Interview / Emmanuel Goué (Responsable de la structure Lad Vision)
« On investit des millions sur nos footballeurs qui ne rapportent rien au pays. »
Longtemps dans l’événementiel, Emmanuel Goué a décidé de se lancer désormais, dans le cinéma. Et il faut le dire, son nouveau domaine de prédilection semble lui réussir. En témoigne la qualité de son tout premier ballon d’essai « La Carte mémoire » qui, à peine née, suscite déjà l’intérêt de nombreux opérateurs.
Une structure qui a pour ambition de donner une nouvelle image au cinéma ivoirien. Nous avons débuté par des vidéos, des reportages, et avec l’émission « Matin Bonheur » (sur RTI1, ndlr). Nous nous lançons maintenant dans la production audio-visuelle. Nous sommes à notre première production cinématographique qui est « La Carte mémoire.»
Depuis combien d’année existez-vous ?
Cela fait environ six ans que la structure a été mise sur pied. Comme je le disais plus haut, c’est une structure qui était dans l’événementiel. Dans la production audio-visuelle, cinéma et émissions télé. C’est depuis 2011 que nous sommes venus à la télé.
Pourquoi ce brusque bond ?
Il faut dire que nous étions assistant réalisateur sur des cinémas ivoiriens à des séries télévisées mais nous n’avons pas trouvé ce cinéma à la hauteur de l ‘international. Nous avons trouvé ce cinéma trop platonique. Alors, nous nous sommes dit qu’il faut donner un sang neuf à ce cinéma. Nous voulons monter une nouvelle facette du cinéma ivoirien
Présentez-nous votre production
La Carte mémoire est l’histoire d’une jeune fille. La vie est avant tout une sorte de Carte mémoire. Tous les événements qui se produisent sont enregistrés quelque part. Et peuvent-nous rattraper. Nous avons essayé de donner « vie » à cette vie. La Carte mémoire est l’histoire d’une jeune fille. Vanessa qui est une jeune qui intervient dans une émission qui traite des cas de conscience. Son copain se fait assassiner par un gangster. La scène est filmée par une jeune fille reporter. Celle-ci va remettre la vidéo à la fiancée de la victime sans savoir leurs liens ; après l’avoir visionné, Vanessa se rend compte que la victime est son copain. Elle va donc remettre cette vidéo à la police. Mais le lieutenant qui a été mandaté pour traiter cette affaire se trouve être le père de l’assassin. Le Lieutenant est du coup confronter à un dilemme. Soit, il applique la loi en mettant son fils en prison ou son amour paternel prime et il protège son fils. Nous avons voulu montrer comment l’on peut être confronté à ce genre de situation dans l’exercice de notre profession.
Pourquoi cette léthargie du cinéma ivoirien malgré toutes ces productions ?
La base du cinéma est le scenario. Mais, en Côte d’Ivoire, nous avons toujours les mêmes scénarii. Le monsieur qui trompe sa femme et vis versa. Ou le Monsieur qui a deux femmes. Si nous restons dans ces mêmes scénarii, le cinéma ivoirien tombera dans une léthargie. Nous devons proposer des scénarii accrocheurs.
En quelle année avez-vous réalisé cette production ?
La « Carte mémoire », c’est depuis 2011 pendant la crise .Nous étions bloqués dans les maisons sans aucune activité, alors il fallait s‘occuper. C’est comme cela que tout est parti. Nous avons fait un casting de bouche à oreille. Parce que quand tu écris un scénario, tu as déjà en tête le profil de ton acteur en tête. La formation a duré environ 10 mois et le tournage plus d’un an. Parce que nous n’avions pas de financement. Nous avons travaillé sur fonds propres. Mais Dieu merci, notre chance est que tout s’est passé en Côte d’Ivoire. Nous n’avions une quelconque pression ; donc nous avons travaillé à notre rythme, jusqu’à tout finaliser. Nous avons fonctionné sur fonds propres. C’est un scénario différent de ce qu’on a l’habitude de voir. Le projet a duré pratiquement deux (2) ans. J’étais réalisateur et monteur sur ce film. Une chose est de réaliser, mais une autre est de la ressentir.
Comment se comporte la « Carte Mémoire »?
