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Interview /Martin Saouré (Dg Cidh Consulting : « Il y a des prédateurs sans foi ni loi sur le chemin de l’émergence. Nous allons donc saisir le tribunal du commerce »


Abidjan 08-12-2016 (lepointsur.com) Le collectif des cabinets et Ongs qui ont contribué à la démobilisation et à la réinsertion des ex-combattants ont décidé de passer à l’offensive, face au traitement qui leur est réservé dans le règlement de leurs factures.

Ainsi, après les manifestations de Duékoué lundi, et à Abidjan mardi, Martin Saouré dont le cabinet attend également d’être payé invite le gouvernement ivoirien à ouvrir les yeux sur ce dossier pour ne pas que la situation s’envenime. Entretien !

M.Saouré, peut-on savoir les raisons qui ont poussé vos agents (les agents du collectif) à manifester devant la préfecture de Duékoué ?

Je pense que c’est un ras-le-bol que nos collaborateurs de terrain ont eu à manifester parce que cela fait des mois et des mois qu’ils ne sont pas payés.

Nous, patrons, avons exécuté un travail. Malheureusement,  jusque-là, nous n’avions pas d’oreilles attentives auprès de M. Ago Christian, coordonnateur de la Cellule de coordination du suivi et de la réinsertion (Ccsr).

M. Ago nous avait dit qu’il a reçu de l’argent qui devait servir à payer les prestataires de services que nous sommes. Cela, depuis le 15 mars 2016, dans ses anciens locaux sis aux II Plateaux, dans la commune de Cocody. Mais depuis lors, rien n’est encore fait.

Vous parlez de prestations de services ; dans quel cadre ont-ils eu lieu?

Ces prestations ont eu lieu dans le cadre de la réinsertion des ex-combattants. Les admis à l’appel d’offre ont inséré un certain nombre  d’ex-combattants. Et il fallait constituer des dossiers physiques.

Les préfets de région étaient nos partenaires sur le terrain puisqu’ils devaient signer les fiches de recherche de financement à la réinsertion des ex-combattants.

Ce travail a été fait avec les points focaux de la Ccsr. Malheureusement, c’est tout ce travail que M. Ago remet en cause, tout en estimant que ni l’autorité préfectorale, ni nous-mêmes, n’avons rien fait.

Alors si tel est le cas, qu’est-ce qui explique le fait que la communauté internationale apprécie le résultat de ce travail aujourd’hui? La réinsertion des ex-combattants et le DDR est une réussite en Côte d’Ivoire et tout le monde en parle.

Remettre alors tout ce travail en cause, c’est non seulement faire preuve de mauvaise foi, mais surtout mettre en mal le fonctionnement de l’appareil de l’Etat de Côte d’Ivoire qui est condamné à la bonne gouvernance. Le faisant, M. Ago Christian nous fait assez mal ! Nous n’accepterons jamais de nous faire marcher là-dessus comme il le fait.

Combien le collectif attend-il de l’ex-Addr, en termes de montant à lui payer ?

Cette somme tourne autour de 774 Millions de FCFA. Et pour le payer, M. Ago a exigé une évaluation des structures d’exécution. Cette évaluation par ses collaborateurs, s’est soldée par une ponction qu’il a effectuée sur les dus de certains cabinets prestataires. Ainsi, de 774 Millions de FCFA que l’ex ADDR doit, nous sommes passés à près de 540 Millions de FCFA. Ces chiffres peuvent ne pas être exacts parce que nous sommes plusieurs cabinets et avons été informés de que certains de ses proches ont été nuitamment payés. Et ça nous ne pouvons pas l’accepter.

Pourquoi deux poids, deux mesures pour un même travail qui a été fait dans des conditions difficiles ? Vous connaissez le domaine des ex-combattants et les risques qui entourent leur resocialisation. Un de mes agents a eu un grave accident  de moto entre Toulépleu et Bloléquin au cours de cette mission.

Il a eu plus de chance parce que nous ne traversions pas des moments difficiles à cette époque.Nous attendons qu’il paye notre argent, c’est tout ce que nous attendons de lui. S’il attend des pots de vin, il ne les aura pas.

Des manifestations  ont été annoncées à Duékoué où bon nombres de ce collectif ont exercé, et mardi 6 décembre vous êtes devant les locaux de la Ccsr. Y-a-t-il un lien avec votre action de ce jour ?

Peut-être que certains de nos agents à qui nous avons dit que nous attendons toujours que l’Etat nous paie pour que nous puissions à notre tour les payer ont pris leur destin en main et sont allés manifester devant la préfecture.

Lorsque nous avons été informés  de cela, nous sommes venus demander que quelque chose soit faite rapidement de sorte à répondre à leur besoin les plus pressants en cette fin d’année.

Avez-vous engagé des démarches visant à rencontrer le concerné pour comprendre réellement ce qui ne va pas avec ce collectif ?

J’avoue que nous ne comprenons pas l’attitude de Monsieur Ago. Il nous a d’abord dit que la BAD venait de décaisser des Milliards de FCFA pour lui,  et que, bien que l’argent soit disponible, il ne nous paie pas tant qu’il ne conduit pas un audit.

