Politique

Interview/ Soro Guillaume « Le plus important pour moi, c’est que les frères burkinabés réussissent une élection transparente… »


En visite au Royaume-Uni, où il est l’invité spécial du Parlement britannique, le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire Guillaume Soro s’est entretenu avec le journaliste  Mamadou Moussa Ba.

BBC Afrique : Monsieur le président de l’assemblée nationale, Guillaume Soro vous êtes ici, présent à Londres dans le cadre d’une invitation spéciale du parlement britannique. Si vous deviez prendre quelque chose de la démocratie britannique pour la Cote d’Ivoire, qu’est-ce que cela serait ?

Guillaume Soro : D’abord,  je dois dire que nous sommes honorés d’être invités par le parlement britannique qui a deux chambres, comme vous le savez, la chambre des151126145635_soro_950x633__nocredit Lords, et la chambre des communes. Ce n’était pas quelque chose de courant. Nous sommes venus à la découverte de la plus vieille démocratie pratique parlementaire de l’Europe. L’un des aspects que nous pourrions expérimenter en Côte d’Ivoire est le passage des ministres devant le parlement.

Donc c’est quelque chose que vous pourrez importer ?

Importer n’est peut-être pas le terme exact. Mais que nous pourrions partager avec le gouvernement. D’ailleurs les prochaines réformes constitutionnelles devraient être le lieu, le cadre de discuter de telles réformes.

Monsieur le président, dans 5 ans, le Président de la République, Alassane Ouattara aura terminé son mandat à la tête de la république, vous avez été premier ministre, aujourd’hui, vous êtes président de l’assemblée nationale, est-ce que quand vous vous réveillez le matin, vous vous dites que le prochain président de la République de la Côte d’Ivoire c’est moi, Guillaume Soro.

Bon, ce n’est pas quelque chose d’envisageable pour le moment. Vous savez bien, que ce qui préoccupe le président, et nous préoccupent nous tous, ses collaborateurs, c’est déjà de mettre en place le parti unifié en Côte d’Ivoire. Une fois que le parti unifié sera en place en Côte d’Ivoire, ce que je peux vous garantir, et je vous donne ma parole, je me plierai à la discipline interne du parti unifié. Donc ce sera au parti unifié d’envisager un remplaçant ou un éventuel candidat pour 2020.

Donc vous ne vous considérez pas comme dauphin du président Ouattara ?

Non, je considère simplement que je suis un homme de mission. J’ai été premier ministre à la demande du président Ouattara. Je suis devenu président de l’assemblée nationale. Je m’attelle à réaliser ma mission parfaitement dans l’intérêt de l’institution parlementaire.

Et toujours à propos de la Côte d’Ivoire, certains de vos proches, notamment Cherif Ousmane, ont été entendus pour des violations des droits de l’homme. On ne vous a pas beaucoup entendu, est-ce que c’est quelque chose qui vous inquiète ?

Certains d’entre eux ont été convoqués à titre de témoin. Témoin ne veux pas dire être inculpé, donc témoin, c’est pour les entendre pour la manifestation, la recherche de la manifestation de la vérité. Quand ceci a été fait, j’ai été au contact avec Cherif Ousmane et les autres. Mais évidemment, je n’ai pas à le chanter sur le toit ou le minaret d’une mosquée.

S’agissant de la réconciliation, comment ça se passe ? Il y a beaucoup qui pensent que la réconciliation bat de l’aile. L’ancien président, Laurent Gbagbo, est en ce moment à la Haye. Ses partisans estiment que tant qu’il n’est pas de retour, on ne peut pas parler véritablement de réconciliation. Qu’en est-il vraiment ? Quel est votre regard sur ça ?

