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Exécutions extrajudiciaires : la Côte d’Ivoire durablement installée dans l’impunité #Droitsdel’Homme


CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 16-12-2017) Dans une communication estampillée Fondio Vazoumana, président du conseil d’administration, le CIDH se dresse contre les exécutions extrajudiciaires qui gagnent davantage de terrain en Côte d’Ivoire. Ci-dessous, l’intégralité du cri de cœur de l’organisation.

I-LA SITUATION  

Des faits collectés et documentés par notre organisation, nous notons que plusieurs cas d’exécutions extrajudiciaires n’ont jamais connus de suites judiciaires. En effet, aucune poursuite n’a  été lancée par les différents procureurs de la république à l’endroit des présumés coupables de justice privée. Une telle situation d’impunité persiste et est consacrée de fait par les régimes qui se succèdent à la tête de la Côte d’Ivoire.

Depuis le début de la jeune histoire de notre pays à ce jour, les exécutions extrajudiciaires sont une réalité. Depuis 2000 cette situation d’impunité s’est accentuée par le facteur crise militaro-politique. Là où des crimes politiques et économiques sont commis, oubliés à l’hôtel des processus de réconciliation pipés, les exécutions extrajudiciaires ne connaissent meilleurs sort.

D’ailleurs, c’est une lapalissade que de dire que notre pays s’est installé dans la loi du talion. Dans les quartiers et villages, des citoyens sont exécutés par d’autres et ces cas restent généralement sans suite judiciaire même quand la Police où la Gendarmerie est saisie. Des groupes parallèles de sécurité dans les quartiers au nom de la police qu’ils mènent exécutent des présumés coupables d’infractions. En exemple, le CIDH a  relevé  plusieurs cas d’exécutions à la charge de groupes de sécurité civils dans la localité d’Anyama. Il en est aussi des villes ou villages  ou des présumés coupables sont exécutés et jetés en mer  ou dans la lagune. L’impuissance des services de sécurité à assurer convenablement la sécurité des populations et l’absence de poursuites judiciaires à l’encontre de ces justiciers laissent persister une telle situation. Et progressivement, les populations approuvent la justice privée. Dans les milieux politiques, syndicaux et lors des conflits fonciers et communautaires, l’exécution  de l’adversaire est devenue la règle. En illustration :

  • Les conflits communautaires de Bouna, de Guiglo etc ;
  • ABIB BORICE DODO exécuté dans le milieu étudiant le 23 Juin 2004 soit 13 ans sans que le procureur de la république ne lance de poursuite malgré que le cas à fait l’objet de documentation suffisante fournie par son Parti Politique. