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Gouvernement Valls/ seize ministres à la loupe


Deux nouveaux, Royal et Rebsamen, un maintien surprise, celui de Christiane Taubira. «Libération» présente les 16 membres du «gouvernement de combat» mené par Valls.

C’est le «gouvernement de combat» voulu lundi par François Hollande et conduit par le Premier ministre Manuel Valls : une équipe resserrée et paritaire de 16 membres, dont deux entrants (Ségolène Royal et François Rebsamen). Ces ministres auront rendez-vous pour un premier conseil vendredi et devraient être dotés de secrétaires d’Etat, dont l’affiche sera révélée la semaine prochaine. Manuel Valls doit s’exprimer ce soir au 20 heures de TF1.

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Gouvernement Valls : seize ministres à la loupe

Par Laure Equy et Dominique Albertini

  • Focus

Fabius et Montebourg se disputent le Commerce extérieur

Par Dominique Albertini

Laurent Fabius, 67 ans

Affaires internationales et développement international

Ukraine, Centrafrique, Syrie, Mali… Les crises internationales se multipliant, François Hollande et Manuel Valls ont privilégié la continuité pour le Quai d’Orsay. Laurent Fabius conserve donc son portefeuille, et le titre de numéro deux du gouvernement. Et, selon son agenda, sera dès aujourd’hui à Bruxelles au côté de François Hollande pour le sommet Union européenne-Afrique.

Ségolène Royal, 60 ans

Ecologie, développement durable et énergie

C’est son grand retour. Ségolène Royal prend la tête d’un grand portefeuille de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie. Un pôle qui aurait été proposé à EELV – et refusé par les écologistes – lors de la journée d’intenses tractations à Matignon, mardi. La présidente de la région Poitou-Charentes a déjà été ministre de l’Environnement d’avril 1992 à mars 1993 dans le gouvernement Pierre Bérégovoy. La candidate à la présidentielle de 2007, qui avait aussi été ministre déléguée à l’Enseignement scolaire et ministre de la Famille, sous Lionel Jospin, a d’abord été pressentie pour diriger un pôle réunissant l’Education, la Culture, la Jeunesse, les Sports. Son entrée au gouvernement était en tout cas attendue, son statut d’«ex» – Royal est la mère des quatre enfants de François Hollande–, ne constituant plus un obstacle pour le Président.

Benoît Hamon, 46 ans

Education, enseignement supérieur et recherche

Belle promotion pour l’ancien ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire et à la consommation. Jusqu’alors subordonné à Pierre Moscovi, à Bercy, il accède à l’un des principaux postes du gouvernement. Ce représentant de l’aile gauche du PS était réputé avoir conclu un pacte avec Manuel Valls – ancien rocardien comme lui, et membre de la même génération. Son nouveau rôle est une manière pour le Premier ministre, représentant la droite du parti, d’équilibrer les tendances au sein du gouvernement. A la tête de ce ministère difficile, Benoît Hamon aura pour principaux dossiers la réforme des rythmes scolaires, censée être généralisée à la rentrée mais dont la droite réclame toujours le retrait, le suivi de la réforme de l’éducation prioritaire, et celui de la formation des enseignants. Gros programme pour celui dont, jusqu’à présent, le parcours n’avait guère approché les questions d’éducation.

Christiane Taubira, 62 ans

Garde des Sceaux

Grosse surprise, Christiane Taubira conserve son poste Place Vendôme. La Garde des Sceaux était donnée partante après sa bourde sur sa connaissance des écoutes visant Nicolas Sarkozy. Une rumeur persistante la donnait aussi à la Culture. Energique, autoritaire, lyrique, la coqueluche d’une partie des parlementaires de gauche pour la passion avec laquelle elle a fait adopter l’ouverture du mariage aux couples homosexuels est harcelée depuis des mois par les plus ultras de la Manif pour tous et autres opposants à ce texte. Son maintien devrait aussi faire enrager la droite qui comptait sur un nouvel arrivant à la Jutice pour enterrer la prochaine réforme pénale sur laquelle Manuel Valls s’était montré très réservé. La députée de Guyane fut candidate du PRG à la présidentielle de 2002.

