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Interview/ Séraphin Moundounga (ex-ministre de la justice gabonaise) : « Les résultats du Haut Hougoué sont notoirement faux… »


Abidjan-19-09-16 (lepointsur.com) A quelques 4 jours du verdict du Conseil constitutionnel gabonais sur l’élection présidentielle qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive, l’ex-ministre de la justice gabonaise, l’un des acteurs principaux dudit scrutin et proche d’Ali Bongo fait le grand déballage. Dans une interview accordée à TV5 monde, il parle de son assassinat manqué, de la fraude, de sa mission en France où, il s’est refugié ainsi que du rétablissement de la démocratie au Gabon où il compte retourner bientôt.

TV5 monde : Vous étiez ministre de la Justice et un  proche  d’Ali Bongo ; aujourd’hui, vous dites craindre pour votre sécurité ?

-Certes, j’ai eu quelques raisons à  craindre  pour ma sécurité en restant sur place à Libreville, mais ce n’est pas pour cela que je suis actuellement en Europe. J’y suis pour une mission de sensibilisation et d’explication en direction de la communauté internationale et de la diaspora gabonaise

Vous avez décidé de démissionner le 06 septembre après la publication des résultats qui donnent Ali Bongo vainqueur des élections présidentielles. Pourquoi avoir démissionné ?

-D’abord, parce que j’ai tenté en vain durant 6 jours de convaincre le président Ali Bongo sur deux choses. La première chose, que nous ne publions pas la proclamation des résultats par le ministère des Affaires étrangères étant entendu la confusion ambiante  qui régnait, l’opposition criant à la fraude, lui-même Ali Bongo criant à la fraude, j’avais conseillé qu’on puisse recompter les voix bureau de vote par bureau vote sur le fondement des procès verbaux, de sorte que les résultats  qui sortiront de là, soient des résultats acceptés par tous afin que le pays ne sombre pas dans le chaos…La deuxième chose que je me suis évertué à expliquer, c’est que l’invocation de la fraude par Ali Bongo et de tous ceux qui l’entourent arguant que la fraude a été orchestrée par un hacker ivoirien, dans le cadre de la transmission électronique des résultats de l’élection présidentielle, j’ai expliqué en vain que dans le cadre d’un processus électoral où les résultats sont enregistrés sur un support papier, dans des procès verbaux dans chaque bureau de vote, lesquels  procès verbaux sont transmis vers  les différentes autorités officielles chargées de l’organisation desdites élections avec des copies originales pour qu’ils soient transmises aux différents candidats, il ne peut pas y avoir de piratage informatique, parce que le piratage informatique ne peut intervenir que dans une transmission électronique de résultats. Or au Gabon, il ne s’agit pas d’une transmission électronique

Vous avez affirmé au soir de votre démission, avoir reçu la visite de personnes auxquelles, vous ne vous attendiez pas.

-Je voudrais préciser que cet appel que j’ai lancé à l’endroit du président Ali Bongo s’est effectué avant la proclamation des résultats, un jour avant le 30 octobre et la tentative d’assassinat faisait déjà suite à une tentative d’enlèvement le soir même où j’ai fait ma première déclaration de démission.

Vous avez reçu la visite de personnes encagoulées ?

-Oui, j’ai reçu la visite de personnes qui ont encerclé ma maison, alors que je venais de quitter cette maison .Quant à la tentative d’assassinat lui-même, elle  est intervenue le soir même du dépôt officiel  de ma démission. Démission que j’ai annoncée le 05 septembre pour laquelle, j’ai fait un dépôt  formel de lettre de démission, le 06 septembre 2016 et le soir du 06 septembre, dans la nuit du 06 au 07 septembre, j’ai reçu des visiteurs en civil  encagoulés  armés jusqu’aux dents qui  ont menotté mon gardien, ont détruit ma maison, cassé le système de video-surveillance en apportant l’enregistreur, cassant la porte de ma chambre en ne volant rien, ne prenant rien, sauf que ne me trouvant pas dans ma chambre, ils sont repartis en donnant un coup de crosse sur la tête de mon gardien. Dès lors, qu’ils sont rentrés dans la chambre d’une personnalité comme moi, sans rien prendre après ne m’avoir pas vu, cela veut dire que c’est moi qui étais dans le viseur.

Pour vous, les résultats pour une participation de plus de 99% et un score de plus de 99% pour Ali Bongo dans le haut Hogoué sont-ils réalistes ?

-Non seulement, il manque de réalisme, mais ils sont de façon notoirement faux, puisque ces résultats annoncés par le ministre de l’intérieur donnent un taux de participation différent de celui qui est contenu dans 174 bureaux de vote et de procès verbaux disponibles entre les mains des différents candidats qui ont pris part au scrutin dont le candidat de l’opposition Jean Ping. Dans ces 174 procès verbaux, il est mentionné qu’il y’a eu plus de 10000 abstentions, alors que le ministre de l’intérieur annonce qu’il y a eu 47 abstentions. Aussi, il est mentionné dans les annonces du ministre de l’intérieur 3000 suffrages exprimés à M Jean Ping, alors que dans les procès verbaux disponibles qui ne sont pas encore complets, il y a 3900 voix en faveur de Ping.

Peut-on s’attendre  à une décision transparente de la Cour constitutionnelle  dans les jours à venir?

-Il ne s’agit pas de  s’attendre à la décision transparente  de la Cour constitutionnelle. Il s’agit que le peuple gabonais comme un seul homme, exige le recomptage des voix à la Cour constitutionnelle comme, il l’avait demandé à la Commission électorale indépendante. Le peuple gabonais exige qu’un recomptage  se fasse dans la transparence en présence de toutes les parties (opposition et majorité présidentielle) et des observateurs internationaux pour crédibiliser ses élections.

Allez-vous rentrer bientôt au Gabon ?

-Oui, je vais rentrer bientôt au Gabon parce que le processus va se poursuivre. Après la mission de sensibilisation (demain, il y aura une rencontre avec la diaspora gabonaise à Paris), je vais retourner au Gabon pour faire triompher la démocratie.

Retranscrits par EKB sur TV5 monde

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