Interview exclusive: Ennuis judiciaires de Guillaume Soro, procès Gbagbo, Blé Goudé et Robert Guéï, Terrorisme/ La part de vérité de l’écrivain le Dr Pascal Roy
– « Voilà un pays où on a tué, on a pillé, on a violé, on a traumatisé et personne n’est responsable »
– « Je pense que la tempête des tracasseries judiciaires contre Monsieur Soro va se dégonfler avec le temps »
-« Quand une jeunesse n’a pas foi en son avenir, elle monnaye son destin dans l’industrie de la violence, de l’incivisme, du sexe et du terrorisme djihadiste«
Abidjan, 22-02-16 (lepointsur.com)-Gouvernance d’Alassane Ouattara, Ennuis judiciaires de Guillaume Soro, Procès Gbagbo, Blé Goudé et Robert Guéï, Terrorisme : le Docteur Pascal ROY (Écrivain, Philosophe, Juriste, Politiste, Enseignant-Chercheur des Universités et Chroniqueur) passe en revue toutes ces questions à l’occasion de la sortie de son 5ème livre « Flirts avec la mort ».
Vous séjournez depuis trois semaines à Abidjan et avant de présenter votre 5ème livre à nos lecteurs, quel regard jetez-vous sur la Côte d’Ivoire et le deuxième mandat du Président Ouattara qu’il vient d’entamer ?
Je voudrais vous répondre, par un regard intellectuel libre et en restant à équidistance des émotions et passions militantes. Un intellectuel libre est, en effet, une personne dont l’activité repose sur l’exercice de l’esprit, qui s’engage dans la sphère publique pour faire part de ses analyses, de ses points de vue sur les sujets les plus variés ou pour défendre des valeurs et qui dispose d’une forme d’autorité conceptuelle. Pour faire court, l’intellectuel libre ne se définit ni par la taille ni par l’usage de son cerveau, ni par sa compétence en un domaine précis (philosophie, sciences humaines, lettres…) mais par sa volonté d’agir sur le monde par « influence » sémiologique et scientifique. Vous savez que j’ai de l’affection pudique pour le Chef actuel de l’Exécutif ivoirien. Je suis, tout de même, le libre auteur de la biographie humanitaire de la Première Dame de Côte d’Ivoire, Madame Dominique Ouattara, cette Dame au cœur fertile de socialité et de générosité solidaire et réparatrice des blessures humaines et des ratages existentiels. C’est pourquoi, je ne peux pas rester silencieux et complaisant avec un certain nombre de choses qui, à nos yeux d’intellectuels libres, sont des dévoiements de gouvernance. C’est parce que je veux voir le Docteur Alassane Ouattara, ce brillant technocrate doublé de talents politiques, réussir sa mission de Chef d’État et s’inscrire positivement et durablement dans l’Histoire que je l’interpelle constamment avec ma plume. Car, il peut donner davantage à notre pays, bien au-delà de ce qui se fait déjà et de qualité. Parce que j’aime la Côte d’Ivoire, je suis rigoureux avec ses dirigeants. Les latins disaient : Bene amat, bene castigat, littéralement, « qui aime bien, châtie bien« .
