Economie

Fin du forfait fiscal en Suisse? Où pourraient aller les riches étrangers


SUISSE – Le canton de Genève, où vivent de nombreux millionnaires étrangers bénéficiant d’un système fiscal avantageux, le forfait fiscal, a voté « non » à la suppression de ce système, selon les premiers résultats des votations suisses de ce dimanche 30 novembre.

Créés à la fin du XIXe siècle dans le canton de Vaud, puis étendus au niveau national en 1934, développés dans les années 90, les forfaits sont un instrument destiné à attirer de nouveaux contribuables étrangers fortunés n’exerçant pas d’activité professionnelle en Suisse. Ils sont imposés à partir de leur train de vie et de leurs dépenses locales. Du coup, cela réduit considérablement l’imposition, calculée en France sur le total des revenus. Johnny Hallyday, résidant à Gstaad (canton de Berne), aurait par exemple payé 583.000 euros d’impôts en 2011. Soit seulement 10% de ses revenus gagnés la même année.

Mais ce système est contesté. Certains cantons, dont les habitants estiment qu’il est injuste et discriminatoire, ont déjà décidé de le supprimer. Il s’agit des cantons de Zurich, Schaffhouse, Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle-Ville et Bâle-Campagne. Cinq autres ont durci les conditions d’octroi. En 2014, la Suisse comptait encore 5634 cas d’imposition à la dépense, dont 710 à Genève. De plus en plus d’habitants ne voient pas d’un très bon oeil que des étrangers fortunés puissent s’établir dans la Confédération pratiquement sans bourse délier.

« Cette exception a depuis longtemps été tolérée », explique Frédéric Charpié, à l’initiative du référendum. « Mais l’évolution du nombre de bénéficiaires, et surtout la nouvelle typologie de ces derniers, au fil des ans, qui conduisent à des dérives très largement plus choquantes que votre propre situation, n’est plus tenable ». En cas de victoire du « oui », les riches étrangers pourraient donc être séduits par l’idée de trouver un pays européen plus « accueillant ».

Regardez où pourraient aller quelques riches étrangers :

La Belgique

Le plat pays reste une valeur sûre pour les expatriés français. « Les rentiers, par exemple, qui grâce à l’absence d’impôt sur la fortune (ISF) se prêtent à une expatriation en Belgique », signale au HuffPost Pascal Julien Saint-Amand, président du réseau notarial Althémis, en rajoutant que « les impôts sur le capital sont également raisonnables. » Attention toutefois, l’impôt sur le revenu y est plus élevé qu’en France, comme les charges sociales. Un entrepreneur n’y trouvera pas son compte.

La législation locale permet au contribuable d’être exonéré de plus-values mobilières liées à la cession de titres d’une société. Un sacré avantage pour un patron qui souhaite faire une belle opération, donc. Les retraités bénéficient par ailleurs d’une fiscalité allégée sur les successions.

La proximité avec Paris, le côté cosmopolite de Bruxelles et le niveau abordable de son marché immobilier peuvent séduire de nombreux Français. C’est le cas de Bernard Darty, le fondateur du distributeur éponyme, ou de la famille Meunier, propriétaire de Carrefour…

Royaume-Uni

Ce pays se destine plutôt à des personnes dynamiques, « comme des chefs d’entreprise », note Pascal Julien Saint-Amand. « Il y a moins de charges sociales et pas de taxation sur le capital, rendant la création d’entreprises très favorable ». Les échanges avec les Etats-Unis peuvent également être facilités depuis Londres.

Monaco

La principauté n’est pas l’eldorado pour les Français. Si les citoyens monégasques ne payent pas d’impôts, ce n’est pas le cas des titulaires d’un passeport français. Une convention signée en 1963 impose la soumission des Français à l’impôt…

Une seule solution permet d’y échapper: en s’ajoutant une autre nationalité. Johnny Hallyday avait songé à cette option, avant de choisir la Suisse.

Portugal

Le Portugal est devenu un paradis fiscal pour les retraités. Mais à condition de n’y avoir jamais résidé au cours des cinq dernières années et d’y demeurer au moins six mois dans l’année, vous bénéficierez du régime des résidents non habituels. Vos pensions de retraite seront totalement exonérées au Portugal et non imposables en France, en vertu de la convention fiscale franco-portugaise.

L’équité fiscale, un bon coup pour les finances ?

Pas nécessairement, car le dispositif attire des gens qui ne seraient pas venus sans cela. Ce n’est donc pas évident que ces fortunes décident de rester en cas d’abolition. Sur les 201 riches étrangers qui bénéficiaient d’un forfait fiscal à Zurich en 2009, 97 ont quitté le canton après l’abolition de ce privilège par les citoyens zurichois. Ces départs ont provoqué une baisse des recettes fiscales de 10 millions d’euros d’une année à l’autre. Mais il y aurait encore plus à perdre, selon les opposants au projet.

En effet, les contributions des riches étrangers ne se limitent pas seulement aux recettes fiscales. Ils injectent d’importantes sommes d’argent dans l’économie locale. En achetant des maisons, puis en dépensant de l’argent pour les entretenir, ils participent à la croissance locale. Ils louent également les services de nombreuses PME de la région, notamment en achetant des yachts et des voitures à des concessionnaires spécialisés. Le tout, en incitant leurs amis à venir passer leurs vacances en Suisse et à y dépenser leur argent.

Selon les opposants à l’initiative, la perte de ces individus coûterait bien plus cher à certains cantons, qui n’arriveraient pas à équilibrer leur budget aussi facilement que Zurich, qui est l’un des poumons économiques de la Suisse et son centre financier. Vu son statut, Genève ne devrait pas trop en souffrir non plus. Au niveau national, les forfaits fiscaux ont rapporté près de 580 millions d’euros en 2010. Si l’on ajoute la TVA et tout le mécénat assuré par ces grandes fortunes, les recettes ont dépassé le milliard d’euros.

HuffingtonPost

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