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[Interview/Nanan Kakou Hilaire (chef du village d’Ahua)]: « Le litige qui nous oppose aux Adjoumani date des années 90 »


Nanan Kakou Hilaire (chef du village d’Ahua) (PH/UPL-CI)

Abidjan, 7-2-2019 (lepointsur.com) Depuis l’année 1990, un conflit foncier mine plusieurs villages de la sous-préfecture de Tiassalé dont Ahua le village central.Cette situation a causé de nombreux dégâts matériels, fait  plusieurs blessés et des sans- abris. Les mis en cause (les Adjoumani) ayant refusé de recevoir la presse, nous avons rencontré le chef du village, pour en savoir davantage.

Pourriez-vous, nous faire succinctement la situation géographique de votre village ?

Nous sommes situés dans le département de Tiassalé à quelques km de N’Douci. Précisément sur la rive gauche du fleuve Bandama, en allant vers la ville de Grand-Lahou.

Comment est né le litige foncier qui vous oppose aux Adjoumani  ?

Ce litige date des années 1990. Il a débuté suite au décès de l’un de nos chefs. Nanan Kacou Cyprien, le 14e chef d’Ahua. C’est après sa disparition que la discorde a commencé.

Expliquez-nous, ce qui est concrètement à la base de ce conflit

Ce sont les enfants Adjoumani qui sont à la base de ce palabre. En effet, Adjoumani était le cousin au chef Kakou Bidi Amoin. Pour être clair,  ils ont le même grand-père mais sont de mères différentes. Bidi Amoin était notre chef. Lui-même est venu d’Atégouakoro. Mais sa maman est de notre famille, la famille Mando. Elle est du 2e chef de notre village.Comme chez nous à l’époque c’était le matriarcat, nous l’avons mis telle. Adjoumani est aussi issu de la même famille, de la même grand-mère et arrière grand-mère.

D’où vient-il alors, que les Adjoumani revendiquent à eux seuls, plus de 500 hectares de terre dans votre village?

Disons que c’est une histoire qui remonte à plusieurs années. De fait, l’un de nos concitoyens du quartier Mandou avait commis un crime à l’époque. Et nous lui avons demandé de payer un bœuf et plusieurs autres choses. N’ayant pas les moyens,il est allé à Ahouanou dans la Sous-préfecture de Grand-Lahou. Il faut dire que Ahouanou était un campement d’Ahua. Parce que, quand nous sommes venus de Tiassalé, nous y étions installés.

Nous étions en conflit à Tiassalé alors que le  commerce se faisait entre ces deux villes. Lorsque le conflit a déclenché, nous sommes venus nous installer à Ahua et y mis des postes  jusqu’à Grand-Lahou. Ahouanou fait partie de ces postes-là. Ce monsieur est allé à Ahouanou s’adresser à l’un de nos parents qui se nomme Lakpa Ettien. Ce dernier lui a donné les moyens pour s’acquitter la dette que le village lui exigeait. En retour, Kacou Samoi a donné en gage, sa parcelle de terre à M. Lakpa Ettien.

Celui-ci, avec sa sœur qui était l’épouse du 2e chef de notre village, Nanan N’Zi Aka. Lakpa Ettien a dit :’’ puisque ma sœur est là-bas, je te donne cette terre de sorte à ce que tu t’occupes aussi des enfants qui vont naître de votre union .’’ C’est ainsi, qu’il a donné cette parcelle de terre à Lakpa Aya. Cette dernière a eu pour fils N’Da Kobenan et plusieurs autres. Mais c’est Da Kobenan qui était le premier fils. Lui-même, fut le 9e chef du village d’Ahua. N’Da Kobenan a hérité de ces terres qui font environ 5 à 6 ha. A la mort de N’Da Kobenan, son fils Bidi Amoin en est devenu propriétaire. Les enfants de N’Da Kobenan, les descendants  sont sur ces terres actuellement. C’est donc la seule propriété que les Adjoumani ont dans le domaine d’Ahua.

Ainsi, à la mort de Kacou Cyprien,on a donné l’héritage à un certain Adja Dhoula Kacou Augustin. Ce dernier est décédé, un de ces oncles Adia Zoa qui a aussi pris l’héritage de Kacou Cyprien et de Daoula Kacou. Azoua ne pouvant pas venir à Ahua, a demandé à Adjoumani de gérer les biens de Kacou Cyprien pour le compte de la famille Cyprien jusqu’à Ahouanou. Devenu héritier de ces terres ? Adjoumani  a voulu borner toutes les terres du quartier Mandou.

Entre temps, chef Bidi Amoin étant le garant de ces terres, leur gestion était confiée chaque année à un sage du quartier. Bidi Amoin étant chef, il était en même temps gardien, protecteur de ce patrimoine.Pour son exploitation, c’est à lui qu’on s’adressait pour obtenir toute autorisation.Quand Adjoumani est venu, sans se contenter de la parcelle, c’est-à-dire les 5 ha, qui sont son patrimoine, et constituent le gage, il a voulu l’étendre à toute la parcelle du quartier Mandou. Les parents se sont opposés à cette époque, et il a abandonné son projet.

Après sa mort, ses enfants sont venus  et  ont eux aussi repris le projet. Cette fois-ci, ils ont  accusé des personnes d’exploiter illicitement leurs terres. Voilà comment est né le conflit. Nous sommes allés à la direction de l’agriculture, qui  a confié l’affaire au chef des villages environnant. Ces derniers se sont réunis et à chaque fois les Adjoumani ne se sont jamais présentés. Leur chef de famille est venu d’Ahouanou, il a tout fait mais les enfants ne sont pas venus. Les chefs sont repartis pour faire le compte-rendu aux autorités.

C’est en ce moment qu’ils sont venus. Le responsable du service nous a renvoyé à la Sous-préfecture. Le Sous-préfet M. Gbahé nous a réunis dans son bureau où nous avons passé plus d’une demi-heure. Ils ont répondu que si les vieux ont besoin de terre pour cultiver, ils leur en donneront et que la terre leur appartient. Comme nous n’arrivions pas à nous entendre, le sous-préfet a dit, allez-y cultiver sur les terres qui vous appartiennent et chacun est retourné cultiver sur sa terre. Vous savez, dans un village, chacun cultive sur la terre de son papa. On ne va jamais chez quelqu’un d’autre.

Réalisée par UPL-CI

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