Politique

Inculpations de chefs rebelles pro-Ouattara « Jusqu’au bout » #CIV


photo ex-rebelle2L’inculpation de chefs rebelles ayant soutenu le président Alassane Ouattara pour des crimes commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011 constitue une avancée majeure pour la justice ivoirienne, critiquée pour son côté partisan, à trois mois de la présidentielle. « Une vingtaine d’inculpations » ont été prononcées contre d’anciens rebelles partisans de M. Ouattara et d’ex-militaires fidèles à l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo, a déclaré à l’AFP Patrick Baudouin, le président de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). « Dès cette semaine, d’autres suivront« , a affirmé une source judiciaire, confirmant des informations révélées lundi par l’hebdomadaire Jeune Afrique.

Parmi les inculpés se trouvent Chérif Ousmane et Losseni Fofana, dit « Loss« , deux importants com’zones (commandants de zone) pendant la crise, qui occupent désormais des postes à responsabilité dans les forces de sécurité ivoiriennes, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier. Le général Georges Guiai Bi Poin, pilier du système sécuritaire de M. Gbagbo, en fait également partie, a-t-on appris de même source. « Tous sont inculpés dans le cadre d’une procédure dont les chefs d’accusation concernent les crimes les plus graves commis pendant la crise« , a poursuivi cette source. Cette avancée judiciaire majeure intervient à trois mois de la présidentielle d’octobre, dont le chef de l’Etat ivoirien, critiqué pour son bilan en termes de justice, est le grand favori. « Si les élections peuvent aider à faire avancer la justice, tant mieux. Mais personne ne comprendrait qu’un tel mouvement s’arrête après les élections », a commenté Florent Geel, responsable Afrique pour la FIDH. Les inculpations, qui marquent « un rééquilibrage » des poursuites, donnent « un nouvel élan aux enquêtes en cours », a observé Patrick Baudouin. L’opposition et la société civile dénonçaient jusqu’alors la « justice des vainqueurs » en vigueur en Côte d’Ivoire, où cinq mois de crise postélectorale – née du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara – ont fait plus de 3.000 morts en 2010-2011. Plus de quatre ans après les faits, les seules personnalités d’envergure poursuivies pour ces crimes étaient des partisans de l’ancien régime. L’ex-Première dame Simone Gbagbo, réclamée par la Cour pénale internationale, où les autorités ivoiriennes refusent de la transférer, a été condamnée en mars à 20 ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». La société civile a dénoncé les « insuffisances préoccupantes » de son procès.
‘Jusqu’au bout’ –
« C’est pour cela qu’il faut laisser à la justice le temps de travailler. Il faut éviter un nouveau procès sans preuves, comme celui de Mme Gbagbo« , a rappelé un cadre d’ONG, sous couvert d’anonymat. Le 25 juin, 19 organisations nationales et internationales, s’inquiétant d’« informations concordantes » relatives à la « clôture » des enquêtes sur la crise postélectorale, avaient écrit une lettre ouverte à M. Ouattara pour l’enjoindre de les maintenir « ouvertes ». « Il n’est pas question d’arrêter quoi que ce soit. Les choses iront jusqu’au bout, et cela prendra le temps qu’il faudra », avait répondu le soir-même le chef de l’Etat. Reste à voir si ces inculpations aboutiront à des procès, ce qui ne semble pas garanti au vu des positions occupées par les personnes mises en examen, selon la source judiciaire. « Si les gens sont dans les bonnes grâces du pouvoir, ils ne seront jamais interpellés. Aucun magistrat n’aura le courage de voir le ciel lui tomber sur la tête », a-t-elle estimé. Chérif Ousmane est actuellement commandant en second du Groupe de sécurité du président de la République (GSPR), une unité d’élite. Losseni Fofana, quant à lui, occupe le poste de chef de la Brigade de sécurisation de l’Ouest (BSO) de la Côte d’Ivoire. Il y a une « crainte » de « manipulations » autour de ces inculpations, a remarqué un militant important des droits de l’Homme, sous couvert d’anonymat. « Il ne faudrait pas que certains ex-combattants croient qu’ils se sont battus pour un pouvoir qui est en train de les lâcher, a-t-il ajouté. Parce qu’ils ont encore des hommes en armes qui pourraient créer des troubles. » Les violences postélectorales de 2010-2011 ont constitué l’épilogue d’une décennie de crise politico-militaire (2002-2011), qui avait notamment provoqué la partition en deux de la Côte d’Ivoire.

Pierangelo Ranieri.

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