Gambie/ Après la proclamation de « l’Etat islamique », le port du voile désormais obligatoire…
Après avoir proclamé que la Gambie est un « État islamique » en décembre 2015, son président a décidé de rendre obligatoire le voile dans les administrations publiques. Depuis ce début d’année, « tout le personnel féminin des ministères, départements et agences gouvernementaux n’est plus autorisé à montrer ses cheveux pendant les heures de travail officielles », indique un document daté du 4 janvier, cité par l’AFP.
Le président Yahya Jammeh, qui dirige d’une main de fer le petit État enclavé dans le Sénégal, depuis son coup d’État en 1994 avait fait sensation le 10 décembre lors d’une réunion publique, en proclamant la Gambie « État islamique ». Une décision jugée « inconstitutionnelle » et « illégale » par Ousainou Darboe, secrétaire général du Parti démocrate uni, principale force d’opposition dans ce pays de 2 millions d’habitants, composé à 90 % de musulmans. Élu en 1996, puis réélu trois fois depuis, Yahya Jammeh est très critiqué par des ONG qui l’accusent de disparitions forcées, assassinats et harcèlement de la presse et des défenseurs des droits de l’Homme.
Tout le monde est concerné
« Cette décision est très préoccupante, alerte Felicity Thompson, chercheuse sur l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch (HRW). Imposer le voile à toutes les fonctionnaires ne tient pas compte de leur religion, puisque même les non-musulmanes seraient obligées de le porter. » Yahya Jammeh avait pourtant immédiatement assuré que les droits de la minorité chrétienne, 8 % des habitants, seraient respectés et qu’aucune contrainte vestimentaire ne serait imposée aux femmes.
Marta Colomer Aguilera, chargé de campagne pour l’Afrique anglophone à Amnesty International, ne s’étonne pas de ce changement de pied : « Les décisions de Yahya Jammeh sont totalement imprévisibles, on ne sait jamais ce qu’il va dire », souligne-t-elle.
Pour Felicity Thompson, d’Human Rights Watch, « cette décision peut en partie s’expliquer par la volonté du gouvernement de Gambie de se rapprocher des pays arabes ». « L’Union européenne, qui apportait un financement important à la Gambie a arrêté son aide à cause des nombreuses violations des droits de l’Homme, le gouvernement cherche donc à les remplacer », souligne-t-elle.
Mouvement régional d’interdiction du voile intégral
La décision d’obliger le port du voile pour les agents publics va à contre-courant de l’évolution actuel dans la région. Depuis plusieurs mois, différents pays d’Afrique de l’Ouest ont interdit le voile intégral. Le Congo-Brazzaville a été le premier à prendre cette décision en mai 2015, mais le Tchad lui a emboîté le pas, puis le Cameroun et le Niger.
Et les chefs d’États de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) réunis en sommet à Abuja en décembre dernier, se sont entendus pour prendre « des mesures appropriées visant à l’interdiction de tout port vestimentaire rendant difficile l’identification des personnes ».
Les raisons avancées pour cette interdiction sont uniquement d’ordre sécuritaire. La région a connu plusieurs attentats-suicides de Boko Haram perpétués par des femmes ou jeunes filles ayant caché des explosifs sous ce long vêtement.
Le Sénégal dont le territoire entoure la Gambie, n’a pour sa part pas interdit le voile intégral, mais son président Macky Sall a déclaré que si son port « ne permet pas l’identification de la personne, (…) il y a un problème de sécurité publique ».
(La rédaction avec AFP)
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