Gouverner, en effet, c’est viser constamment l’excellence et le meilleur pour le peuple. Gouverner, c’est entrer en résistance perfectionniste permanente contre les méfaits de ses plus proches collaborateurs et les missionnaires de la République (Chefs des Institutions, Ministres, PCA, DG…). Il y a deux types de critiques en politique: les critiques négatives, destructives et déstructurantes, généralement menées par les opposants politiques; les critiques positives, constructives et d’orientation portées par les intellectuels libres. La démocratie et la gouvernance publique ont besoin d’un regard extérieur, lucidement dégagé de pesanteurs militantes, et républicain d’orientation et de proposition d’outils pour s’améliorer et satisfaire les attentes des populations. Et c’est ce que j’essaie de faire modestement. On ne négocie pas la voix et les mots de ma plume! L’intellectuel libre est, avant tout, un donateur de sens, un affirmateur. Être un intellectuel libre, est une épreuve, celle du dévoilement de la vérité et de la purification de l’être. Épreuve que j’essaie d’assumer dans une gravité responsabilisante. Quelqu’un me disait dernièrement, « attention, tu vas te faire arrêter à Abidjan ou refouler à l’aéroport ». J’ai rétorqué avec un sourire. En vérité, si pour ma plume, je dois être contraint à un séjour carcéral par les services de sécurité intérieure, je m’y rendrai avec un cœur léger. Certainement que ce serait une occasion d’échanges de famille avec le ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, mon aîné et beau-frère Hamed bakayoko. Je suis Agni d’Aboisso et Madame Dominique Ouattara est ma « référente humanitaire ». Le ministre d’État Hamed Bakayoko est le fils spirituel de la Première Dame et son épouse est Agni.
Cela dit, je profite pour saluer le travail remarquable de notre ministre d’Etat Hamed Bakayoko, même si des réglages et de nouvelles impulsions sont à souhaiter, surtout dans un contexte de menace djihadiste ou terroriste. La sécurité, c’est 80% de bon sens et 20% d’expertise. Il nous faut actionner un système de campagne de sensibilisation des populations sur les réflexes de secours et de sécurité en lieux de masses. Notre pays doit également réactiver un service civique républicain performant pour les scolaires et les jeunes afin de véhiculer des valeurs humanistes. Tout ce qui est fait aujourd’hui pour trouver un emploi aux uns et aux autres doit rapidement donner des résultats perceptibles. L’embauche statistique ne sert pas beaucoup la gouvernance quand le peuple n’est pas en phase avec les chiffres. Quand de mois en mois, vous voyez le fils du voisin et la fille du cousin retrouver un emploi, ça parle plus aux citoyens lambda car c’est du concret.
Quand une jeunesse n’a pas foi en son avenir, elle monnaye son destin dans l’industrie de la violence, de l’incivisme, du sexe et du terrorisme djihadiste. Il est du devoir d’un État de faire rêver sa jeunesse par l’éducation, la démocratie, la bonne gouvernance et le travail. On ne gouverne pas dans un bruit insonore. Si monsieur Alassane Ouattara veut réellement conduire la Côte d’Ivoire à l’émergence, par la sculpture de l’Ivoirien Nouveau, il lui faut mettre de la rectitude dans la gouvernance publique en commençant par son Palais, la Primature et les ministères. La Haute autorité pour la bonne gouvernance doit avoir une direction plus énergique, avec une autorité d’actions, ce qui lui donnera plus de dynamisme et d’efficacité.
L’Ivoirien Nouveau ne se construira pas en allant saluer le drapeau chaque début de mois au plateau. Le défi de l’Ivoirien Nouveau et de l’Émergence exige de la rectitude dans les comportements, des correcteurs dans les manières de voir autrui, de lire la société, d’écrire la République, de conduire les responsabilités de service public et de gérer les affaires étatiques. L’excellence, l’exemplarité, les « jeunes énergies » et les valeurs morales doivent être la racine et le ciment de l’Ivoirien Nouveau. La République est l’usufruit (bien commun) de tous mais n’est la proprié́té de personne. La République est la loi commune et non la loi de quelques groupuscules. Il est nécessaire de souligner que notre pays s’est engagé, depuis la sortie de la crise post-électorale de 2010, dans un processus de réforme globale qui a touché l’ensemble des secteurs d’activité de l’Etat ; processus encore timide, timoré et qui doit être redynamisé et approfondi par l’introduction de nouvelles actions audacieuses et opérantes, sous ce deuxièmement mandat de monsieur Alassane Ouattara. La configuration du gouvernement actuel n’est pas moderne. Il y a besoin de le resserrer et de le rajeunir afin de le rendre plus efficace. Il nous faut favoriser l’émergence de nouveaux et vigoureux talents sur la scène gouvernementale, administrative, économique et sociale, mettre en place une économie de marché, la consécration de nouvelles libertés liées à la citoyenneté, la généralisation des nouvelles technologies de l’information et la communication devront induire des mutations profondes au sein de l’Etat et de la société. Nous devons être capables d’ériger progressivement la concurrence compétentielle en une dimension nodale dans l’organisation et l’animation de l’administration, de l’économie mais aussi de la politique.