Michel Sapin, 61 ans

Finances et comptes publics

Depuis deux ans, c’est à lui que revenait la pénible mission de commenter, presque chaque mois, la hausse du chômage. L’ancien ministre du Travail et de l’Emploi sera désormais, avec Arnaud Montebourg, l’une des deux têtes de la forteresse Bercy. Pas sûr cependant que la mission soit beaucoup plus facile : en charge des comptes de l’Etat, Michel Sapin devra bientôt s’atteler à la préparation du budget 2015. Et rendre compatibles la baisse des déficits publics avec les baisses d’impôts promises par François Hollande, le tout sous l’œil sévère de Bruxelles. Une mission dont ce social-démocrate revendiqué, proche de François Hollande, devrait s’acquitter sans trop d’états d’âme. Il lui faudra également trouver un modus vivendi avec l’autre tête de Bercy, Arnaud Montebourg. Et ainsi apaiser la «forteresse Bercy», marquée depuis deux ans par la mésentente entre certains de ses anciens occupants.

Arnaud Montebourg, 51 ans

Economie, redressement productif et numérique

Au jeu de la redistribution des portefeuilles, voilà peut-être le grand gagnant- avec Benoît Hamon. Fin 2012, dans la foulée du flop de Florange, Arnaud Montebourg menaçait de quitter le gouvernement. Le voici désormais à la tête d’un grand ministère taillé sur mesure, et débarrassé des tutelles de Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici, avec lesquels il s’entendait fort mal. Depuis plusieurs semaines, le flamboyant ministre s’était rapproché de Manuel Valls; un rapprochement entre «quinquas» qui semble avoir payé. Comme Hamon, Montebourg permet au Premier ministre de nuancer son image de libéral. Reste à connaître la marge de manœuvre exacte du ministre du «made in France», désormais en première ligne. Souvent présenté comme le «pompier» d’une industrie en flammes, saura-t-il apparaître comme un architecte ?

Marisol Touraine, 55 ans

Affaires sociales

Si la Santé a disparu de l’intitulé du portefeuille, elle reste bien à la charge de Marisol Touraine, qui est donc conservée au même poste. La santé qui est l’un des piliers du «pacte de solidarité» annoncé lundi soir par François Hollande. Désertification médicale, dépassements d’honoraires, généralisation du tiers payant… Les dossiers sont nombreux sur la table de la ministre. Quant aux affaires sociales, le plus gros du travail a sans doute été accompli l’an dernier avec la réforme des retraites – assez modérée pour ne pas avoir provoqué de large mobilisation contre elle; trop pour ne pas laisser de doutes sur sa durabilité. Parmi les principaux chantiers à venir, la mise en place du «compte pénibilité», qui permettra aux salariés exposés à certaines conditions de travail de partir jusqu’à deux ans plus tôt à la retraite.

François Rebsamen, 62 ans

Travail, emploi et dialogue social

Pour son premier ministère, ce proche de François Hollande n’hérite pas d’une sinécure. Alors qu’on l’imaginait plutôt à l’Intérieur, il lui reviendra la tâche d’interrompre la montée du chômage. Sans promesses inconsidérées, après le douloureux abandon de l’objectif d’inversion de la courbe fin 2012. Pour cela, il aura notamment à mettre en musique le «pacte de responsabilité», cher à François Hollande mais contesté par une partie de la gauche et des syndicats. Ainsi qu’une partie du «pacte de solidarité» lui répondant, qui comprend notamment des baisses de cotisations pour les salariés. Avant de s’installer rue de Grenelle, François Rebsamen devra néanmoins abandonner la mairie de Dijon, où il vient d’être élu pour un troisième mandat.

Jean-Yves Le Drian, 66 ans

Défense

Sans surprise, le Breton Jean-Yves Le Drian reste à la Défense, un dossier dont il a fait depuis longtemps une spécialité. En effet, ce fidèle du chef de l’Etat a été, de 1981 à 1998, maire de Lorient, arsenal maritime, et secrétaire d’Etat à la Mer du gouvernement d’Edith Cresson. Depuis le début du quinquennat, il a géré le retrait des troupes françaises d’Afghanistan, promesse du candidat Hollande, l’intervention au Mali et l’opération «Sangaris» en Centrafrique. Parmi ses chantiers prioritaires, Le Drian se fixe la relance de «l’Europe de la défense». Cet agrégé d’histoire, militant socialiste de la première heure, est un ami de 30 ans de François Hollande, rencontré au début du premier mandat de François Mitterrand. Ensemble ils ont mené au sein du PS, l’aventure des «transcourants», lancée à Lorient en 1985.