Elle décolle difficilement. Nous avons recruté les acteurs par-ci par-là. Et il nous faut maintenant les payer, mais nous n’avons pas les moyens. Nous sommes en train de chercher les voies et moyens pour le faire. Nous ne voulons pas brader le film. Nous avons souffert sur cette production et nous voulons être recomposés à sa juste valeur. Nous avons cependant fait une grande première à Sococé le 25 novembre 2013, et beaucoup ont apprécié le film. L’actuel directeur général de l’Office nationale du cinéma (l’Onaci) M.Kramo Fadiga nous a reçus et nous a félicités. J’ai particulièrement reçu beaucoup de mails et textos sur ma page facebook.
Qui est Vanessa ? Comment s’est opéré son choix ?
Vanessa est l’actrice principale, à l’état civil, Marie jeanne Appiah. Elle correspondait mieux à nos critères de sélection. Nous avons formaté celle qui est là présentement.
Concernant l’actrice Claire Gueï, elle a joué un rôle très important parce qu’elle est l’élément clé de tous les dangers de « La Carte Mémoire ».
Le film comprend combien d’épisodes ?
La carte mémoire est une série de 52 épisodes. Mais, nous nous sommes arrêtés à 26 épisodes par faute de moyens.
Où avez-vous effectué le tournage ?
La série a été en grande partie tournée dans la commune de Yopougon. Sauf seulement trois scènes qui ont été tournées à la Riviera. Tous les acteurs sont Ivoiriens à l’exception d’une fille qui est de nationalité burkinabé. Marie-Jeanne Appiah, l’actrice principale est Agni.
A combien peut-on évaluer le coût de cette production ?
Nous n’avons pas reçu de financement. Nous avons travaillé sur fonds propres. La production nous a couté des dizaines de millions de F CFA.
Quels sont vos rapports avec le réalisateur Ivoirien Guy Kalou ?
Nous n’avons pas de rapports particuliers avec Guy Kalou. Nous l’avons cependant invité, lui et des gens du milieu à notre grande première, mais, personne n’a répondu à notre invitation. Ça a été un choc pour nous.
Comment préparez-vous l’après « Carte mémoire » ?
D’autres œuvres sont en cours d’être achevées. Nous avons quatre projets de long métrage. Mais à l’état embryonnaire. Nous nous inscrivons dans les films d’actions et de fictions.
Combien de prix avez-vous glané avec « La Carte mémoire ? »
Au Grand prix africain du cinéma, de la télévision et des Tics (Gpact) la Carte mémoire a eu le prix de la meilleure fiction africaine face à un grand film gabonais appelé « Mpassi. » La cérémonie a eu lieu au Ministère des affaires étrangères au plateau.
Une anecdote ?
Un des acteurs principaux DMT ne voulait pas se faire gifler par son père car il avait peur de recevoir un coup. Un acteur Romeo, a pris un coup violent au visage et a eu l’œil enflé.
Les acteurs sont-ils des pratiquants d’arts martiaux ?
Oui, la majorité mais l’actrice principale Marie Jeanne Appiah qui n’est pas une pratiquante a été entrainée pour incarner le personnage.
Le cinéma à plein temps ?
Oui, le cinéma à plein temps, Parce que je ne fais rien d’autre que le cinéma.
Y a-t-il des professionnels dans la sélection ?
Je préfère travailler avec les acteurs inconnus, car, ils ne posent pas de questions et font ce qu’on leur demande.
A quel acteur africain voulez-vous ressembler ?
Je veux ressembler aux américains
Quels sont vos projets à court et long terme ?
Dans l’immédiat nous voulons finaliser les 26 autres épisodes. Et cela, très rapidement, car la saison 2 va se dérouler sur quatre jours. Les 26 premiers ont été résumés en un long métrage qui a été projeté et apprécié. Sans trop vouloir dévoiler nos cartes, on peut dire qu’on est dans le bois sacré pour que le film soit vu sur les antennes. Avec les 26 autres, il fera un long métrage.
Un appel à lancer ?
Jai été choqué de ne pas voir le ministre de la Culture au Gpact
Je demande à l’Etat de jeter un regard favorable sur le cinéma ivoirien. Qu’il nous aide, car un an de tournage, c’est trop. Mais c’est dû au manque de moyens. On investit des millions sur nos footballeurs qui ne rapportent rien et c’est le cinéma qui est abandonné. Que le ministère de la Culture puisse nous aider.
Il faut payer actuellement 100.000 FCFA pour avoir une autorisation de tournage. Ce qui n’est pas normal. Encore que nous avons des difficultés à produire un film. Il faut qu’on soit encouragé par des subventions qui nous permettrons d’aller représenter le pays aux grands festivals comme ceux de Cannes et de Césars.
Réalisée par Opportune Bath & Léon Armand
Ph : Lepointsur.com