La bûche de Noël, un dessert français entre le rite et la modernité
Autrefois on brûlait une bûche en bois pour célébrer Noël, aujourd’hui, la tradition française veut qu’on termine le repas festif par ce gâteau qui renvoie aux rituels ancestraux avec toute la créativité moderne des grands pâtissiers.
Des « pains améliorés » comme au Moyen-Age, chocolat et vanille pour ramener à l’enfance, des agrumes apportant de la fraîcheur, mais aussi des bûches vegan ou sans gluten: pour les chefs, ce dessert est l’expression ultime de leur maîtrise à la pointe des tendances. Avant de couronner la table des Français, la bûche est la reine des évènements. En septembre-octobre à Paris, on déguste les bûches. Cette année elles ont été mises en scène à la Comédie française pour Hugo&Victor, sur une péniche chez Lenôtre tandis que Pierre Hermé, « meilleur pâtissier du monde » 2016, selon 50 Best, a invité dans des jardins sur les Champs-Elysées.
– Invention parisienne –
« La bûche a acquis le statut de dessert national. Les pâtissiers capitalisent sur ces usages, il y a un intérêt économique », souligne l’historien de l’alimentation Loïc Bienassis.
Les rituels autour de la bûche sont anciens. Dans les campagnes, on mettait une bûche à brûler le 24 décembre au soir en mettant du sel dessus ou en versant du vin cuit en Provence.C’est en 1879 que le pâtissier parisien Antoine Charabot traduit la coutume dans le sucré en inventant le dessert en forme de bûche: de la génoise coupée en petits disques collés avec une crème moka ou du chocolat, le tout masqué avec plus de crème. Comme pour la très grande partie des innovations gastronomiques, le dessert est d’abord adopté par la bourgeoisie parisienne avant que la province ne l’imite.
– Veggie et acidulée –
La bûche suit l’évolution de la pâtisserie qui se veut désormais « une gourmandise raisonnée », souligne Pierre Hermé.
« L’entrée c’est toujours le goût et le plaisir. A partir de là, je m’inspire des savoir-faire qui peuvent » amener vers les préparations vegan ou sans gluten, déclare-t-il à l’AFP.
Praliné avec du gingembre, biscuit à la noisette, crème à base de lait d’amande: le chef Hugues Pouget de la maison Hugo&Victor a créé pour la première fois une bûche végétale. « Mon épouse est veggie depuis quatre ans. J’ai une pression! », plaisante le chef en assurant qu’il y a « beaucoup de demande ».
Bûche à la clémentine ou au combava, couronne au citron et à la sauge: les agrumes sont mis en valeurs.
« En fin de repas, c’est bien d’avoir quelque chose de rafraîchissant ».
« On vit une période difficile, il fallait un rayon de soleil », dit à l’AFP Guy Krenzer, directeur de la création de la maison Lenôtre qui a choisi le thème de la Provence et les agrumeUne bûche « très gourmande » aux noisettes et caramel est sans gluten: « il faut que tous les clients puissent trouver un produit qui leur fasse plaisir ».
– « Humaniser les palaces » –
David Bizet, chef de l’hôtel Peninsula et sa cheffe pâtissière Anne Coruble, tous deux Normands, s’inspirent de leurs origines pour une bûche en forme de racine d’arbre, avec du miel de pommier ainsi que du crémeux fumé avec du bois de pommier.
« Cette année avec le Covid, on veut être rassurant » après des créations « conceptuelles » d’avant, souligne Anne Coruble.
« Notre passion du terroir va être acheminée dans ce dessert », dit David Bizet à l’AFP. Une démarche pour « humaniser les palaces ».
« On évolue à des choses qui sont plus vraies et lisibles », soutient Michaël Bartocetti, pâtissier du George V.
La recette de sa bûche en forme de sapin fait un clin d’oeil à la Bretagne avec un biscuit à la farine de sarrasin torréfié et du Gwell (lait caillé breton) sublimé avec du chocolat, praliné au noix de Pécan et piment vert japaleño.
Poussant cette fausse simplicité à l’extrême, certains chefs font des bûches… à base de pain.
Brandon Dehan, chef pâtissier de l’Oustau de Baumanière, 3 étoiles Michelin en Provence, a concocté sa « Bûche Epi » avec crémeux au croissant, caramel de blé et mousse de pain grillé.
Biscuit à la poudre de pain, crumble de mie caramélisée, crémeux de levain de seigle torréfié: Stéphanie Le Quellec, 2 étoiles, rend hommage aux blés anciens et promeut la lutte contre le gaspillage. « Le pain c’est le partage, la vie. Comme Noël », conclut-elle.
AFP