Pourquoi le livre « Flirts avec la mort » ?
Après la sortie de mes 4 premiers livres ( « Déréliction et Facticité chez Martin Heidegger », « Être et Temps et le problème du sens de l’être », « Art et technique de la prévention, gestion et résolution de crises… » et « Dominique Ouattara, une femme des grandes causes humaines »), l’actualité mondiale m’a plongé dans l’écriture d’un 5ème livre intitulé : « Flirts avec la mort ».
En effet, que nous soyons croyants, philosophes, scientifiques ou politiciens, il est toujours difficile de choisir les bons termes pour parler de la mort. Drame humain auquel tout un chacun est confronté, on désigne la mort souvent par des litotes comme disparition, perte, silence ou sommeil… comme si le mot était trop dur à prononcer, car trop cruel. Oui Vulnérables, donc humains, sommes-nous! Tel est le sens de notre vraie existence. Et les multiples événements djihadistes en France, en Syrie, en Libye, en Turquie, au Nigeria, au Cameroun, au Niger, au Mali, au Burkina Faso et ailleurs confortent cette réalité implacable: notre vulnérabilité, c’est-à-dire la conscience de la fragilité et des limites de notre condition humaine. Il n’y a plus d’espace protégé dans le monde. Prendre un bus, le train, l’avion, aller au café, au ciné, au restaurant, au supermarché, à l’hôtel, à l’école, au stade…, c’est prendre le risque de ne plus revoir les siens. Tout est précaire et mortel. Ce qui me renvoie à la vue ces mots de ce célèbre médecin, Xavier Bichât, professés en 1800 : » la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort « .
Ô que la mort est partout, imprévisible et inévitable humainement! La mort est partout, plus que nous le croyons. Nous pouvons mourir en tous moments. Peu importe où on soit et avec qui on est. On n’est jamais à l’abri de la mort. On n’est jamais à l’abri de quoi que ce soit. Ce n’est pas parce que nous sommes au lycée, au travail, en salle de sport, dans le transport, au cinéma et que notre journée se déroule parfaitement bien que notre père ou notre mère ne peut pas crever. Ce n’est pas parce que notre petit frère joue à Spiderman dans sa chambre que demain il ne peut pas se faire renverser par une voiture. Ce n’est pas parce que nos grands parents se portent bien pour leurs âges qu’ils ne peuvent pas mourir d’une crise cardiaque. Ce n’est pas parce que nous avons au creux des yeux la lingerie de la plus belle femme ou entre les mains, la partie mythique de l’homme le plus viril, que nous ne pouvons pas mourir dans les instants suivants. Vous voyez, nous ne sommes à l’abri de rien. Alors à chaque fois que nous allons de chez nous, disons-leur tous au revoir comme si c’était la dernière fois. La mort qui appelle tout à elle, m’appelle aussi, t’appelle également, nous appelle tous… Elle est partout et on flirte avec elle.
