Point Sur

Journée mondiale de la liberté de la presse/Glodé Francelin (Représentant des Organisations professionnelles des médias) : « Nous demandons le retrait pur et simple de l’article 90 du projet de loi sur le régime juridique de la presse… »


Photo de postérité après la cérémonie (PH/DR)

Abidjan 03-05-2017 (lepointsur.com) Dans le cadre de la commémoration de l’édition 2017 de la Journée internationale de la liberté de la presse, avec pour thème « Des esprits critiques pour des temps critiques : Le rôle des médias dans la promotion de sociétés pacifiques, justes et inclusives », l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci) a organisé ce mercredi, une grande marche à Abidjan, dans la commune de Cocody.

A cet effet, les journalistes ont abandonné un tant soit peu, leurs différentes rédactions pour répondre massivement à l’appel de leur président, Moussa Traoré.

Débutée vers 9 heures du matin, devant le siège de la Radio Télévision Ivoirienne (RTI) et soutenue par une fanfare, la marche s’est dirigée vers le Collège Mermoz et la Maison du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), avant de regagner le stade de la haute fréquence de la Radio Télévision Ivoirienne, où des bâches étaient dressées pour l’occasion.

Présent à cette célébration, Yao Ido, représentant de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a fait part du message de la Directrice générale de ladite organisation. « Les journalistes ne méritent ni d’être tués, ni d’être mis derrière les barreaux… ».

Telle  est la quintessence de sa communication. Bien avant, le président de l’Unjci, Traoré Moussa s’est réjoui de la forte mobilisation de ses pairs et a salué leur esprit d’unité. Avant de lever un coin de voile  sur le projet de loi sur la presse en examen à l’Assemblée Nationale.

« Il y a toujours une liberté à conquérir. Nous sommes-là pour en savoir davantage sur cette nouvelle loi. Quand notre intérêt général est menacé, nous sommes unis », fait-il remarquer. Lui emboîtant le pas, le Directeur générale de la maison bleue, Ahmadou Bakayoko a indiqué que la cause des journalistes est une cause noble.

Pour lui en effet, « l’on ne  peut aller à l’émergence sans les journalistes ».Aussi, prône-t-il le dialogue. « Mettons le dialogue au centre de tout… », recommande le premier responsable de la RTI. Notons que le point saillant de cette célébration, en Côte d’Ivoire, est le projet de loi sur la presse en examen à l’Assemblée Nationale.

Ledit projet dispose en effet, d’un point punissant des délits de presse, notamment  » l’outrage au chef de l’Etat’’ dont la peine est de 1 à 5 ans. Bien entendu, cette nouvelle loi ne connaît pas l’assentiment des journalistes qui demandent ‘’le retrait pur et simple de l’article 90 du projet de loi sur le régime juridique de la presse ‘’.

A souligner que cette célébration a enregistré la présence de l’honorable Evariste Méambly et bien d’autres personnalités. Le moins qu’on puisse dire, les journalistes ont fait preuve de discipline et de civisme au cours cette marche.

Opportune Bath

Ci-dessous l’intégralité du discours des organisations professionnelles des médias

Monsieur le Ministre de la Communication, de l’Economie Numérique et de la Poste, Porte-parole du gouvernement,

Monsieur le Représentant résidant de l’Unesco,

Monsieur le P résident du Conseil de gestion du Fonds de soutien et développement de la presse,

Mesdames et Messieurs les présidents de conseils d’administration, directeurs de publication, directeurs généraux, chefs de service des médias,

Mesdames et Messieurs les responsables des organisations professionnelles de médias,

Mesdames et Messieurs, honorables invités,

Camarades travailleurs du secteur des médias de Côte d’Ivoire,

Mesdames et messieurs,

C’est un honneur pour moi de prendre la parole au nom des organisations professionnelles des médias, à l’occasion de la célébration de la journée internationale de la liberté de la presse.

Notre pays, la Côte d’Ivoire,  à l’instar des autres pays du monde, consacre cette journée du 3 mai aux professionnels des médias  que nous sommes, pour nous permettre  de jeter un regard rétrospectif  sur l’exercice de notre métier, en rappelant ce qui est fait par les pouvoirs publics pour assurer son libre exercice, ou pour entraver celui-ci. Il s’agit également, au cours de cette journée, de chercher les voies et moyens pour une presse plus libre.

C’est pourquoi,  au nom des toutes les organisations professionnelles du secteur des médias exerçant en Côte d’Ivoire, je voudrais exprimer ma gratitude et dire merci à notre ministre de tutelle, le Ministre de la Communication, de l’Economie Numérique et de la Poste, porte-parole du gouvernement, M. Bruno Koné pour sa présence à cette cérémonie. Une présence qui dénote de l’intérêt qu’il accorde aux médias mais aussi  qui est la preuve que les problèmes de notre secteur d’activité trouveront une oreille attentive auprès du gouvernement. En effet, qui d’autre que le Porte-parole du gouvernement peut mieux véhiculer auprès celui-ci les messages des acteurs d’un secteur dont lui-même est le premier responsable ?

Je voudrais associer à  ces remerciements, le représentant résidant de L’Unesco, dont le soutien de l’institution ne nous a jamais fait défaut dans notre quête pour un mieux être des journalistes et de l’ensemble des professionnels des médias de notre pays.

Je voudrais enfin, remercier M. le Président du Conseil de gestion du Fonds de soutien et de développement de la presse pour l’appui financier du FSDP sans lequel cette cérémonie n’aurait pas eu lieu.

Monsieur le Ministre de la Communication, de l’Economie Numérique et de la Poste,

Mesdames et Messieurs,

La  situation de la liberté de la presse a-t-elle connu une évolution en Côte d’Ivoire depuis l’année dernière? Les journalistes exercent-ils librement leur métier ?

