces promesses ne sont pas tenues…Rien ne nous dit qu’ils ne vont pas perturber les élections. En plus il y a la sécurité au plan du banditisme, on voit dans une ville comme Abidjan dont on nous dit qu’elle est fortement sécurisée, plus sécurisée que New-York et Paris, qu’on va tuer des officiers, des hommes d’affaires, des citoyens ordinaires à leurs résidences. Aujourd’hui, les gens ne se sentent plus en sécurité. Ne parlons même pas de l’intérieur du pays où les coupeurs de routes apparaissent à tout moment aux abords de la route. Au niveau de l’organisation des élections, on se rend compte qu’il y a des défaillances énormes dans le processus électoral. Et au fur à mesure que les élections approchent, on se rend compte que c’est inquiétant. Est-ce qu’on peut rattraper ces failles maintenant ? C’est difficile, à moins de reporter les élections. Tout cela nous inquiète.
Pourtant les représentants de l’AFD continuent de siéger à la Commission électorale indépendante (CEI)….
Ils ne sont que deux. Au départ, on nous avait donné l’assurance qu’ils entreraient et que les décisions se prendraient par consensus. Mais de plus en plus, il nous apparait que tout se fait par vote et comme ils sont largement minoritaires, ils ne peuvent rien.
Regrettez-vous d’avoir accepté de siéger à la CEI ?
Nous n’avons pas de regrets parce que notre souci était de montrer notre bonne foi pour la réconciliation, pour la décrispation de la vie politique. Nous ne regrettons pas. Nous assumons.
Avez-vous l’impression d’avoir été floué par le pouvoir ?
Toutes les promesses qui nous ont été faites n’ont pas été tenues. Par exemple que les décisions se prendraient par consensus, on se rend compte qu’elles sont plutôt prises par voie de vote.
Depuis quelque mois, la question de l’éligibilité du président Alassane Ouattara refait surface au cœur du débat politique en Côte d’Ivoire. Pour le RPP, M. Ouattara est-il éligible ou pas ?
Le constat que je fais, c’est que c’est un sujet qui est sérieux et malheureusement lorsqu’on l’aborde, cela est perçu dans certains états-majors comme un crime de lèse-majesté. Or c’est à tort. Mieux vaut en parler maintenant plutôt que d’aller dans le mur dans quatre ou cinq mois. La candidature de M. Ouattara en 2010 tenait à un arrangement politique qui a ses limites dans le temps. On nous dit aujourd’hui que parce qu’un candidat est en exercice, il a le droit de postuler car la constitution dit qu’il peut être réélu. Mais dans les conditions d’éligibilité de l’article 35, on ne dit pas que le président sortant est exonéré de toute autre condition. Donc, l’article 35 se pose de nouveau. Et cet article ne dérange pas seulement que M. Ouattara, mais il dérange beaucoup d’autres Ivoiriens. La règle universelle en droit, c’est que la loi doit être égale pour tous. Donc, c’est un problème. Il faut que les Ivoiriens en débattent. Il ne faut pas avoir peur d’en débattre. Il ne faut pas sortir les couteaux dès qu’on aborde l’article 35. C’est parce qu’on veut la paix, qu’il faut en débattre sérieusement.
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