En attendant la nôtre, mon 5ème Livre nous invite à vivre comme « une eucharistie », c’est-à-dire savoir et pouvoir dire avec pertinence, un merci vrai, gratuit et nourricier à Dieu et autour de nous, chaque fois qu’on peut aller et revenir, dormir et se réveiller sans croiser la fin, tout en professant ceci: le spectre imminent de la mort et la dangerosité de l’existence ne doivent pas édulcorer les forces de vie et la volonté de réalisation humaine et sociale. L’existence est une minuterie de la mort. Aujourd’hui, la raison s’inquiète et tremble si fort au moindre danger qui menace notre vie ou celle d’autrui. La vie est l’épiphanie de la mort, mais cette épiphanie est allégorique, non point tautégorique. La mort ne parle pas et nous plonge dans un silence absolu, ce qui angoisse. Je dédie mon 5ème Livre à toutes les victimes de toutes les lâchetés meurtrières partout dans le monde, à leurs familles, leurs proches et force de liberté à ce divers peuple de vivants à travers nos sociétés ! Soyons sages et le sage ici c’est celui qui accepte la nécessité en la comprenant, c’est en un mot, celui qui sait que la mort est un moment essentiel de la vie, mais que la mort n’épuise pas la vie.
Revenons à la Côte d’Ivoire. Quelle est votre analyse des différents procès en cours ?
La classe politique ivoirienne dans son ensemble a la prime du mensonge et de la bêtise humaine. Trop de politiciens médiocres en Côte d’Ivoire. Voilà un pays où on a tué, on a pillé, on a violé, on a traumatisé et personne n’est responsable. Des événements douloureux depuis les indépendances jusqu’aujourd’hui sont restés sans responsables limpides ou, du moins, sans aveux des auteurs: les drames du Sanwi des années 60 et du Guébié des années 70, les dérives du putsch de 1999 et de la transition militaire, les dérives de la rébellion de 2002, les présumés charniers de Yopougon et des gendarmes à Bouaké, les présumés assassinats de personnalités (Ernest Boka, Biaka Boda, Jean Baptiste Mockey, le General Robert Guéï, Boga Doudou, Dagrou Loula, Camara H, IB, Tagro Désiré….etc.), les supposés massacres des femmes d’Abobo et des populations de Nahibly.
Révisons les procès du General Robert Guéï et de messieurs Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. On a l’impression que le Général Guéï et les siens se sont suicidés collectivement: personne n’a le courage moral de reconnaître les faits et tout le monde n’y est pour rien. Ce qui se passe à La Haye est encore plus triste. Et comme je l’avais souligné dans un tweet du 27/01/2016, à la veille de l’ouverture du procès, le monde entier assiste passivement à l’une des grosses bourbes judiciaires du 21ème siècle et ça se passe à La Haye, en plein cœur de l’Europe. Un procès qui se construit dans un amateurisme révoltant: des témoins anonymes se dévoilent sur les réseaux sociaux avec tous les risques de sécurité inimaginables à court, moyen et long termes pour eux-mêmes, leurs familles et proches, vues les passions qui se déchaînent; des témoignages qui se dégonflent au choc du feu des questions de la défense quand certains témoins ne prennent pas leurs jambes à leur cou en désertant leurs chambres d’hôtel pour échapper aux témoignages, des prévenus qui ont occupé de hautes fonctions d’Etat et qui rigolent en pleine audience… Quelle méprise!
Je suis incendié intellectuellement chaque fois que l’application des règles de droit semble se télécharger politiquement et de façon exclusive, surtout dans le cadre d’une justice internationale. Non à la justice cacophonique et injuste qui pervertit l’humanité. C’est ce qui est juste qui doit dicter la loi, si nous voulons renforcer les droits de l’Homme et dissuader efficacement les fauteurs de troubles politiques et les criminels de masses! Nous voulons tous la manifestation de la vérité sur ce qui s’est réellement passé en Côte d’Ivoire, principalement, entre octobre 2010 et avril 2011. Mais je crains fort bien qu’au terme de ce procès qui se montre tumultueux et dans une procédure cahoteuse, le peuple de Côte d’Ivoire ait le sentiment d’avoir frôlé la vérité.
La vérité d’une telle crise se lit sur deux visages et non sur seulement un visage multiforme, aussi laid et hideux peut-il paraître. Dans notre société actuelle règne la loi du mensonge et du déni: il nous faut en sortir si nous voulons réussir la construction d’une société moderne, démocratique et émergente. Notre pays doit susciter davantage de solutions de réconciliation qui répondent à des objectifs politiques clairs, objectifs consolidant la stabilité, la pérennité et le développement de la République et de ses Institutions.