Bernard Cazeneuve, 50 ans

Intérieur

La bataille a été rude entre les deux favoris, le sénateur François Rebsamen, un hollandais, et le député Jean-Jacques Urvoas, le choix du Premier ministre. Du coup, c’est un troisième homme qui remplacera Manuel Valls, place Beauvau: Bernard Cazeneuve. Le député de la Manche, qui fut maire de Cherbourg, était chargé du Budget sous le précédent gouvernement, en remplacement de Jérôme Cahuzac après le scandale de son compte à l’étranger. Il était auparavant ministre délégué aux Affaires européennes. Ce fabiusien, avocat de formation, s’est fait connaître pendant la campagne présidentielle, comme porte-parole du candidat Hollande qu’il a soutenu à la primaire PS. Cazeneuve, 50 ans, était pressenti pour le poste de secrétaire général de l’Elysée mais sa nomination l’aurait obligé à quitter pour de bon son siège de député. Ce qui aurait déclenché une législative partielle, trop risquée pour la majorité.

Najat Vallaud-Belkacem, 36 ans

Droit des femmes, ville, jeunesse et sports

Elle cède son poste de porte-parole du gouvernement mais, auparavant chargée des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem prend, à 36 ans, la direction d’un ministère élargi. La benjamine des ministres a notamment piloté en janvier la loi égalité hommes-femmes (violences conjugales, parité, concours de mini-miss, etc). Née au Maroc, arrivée en France à 4 ans à Amiens, elle a débuté sa carrière politique à Lyon, sous l’aile de Gérard Collomb, où elle est élue pour la première fois en 2004. La diplômée de droit et de Sciences-Po se découvre alors un «complexe d’imposture», raconte-t-elle dans son portrait dans Libé, qui se réveille à chaque nouvelle promotion. Elle fut la porte-parole de Ségolène Royal puis de François Hollande lors des présidentielles de 2007 et 2012. Elle reste par ailleurs la benjamine du gouvernement.

Marylise Lebranchu, 66 ans

Décentralisation, réforme et fonction publique

Portefeuille inchangé pour celle qui devra gérer deux dossiers importants : la poursuite de la réforme de la décentralisation, et le mécontentement des fonctionnaires confrontés au gel de leur point d’indice et à la suppression de postes dans certains ministères.

Aurélie Filippetti, 40 ans

Culture

Elle reste en poste rue de Valois. La normalienne et agrégée de lettres classiques, ancienne professeur de lettres, traitait déjà de ces questions dans l’équipe de campagne du candidat Hollande à la présidentielle. Filippetti, 40 ans, retrouve donc sur son bureau quelques dossiers chauds: celui des intermittents bien sûr, la future absorption de l’Hadopi par le CSA, la question du droit d’auteur à l’échelon européen, le partage de la «valeur» dans la musique en ligne, etc. La ministre a déjà contribué à changer le regard sur l’échange d’œuvres en ligne. Certains reprochent à cette bûcheuse de ne pas avoir suffisamment «incarné» le poste. Filippetti, une ancienne des Verts qui a rejoint le PS en 2006, vient d’être réélue à Metz où elle figurait comme numéro deux sur la liste du maire (PS) sortant.

Stéphane Le Foll, 54 ans

Agriculture, agroalimentaire et porte-parole

C’est un fidèle de François Hollande qui portera la voix du gouvernement. Stéphane Le Foll, 54 ans, fut le dir-cab de François Hollande à Solférino de 1997 à 2006, et l’un des premiers à croire en ses chances pour l’Elysée. Le candidat socialiste lui avait ensuite confié l’organisation de son équipe de campagne. Ce loyal tente de recoller les morceaux de la majorité et notamment de garder le lien avec EELV. Ex-député européen né au Mans, l’ancien prof d’économie en lycée agricole a enfin réussi, en juin 2012, à conquérir sa circonscription sarthoise, au prix d’un long labour de cette terre anciennement acquise à… François Fillon.

Sylvia Pinel, 36 ans

Logement et égalité des territoires

Après un passage plutôt discret au ministère de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme, la représentante du PRG au gouvernement reprend l’ancien poste de Cécile Duflot, bien plus exposé.

George Pau-Langevin, 65 ans

Outre-mer

C’est a priori une surprise de ne pas voir reconduit Victorin Lurel. L’ex-ministre de l’Outre-Mer a, il est vrai, essuyé une défaite personnelle aux municipales à Vieux-Habitants, avec l’élimination, dès le premier tour, de la liste sur laquelle l’homme fort de la Guadeloupe figurait en dernière position. Le PS s’en est toutefois bien sorti sur l’île avec la conquête de quatre mairies. Le portefeuille est repris par une autre ministre originaire de Guadeloupe, George Pau-Langevin, 65 ans, avocate de formation et née à Pointe-à-Pitre. La députée de Paris élue en 2007 a travaillé à l’Assemblée sur l’immigration, les discriminations et l’accès à la justice. Dans le précédent gouvernement, elle était en charge de la réussite éducative.

Laure EQUY et Dominique ALBERTINI

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