Moi, vous savez, j’ai toujours considéré que la réconciliation était un processus, qu’il fallait aller au fur et à mesure pour consolider le processus de réconciliation. Contrairement à ce que les gens disent, la réconciliation bat son plein en Côte d’Ivoire. La preuve, le FPI, le parti de Monsieur Laurent Gbagbo, a quand même participé aux élections présidentielles, ce qui n’était pas le cas pour les législatives il y a quelques années. Mieux, Monsieur Affi N’Guessan vient de déclarer que le FPI participera aux élections législatives.

Ne pensez-vous pas que ce sont des pas importants pour la réconciliation ?

Ousmane, ancien chef rebelle

Non, je pense que c’est une bonne chose. Nous allons continuer. Je ne dis pas que tout est parfait. Il faut encore continuer à parler même aux plus réticents pour qu’ils rejoignent le processus de réconciliation dans l’intérêt supérieur de la nation ivoirienne.

Qu’est ce qui est fait pour les victimes des violences post électorales en 2010 ?

Le président de la République a mis en place la CONARIV donc une commission pour indemniser les victimes et la rencontre avec la première partie de ces victimes a été organisée au palais présidentiel où j’étais présent, on a commencé déjà à les indemniser. Donc,  je pense que  c’est quelque chose à continuer.

Quand vous dites on a commencé à les indemniser, ce sont toutes les victimes ou quelques-unes ?

Toutes les victimes, toutes les victimes, sans distinction d’obédience. C’est vraiment toutes les victimes de la crise postélectorale.

Actualité oblige, parlons un peu de ce qui se passe dans la sous-région, le Mali a été victime d’un attentat attribué à AQMI, notamment Al-Mourabitoun qui a revendiqué cet attentat. Une semaine avant c’était Paris, le Nigeria c’est quasiment des attentats tous les jours. Quel est le regard que vous portez sur l’extrémisme religieux qui menace aujourd’hui beaucoup de pays ?

D’abord, je voudrais donc réitérer les mots de soutien et de compassion que j’ai adressés à mes homologues Claude Bartolone pour la France et Sidibé en ce qui concerne le Mali à qui j’ai écrit des courriers. C’est vrai que la question de la sécurité dans la sous-région ouest africaine au regard de ce qui se passe aussi bien au Nigeria mais aussi au Niger et au Mali récemment, est quelque chose de préoccupant. Et nous en Côte d’Ivoire, nous sommes particulièrement concernés. Vous savez bien que nous partageons 572 km de frontière avec le Mali donc ce qui touche le Mali nous touche aussi puisque nous sommes liés géographiquement. Donc la question du terrorisme puisque c’est de ça qu’il s’agit, est une préoccupation d’autant plus inquiétante que nos armées n’ont pas été formatées, formées pour ce type de guerre et c’est pourquoi il faut à mon avis accentuer et mettre au goût du jour la question du renseignement pour anticiper, pour éviter, c’est très  important. Si par exemple au Mali ce jour-là,  on avait le renseignement de ce que ce jour-là,  il y aurait quelque chose dans l’hôtel qui a été pris, on aurait pu anticiper donc je pense que le renseignement doit être une priorité et il ne faut pas que la grande coalition qui se met en place (Etats-Unis, Russie et France) oublie l’Afrique parce que l’Afrique aussi est confrontée à ce problème qui est sérieux. Donc ensuite,  il faudra une plus grande solidarité africaine pour que nos armées puissent  faire front ensemble. C’est un combat que nous devons mener ensemble. Si les grandes puissances font une coalition,  il faut que l’Afrique aussi se coalise.

La Côte-d’Ivoire, votre pays, est-elle menacée ?

Je dois dire que la Côte d’Ivoire en tous cas s’organise pour prendre toutes les dispositions pour éviter la commission d’actes de ce type sur son territoire. Evidemment,  comme je l’ai dit, il s’agit pour la Côte d’Ivoire d’aller au-delà de ses frontières et d’être solidaire avec le Mali, d’être solidaire avec tous les Etats de la sous-région oues- africaine qui sont confrontés au phénomène du terrorisme.