Votre regard sur les ennuis judiciaires de Guillaume Soro…
Il n’y a pas de grands chefs, de grands leaders et de grands présidents nulle part. Il n’y a que des chefs, des présidents et des leaders bien renseignés et bien entourés. Quand on a le parcours et les ambitions de monsieur Guillaume Soro, on ne peut pas donner l’impression de manquer de prudence, de vigilance et de sous-estimer les enjeux au point d’offrir des outils de nuisance aux adversaires internes et externes. On ne peut pas rêver grand et s’envelopper de toiles d’araignées. Je ne nie pas la présence de gens brillants didactiquement et de qualité socio-politique autour de monsieur Guillaume Soro et ils se reconnaîtront, probablement mal mandatés ou qui se mandatent maladroitement, mais beaucoup de ses allocataires donnent un reflet contre-productif. On ne paie pas des collaborateurs pour déambuler dans les ruelles et recoins, goûter aux orgies et beuveries, fanfaronner dans la presse et sur les réseaux sociaux et manquer le match des éliminatoires parce qu’on savoure déjà la finale, en ignorant la dureté de la qualification et l’épreuve qui mène à la victoire. Ce n’est donc pas en vain que le père du droit constitutionnel français, George Védel, disait le 18 janvier 2001: «aujourd’hui, bomber le torse tient lieu de culture». On ne peut pas rêver avec de grands yeux et se contenter de miser sur des amis, des serveurs de thés, des allocataires de fidélités bruissantes et sur des gens pour qui vous êtes juste des ascenseurs de réussite et de promotions juteuses. La technicité est le kérosène de la politique. On peut aider des amis et c’est naturel. Mais au 21ème siècle et à l’âge de monsieur Guillaume Soro, cela se fait avec des idées modernes et dans le sillage de la démocratie, des vertus et des droits de l’Homme.
En ce qui concerne ce qu’on pourrait qualifier de crispation relationnelle entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, les frasques contentieuses doivent être traitées sous trois angles: politique, diplomatique et juridique. Il faut agir bien et très vite, sans donner l’impression d’avoir la conscience et les mains qui tremblent. En effet, politique et diplomatie sont, de toute évidence, deux choses bien différentes, puisque la diplomatie n’est qu’un moyen de faire la politique, et plus spécialement la politique étrangère. Les questions de politique intérieure peuvent être également traitées, lorsqu’il convient, par la méthode diplomatique, mais la véritable « diplomatie » acquiert ses titres de noblesse et s’épure lorsqu’elle reçoit sa véritable application, c’est-à-dire dans les rapports avec les pays étrangers.
À ces pays, on ne peut imposer sa propre volonté comme on le ferait à l’intérieur, et ni l’autorité ni le prestige ne permettent de se dispenser de l’habileté. Il faut donc de l’habileté politique aux autorités de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso pour tranquilliser les climats politiques intérieurs, surtout pour Ouagadougou, ménager l’opinion.
C’est alors qu’on pourra actionner, avec efficacité, la diplomatie comme un simple instrument de la politique, une manière de traiter les questions qui surgissent de la coexistence internationale et de trouver, sans recourir à la force ou à des mesures de rétorsion économique, un compromis ou une ligne de traitement aux embrouilles qui enrhument les deux États. Viendra alors le cadre juridique pour traiter les mandats d’arrêt qui giclent dans le ciel ivoirien en vue d’annulation ou de retrait ou d’exercice de la justice.
On peut émettre des mandats, on peut transférer des gens et les juger. Mais il faut le faire dans les règles de l’art judiciaire. Il faut vite aiguiser la méthode idoine pour obtenir des résultats et maintenir les relations bilatérales dans une atmosphère de tranquillité durable. Car les choses peuvent glisser dans la tempête et on n’attendra pas jusqu’au moment où l’on pourra, voudra ou devra, tenter le sort des armes (pour faire fort), pour s’en rendre compte.
