[Interview/ Issiaka Diaby, président du Collectif des Victimes en Côte d’Ivoire] «Il faut que la Ministre pense réellement à indemniser les victimes»
Le président du Collectif des Victimes de la Côte d’Ivoire (CVC), Issiaka Diaby, n’est pas du tout content de la Ministre Mariatou Koné. Selon le président, la ministre ne fait pas beaucoup pour indemniser les victimes de la crise postélectorale. ‘’Nous attendons beaucoup d’elle’’, a-t-il fait savoir à lepoinsur.com lors d’un entretien.
Monsieur le président Issiaka Diaby, le jeudi 7 février dernier, vous aviez organisé une marche pour dénoncer la libération conditionnelle de Laurent Gbagbo et Blé Goudé et interpeller la Cour Pénale Internationale sur ce jugement qui, pour vous semble injuste. Est-ce que vous ne menez pas là, un combat dont la cause semble être perdue d’avance vue la tournure que prend ce jugement après ce verdict?
Je ne pense pas. N’oublier pas que le juge Cuno Tarfuser avait prononcé un jugement en faveur de l’acquittement et la libération immédiate de Monsieur Laurent Gbagbo et Ble Goudé mais par la suite, c’est la libération sous condition qui a été retenue après l’appel de cette décision de la procureur Fatou Bensouda. Et vous savez tout comme moi que l’affaire est loin d’être terminée, car la procureur a fait savoir qu’elle fera appel. Donc nous croyons toujours quand bien même que nous décrions cette attitude de la CPI, dont nous soupçonnons d’agir en faveur des deux accusés au détriment des droits fondamentaux des victimes. N’oubliez pas que, même si la chambre de première instance 1 de la CPI a acquittés, Monsieur Gbagbo Laurent et Monsieur Charles Blé Goudé, cela ne signifie pas qu’ils sont innocents et qu’ils n’ont rien fait pendant cette crise que la Côte d’Ivoire a connue. Donc notre combat n’est pas vin. Parce que pour nous, le droit n’a pas encore été dit. C’est pour cette raison que nous disons aux victimes qu’elles ne doivent pas baisser les bras, d’avoir foi et d’espérer. Car, quelque-soit l’issue de ce procès elles ne seront pas laissées pour compte.
Pourquoi ? Parce que vous avez le sentiment que les victimes sont gagnées par le découragement ?
Depuis l’acquittement et la libération immédiate de Monsieur Gbagbo et Blé Goudé, les victimes sont l’objet de moqueries et d’insultes de tous genres en ville, au marché, dans leurs quartiers et villages. Les majeures parties de ces victimes sont des femmes âgées, des jeunes filles et jeunes, des veuves, des orphelins, des mutilés, des personnes qui portent aujourd’hui des séquelles de la barbarie des soldats et autres mercenaires à la solde de Laurent Gbagbo. Certaines n’arrivent pas à joindre les deux bouts. C’est extrêmement difficile la situation que la plus part d’entre elles vivent au quotidien. IL faut trouver des moyens pour ne pas qu’elles aient le sentiment d’être abandonnées, d’être oubliées et d’être gagnées par le découragement. D’où l’organisation de cette marche et de certaines rencontres pour interpeler l’opinion nationale et internationale pour qu’elles se penchent sur le cas de ces victimes. Donc vous comprenez que cette marche du jeudi 07 février au rond-point d’Abobo Anador, où 7 femmes ont été lâchement massacrées le 03 mars 2011 par les forces pro-Gbagbo, était très importante. C’était aussi un moyen pour nous de remobiliser les victimes, leur faire savoir que nous sommes de cœur avec elles mais aussi pour les préparer et les informer sur des actions futures que nous allons mener si nos revendications ne sont pas prises en compte.
En quoi se résument ces revendications?
Nos revendications, ce sont les prises en charge totale des victimes et des familles des victimes. Ce sont la scolarisation des jeunes filles, des jeunes hommes, des enfants, rendus orphelins ou handicapés du fait de la crise. Ce sont aussi l’insertion socio-professionnelle de certaines et la restauration de la dignité des autres. Nous voulons aussi qu’on donne l’occasion après huit ans, à beaucoup, afin de faire le deuil de leurs proches disparus, parce que juste qu’aujourd’hui, il y a des victimes et des familles des victimes qui vivent avec le corps de leurs défunts par manque de moyens et d’aide, enfouille dans leur maison. Logiquement ce sont des choses qui devraient être réglées depuis. Malheureusement le constat est que cela fait bientôt huit ans que nous crions justice et attendons une véritable action salvatrice pour avoir gain de cause et il n’y a rien. C’est vraiment dommage.
Vous n’exagérez pas en disant que depuis huit ans vous n’avez pas eu gain de cause quand on sait que le président de la République, Alassane Ouattara s’est investi pour que chaque victime de la crise postélectorale soit prise en charge totalement ?
Nous n’en voulons pas au président de la République, qui fait beaucoup pour nous depuis qu’il est là pour avoir dégagé les moyens conséquents pour ça. Mais nous en voulons à ses collaborateurs, comme la Ministre Mariatou Koné, qui ne fait pas correctement son travail. Elle a été mandatée par le président de la République pour s’occuper de la cohésion sociale et des victimes. Il lui a donné des moyens conséquents pour accomplir la mission qu’il lui a confiée. Malheureusement pour nous les victimes, la ministre éprouve un mépris. Elle ne s’occupe pas de nous. L’aide annoncé, n’arrive pas à nous. Même l’argent qu’on a donné pour le ‘’Yako’’ des victimes, nombreuses sont celles qui n’ont rien reçues encore. Il faut qu’elle prenne en compte toutes les victimes et qu’elle ne fasse pas de catégorisation. Nous ne demandons pas qu’elle déverse sur nous tout son budget, mais qu’elle jette un minimum de regard sur la souffrance de ces victimes qui ne demandent que réparation depuis huit ans. Pour le moment, nous sommes en phase d’observation. Si nous remarquons par la suite qu’il n’y a pas d’évolution à nos revendications, nous allons utiliser d’autres moyens pour faire entendre notre voix.
On peut savoir ce que vous prévoyez de faire ?
Pour le moment tout est entre la main de la Ministre Mariatou. IL faut qu’elle fasse tout pour indemniser toutes les victimes. C’est notre vœu le plus cher actuellement. C’est d’ailleurs pour ça que le Président l’a mandatée. Nous espérons qu’elle va le faire afin de s’inscrire dans la droite ligne du président de la République, qui vient de décréter cette année 2019, année du sociale envers les populations de la Côte d’Ivoire. Les victimes de la crise postélectorale sont des cas sociaux et elle le sait.
Propos recueillis et retranscrits par FIDELE NETO