Le rapport de Reporter sans frontière (RSF) qui a été publié le mercredi dernier nous situe sur la question.  La Côte d’Ivoire a gagné 5 points en 2017, passant ainsi de la 86ème  à la 81ème place. Ce rang est sans nul doute la preuve que des efforts ont été faits. C’est pour quoi, au nom des acteurs des médias, je voudrais remercier le Président la République, SEM Alassane Ouattara qui a permis ces acquis.

 Il s’agit notamment,  de la libéralisation de l’espace télévisuel avec l’octroi de quatre fréquences à des chaines de télévision privée. Il s’agit également   des soutiens  financiers dont bénéficient chaque année les entreprises de presse de la part du Fonds de soutien et de développement de presse, du paiement effectif des effets financiers des  avancements indiciaires des agents de la RTI.

Mais ces acquis ne sont que la face visible de l’iceberg. Car au fond, beaucoup d’efforts restent à faire pour que, en Côte d’Ivoire, les journalistes et les professionnels des médias pratiquent librement leur métier. Nous nous souvenons encore, et très malheureusement d’ailleurs, de l’interpellation de six journalistes gardés dans les cellules à la gendarmerie d’Agban du 12 au 14 février 2017. Comme nous l’avons fait dans toutes les déclarations concernant cette affaire, nous condamnons, une fois de plus et avec fermeté cette arrestation.

C’est pour quoi nous tenons ici à dénoncer très clairement les dispositions du nouveau projet de loi sur la presse qui préconisent une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans pour des délits commis par voie de presse.

 Monsieur le Ministre, nous le disons le plus clairement du monde. Nous ne refusons que les journalistes ivoiriens aillent en prison pour des fautes professionnelles. Nous demandons par conséquent le retrait pur et simple de l’article 90 du projet de loi sur le régime juridique de la presse  soumis en ce moment aux députés.

 Mesdames et Messieurs, un journaliste peut-il vraiment exercé librement son métier s’il n’a pas un salaire décent ? L’article 6 de la loi 2004-643 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse faisait obligation aux patrons de presse de s’engager à payer les journalistes à la Convention collective. Cette disposition nous a permis, avec l’appui du gouvernement, d’obtenir l’application de Convention collective annexe des journalistes professionnels et professionnels de la Communication de février 2008.

C’est pourquoi nous ne comprenons pas que le gouvernement retire cette disposition du projet de loi qu’il vient de déposer sur la table des députés. Pour nous, une telle attitude est une remise en cause injustifiée d’un important acquis de plus d’une décennie de lutte. Et si cette loi est votée en l’état, sans cette disposition,  les journalistes et professionnels des médias ivoiriens resteront des éternels mendiants et les médias ne seront jamais professionnels. Nous appelons donc les députés à maintenir les conditions de création des entreprises de presse telles qu’elles existent aujourd’hui dans la loi.

Monsieur le Ministre, au  début de mon propos, j’ai cité la libéralisation de l’espace télévisuel comme un acquis. Mais c’est une mesure du gouvernement  qui laisse un goût d’inachevé. Les télévisions qui sont autorisées se trouvent face un obstacle que seul, l’Etat peut lever. Il s’agit de l’accélération de la création de la société de diffusion qui va permettre le rayonnement des différentes chaines. Ne pas le faire, c’est  s’inscrire dans la logique de cette exorciste, comme le dit l’adage,  qui implore Dieu pour qu’il pleuve, tout en intimant l’ordre à la pluie de ne pas tomber.

Monsieur le Ministre, permettez aussi que nous puissions évoquer la situation déplorable, voire scandaleuse de ces centaines d’hommes et de femmes qui travaillent aujourd’hui dans nos radios de proximité sans salaire, sans protection sociale, sans rien. Et le plus révoltant en la matière c’est qu’une partie non négligeable de ces radios appartient aux collectivités décentralisées. C’est-à-dire des démembrements de l’Etat. Cette situation avait justement fait réagir le Président de la république qui en janvier 2016 avait donné des instructions pour que tous les travailleurs des radios de proximité soient payés au moins au SMIG et soient déclarés à la CNPS. Malheureusement ces instructions présidentielles sont restées jusque-là sans suite.

Mesdames et Messieurs, l’autre obstacle à la liberté de presse en côte d’Ivoire, il faut le reconnaitre, ce sont certaines sanctions que  le CNP inflige aux entreprises de presse. Elles  sont de nature à les étouffer économiquement. IL s’agit de suspension de 24 parutions, soit un mois travail.  Comment une entreprise dont les activités sont suspendues pendant un mois peut-elle payer ses salaires, fournisseurs, ses charges sociales, ses impôts, etc.? N’est-ce pas lui donner la mort ? Ne faudrait-il pas réfléchir à une formule qui permette au CNP de faire son travail tout en préservant la vie des entreprises ? Ne pourrait-on pas par exemple commuer toutes ces sanctions en amendes ?

Parlant des impôts, ils constituent la plus grande difficulté des entreprises de presse. Compte tenu des difficultés financières qui  éteignent celles-ci, nous souhaitons que l’Etat crée les conditions de leur viabilité économique en mettant en place pour elles, un régime fiscal spécial.

Monsieur le ministre, mesdames et messieurs, c’est sur l’espoir que nos prochains débats sur les nouvelles lois sur la communication audiovisuelle et la presse vont voir émerger une presse plus libre en Côte d’Ivoire que je vais  mettre fin à mon propos en souhaitant que les journalistes ivoiriens exercent leur métier librement. Et que l’on ne connaisse pas d’arrestation en leur sein pour le reste de l’année 2017 et en 2018.

Je vous remercie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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