Concernant la page événementielle de la juge parisienne, Sabine Kheris, je me suis déjà prononcé le 8 décembre 2015 sur ma page facebook. Comme je le soulignais, le bon procédurier ne s’irrite pas pour se fourvoyer dans les latitudes que lui offrent les textes de loi, surtout quand sa matrice de travail touche la politique. Le politique est très souvent dans l’émotion et agit sous le coup de l’émotion. Mais le devoir impérieux du juge voire de l’universitaire est de prendre de la distance, même s’il y a des moments où cette distance est difficile à opérer. Le seul objectif doit être l’analytique obstinée du concept. Les émotions ne font pas partie des fils de couture du costume judiciaire.
L’une des qualités essentielles d’un juge, « pilier de l’ensemble du système de justice« , est de s’efforcer de faire preuve de logique et être en mesure de rendre des décisions éclairées qui résistent à un examen minutieux, en tenant compte de l’essence même de l’affaire dont il est saisi. Le juge doit simplement être juge et non paraître l’être! Le juge n’est pas un créateur de spectacle turbulent.
Intellectuellement, je ne vois pas d’inconvénient à ce que la juge d’instruction parisienne Sabine Khéris cherche à entendre Monsieur Guillaume Soro dans le cadre de la plainte déposée en 2012 par Monsieur Michel Gbagbo, fils de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, relative aux conditions de son arrestation au printemps 2011, en plein cafouillage institutionnel. Le citoyen Guillaume Soro devra, vraisemblablement, collaborer avec la justice française, représentée par la juge Sabine Kheris, par le canal de ses conseils parisiens et dans le respect de la loi française et des traités internationaux et dans la bonne méthode d’instruction. Monsieur Guillaume Soro et ses conseils doivent profiter de cet épisode douloureux pour traiter avec diligence et efficacité tous les dossiers de justice supposés, soupçonnés ou en cours partout dans le monde et peu importe les plaignants.
Je pense que la tempête des tracasseries judiciaires va se dégonfler avec le temps. Monsieur Guillaume Soro reprendra son chemin jusqu’à destination s’il sait redynamiser son équipe, redistribuer les cartes et redonner de l’étoffe à sa trajectoire, en apprenant des causes de la crevaison de ses roues en pleine course. Et il pourra alors répéter cette phrase du biologiste américain Jonas Edward Salk (1914-1995), l’inventeur du vaccin contre la poliomyélite, qui choisit de ne pas le breveter pour le rendre plus accessible. Un doux rêveur, dirait-on aujourd’hui… : « J’ai eu des rêves et j’ai eu des cauchemars, mais j’ai vaincu mes cauchemars à cause de mes rêves. ». Aucune existence, aucun système, aucun projet et aucun idéal ne sont à l’abri d’une chute brutale de tout ce qui a été fondé sur des bases instables et inadaptées. C’est pourquoi de nouvelles prises de décisions sont toujours utiles à qui veut remplir sa page existentielle, pérenniser un système, réaliser un projet et accomplir un idéal dans le renforcement de la crédibilité et un nouveau destin pour l’Humanité sont à impulser.
Nos sociétés ont besoin d’un idéal moins matérialiste et elles doivent s’orienter vers un esprit plus collectif, des idées plus humanitaires et plus universelles. Malgré des bouleversements, des sacrifices et des efforts d’adaptation, notre existence doit s’enrichir d’enseignements de toutes sortes. Dans une réflexion d’ouverture, des pages doivent se tourner et nous devons nous inviter à faire preuve de moins d’égocentrisme, à plus de solidarité, pour construire un Monde meilleur au-delà des barrières raciales et sociales, un Monde pour l’Homme.
Interview réalisée par Seriba Koné à Abidjan.
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