Est-ce que par exemple quand des réunions sont convoquées au Tchad, les pays du Sahel, G5 se réunissent au Tchad les pays de la CEDEAO, la Côte d’Ivoire par exemple devraient y être associés.

Je pense que pour  les questions de sécurité, de combattre le terrorisme,  la Côte d’Ivoire,  par solidarité est aussi concernée parce que nous sommes dans la sous-région ouest africaine donc il n’y a pas de raisons que nous ne prenions pas part à des réunions de nature à apporter plus de sécurité dans la sous-région.

Nous sommes dans la sous-région, restons-y. Le général Diendéré, quels sont vos rapports avec lui ?

Vous savez bien qu’au Burkina Faso, j’y ai séjourné, j’ai fait des années d’exil. Il y a très peu de monde que je ne connaisse  pas ;  aussi bien le général Diendéré, l’actuel premier ministre Zida sont des amis, des frères.

Selon la presse, votre domicile à Ouagadougou aurait été perquisitionné après le coup d’Etat du général Diendéré, on parle même d’objets militaires qui auraient été retrouvés à votre résidence, gilet pare-balle et de l’argent. Est-ce que vous confirmez tout cela ?

Non, vous savez,  il y a eu tellement de choses qui se racontent. Pour le moment, il ne faut pas céder à la rumeur et aux désinformations,  parce que sur ce dossier du Burkina il y a tellement de choses dites et tellement de choses fausses écrites qu’il faut s’en tenir à la version des autorités. Or pour l’heure,  je ne crois pas qu’une autorité officiellement ait affirmé qu’on a trouvé telles ou telles choses chez moi à la maison. Donc,  je préfère ne pas faire de polémique d’autant plus que le Burkina a une élection et par devoir de solidarité,  nous avons accompagné le peuple burkinabé pour qu’ils réussissent ces élections.

Vous direz la même chose de ce fameux coup de fil qu’on vous attribue, à Djibril Bassolé ?

Heureusement que vous dites qu’on m’a attribué. Sur ce dossier et toutes ces questions liées au Burkina Faso, je pense qu’il n’est pas de notre intérêt de faire de la polémique. Le plus important aujourd’hui c’est que le Burkina fasse une élection démocratique et réussie. Le nouveau Président de la République que nous appelons tous de nos vœux issu de l’élection présidentielle aura maintenant donc à donner de la vision aux Burkinabés et faire en sorte que l’excellence des relations entre le Burkina et la Côte d’Ivoire soit maintenue.

Mais,  sur ce dossier vous ne voulez pas vous avancer ?

Ecoutez, vous avez dit qu’une communication m’a été attribuée. Mieux, que vous fassiez le distinguo entre les autorités officielles du Burkina qui n’ont jamais authentifié cette communication et des pseudos journalistes cachés quelques part en France et aux Etats Unis,  n’est-ce pas donc les têtes de pont de cette affaire. Mais pour l’heure,  ce qui est le plus important et je suis un homme politique, pour l’heure ce qui me préoccupe c’est que  les frères burkinabés réussissent une élection transparente et que le nouveau Président de la République puisse conduire dans les meilleures conditions et réussir à maintenir l’excellence des relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina.

Vous êtes très présents sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce que cela veut dire, offensive de charme en direction de la jeunesse ivoirienne, de la jeunesse africaine, qu’est-ce que vous recherchez véritablement?

Non, non, en 2012, quand j’allais sur les réseaux sociaux, c’était basé sur la conviction intime que j’avais que les réseaux sociaux modifiaient sensiblement la gouvernance en Afrique et que c’était de nouveaux outils auxquels aucun politicien n’échapperait. Donc,  il valait mieux pour moi, n’est-ce pas, dompter ces outils, m’y faire, m’accommoder de ces outils. Heureusement,  parce que  vous avez vu toutes les polémiques qui souvent se créent sur ces réseaux. Si nous n’avions pas donc investi ces réseaux, quelquefois on se serait trouvé mal.

In BBC Afrique

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