Nous sommes alors convenus de la modalité de mener cet audit pour aller vite afin que nous rentrions dans nos fonds, étant entendu que nous travaillions sur fonds propres.

Je voulais souligner ici qu’au temps de Monsieur Sarassoro, nous percevions des avances de démarrage dans l’exécution de nos tâches. Mais l’arrivée de Monsieur AGO a bouleversé tout le système et nous étions obligés de nous endetter auprès de nos banques pour préfinancer nos actions de terrain.

En tout cas, en ce qui me concerne. Nous avions fait cette proposition parce que nous étions le 15 mars 2016 et que la mission initiale de la CCSR devait prendre fin le 30 juin dernier. Il a alors fait son évaluation à l’issue de laquelle, il a rendu public ses résultats. Evaluation que nous avons été obligés d’approuver parce que ce qui comptait pour nous, c’est de rentrer rapidement dans nos fonds afin de soulager nos employés. Et nous sommes alors partis résilier les contrats et déposés de nouvelles factures en prenant soin de retirer les premières qui avaient été validées. Monsieur Ago ne s’est pas manifesté jusqu’à ce qu’on proroge le contrat de la CCSR au 30 août 2016.

Quand nous avons été informés que certains de nos collègues ont été payés discrètement, le 25 août, nous avons tenu une conférence de presse pour dénoncer cette pratique peu recommandable pour des gens commis à la promotion de la bonne gouvernance.

A l’issue de notre conférence de presse, il a aussitôt réagi en produisant une déclaration pour réaffirmer qu’il ne paiera pas le travail qui n’a pas été fait. C’est alors qu’il nous a ramené à l’inspectorat général d’Etat.

Là-bas encore, Monsieur Guiro Léon reçoit à trois reprises Monsieur Ago tandis que nous les cabinets ne sommes pas reçus.

Que vient faire ici Monsieur Guiro Léon que vous citez ?

Monsieur Guiro Léon est l’inspecteur d’Etat qui a en charge le dossier du Collectif des cabinets. Chose surprenante, c’est Monsieur Ago lui-même qui a donné son numéro à nos collègues au cours d’une réunion qu’il a convoquée, le 26 octobre dernier.

Ce jour-là, il nous a fait savoir que c’est désormais Monsieur Guiro qui devra donner le feu vert pour qu’il procède  au paiement des factures.

Pendant cette réunion, il a même brandit à l’assistance un chèque de la structure que je dirige, pour nous signifier qu’il avait fini de signer lesdits chèques et qu’il attendait simplement le OK de Monsieur Guiro.

C’est pourquoi, le collectif est allé rencontrer monsieur Guiro qui ne cesse de nous tourner en rond.

Récemment, notre porte-parole, Monsieur Gbamélé Joseph est allé le rencontrer,  et il a laissé entendre qu’il conduira une autre mission d’évaluation vers fin décembre dans  toutes les zones du pays et que ses résultats seront connus plus tard. Je trouve cela louche parce que je pense que quelque chose ne va pas.

Je persiste et je signe, monsieur Guiro n’a jusque-là pas entendu la version des cabinets sur cette affaire, à part celle  de monsieur Ago. Il a pris fait et cause pour lui.

Je ne suis pas sûr que le Ministre Gnamien N’goran soit informé de cette affaire au sein de son Institution. D’ailleurs, pour l’équilibre des choses, nous invitons le gouvernement à faire un audit de la gestion de M. Ago pour voir si l’argent qui lui a été remis a servi  à cette mission.

Quel sera votre dernier recours, s’il n y a pas de dénouement heureux ?

Nous ne pensons pas qu’il poussera si loin le bouchon. C’est de l’argent que nous avons investi en nous endettant auprès de nos banques parce qu’on n’a pas bénéficié de préfinancement.

Nos employés qui en ont le ras-le-bol ont manifesté récemment à Duekoué. Nous allons utiliser tous les moyens légaux pour nous faire payer parce que le préjudice est énorme.

Il est aussi bien moral que financier avec le poids des impôts qui ne cesse de nous peser là-dessus.Nous allons, si la situation perdure, saisir le tribunal du commerce.

Car voyez-vous, un de nos doyens est en procès pour avoir occupé des locaux qu’il n’arrive plus à payer. Certains ont eu des accidents de travail et n’ont plus les moyens pour se prendre en charge, d’autres sont même décédés.

Cela ne va plus continuer ! Je voudrais aussi demander au Chef de l’Etat, Sem Alassane Ouattara d’avoir une oreille attentive pour régler définitivement cette situation. Il y va de la survie des Pme que nous jeunes ivoiriens, avons pris l’engagement de diriger.

Mon cabinet emploie 4 personnes permanentes, 5 jeunes dames commerciales maison avec un niveau de formation allant du BTS à la Maîtrise, elles ont une prime mensuelle en plus des commissions sur les plans de formation des entreprises.

Nous utilisons également  plus de 20 collaborateurs externes (les experts et consultants formateurs pour les études et la formation professionnelle continue).

Nous avons  plutôt besoin d’encouragements que de trouver sur notre chemin d’émergence des prédateurs sans foi ni loi.

JEN (Une correspondance particulière)

 

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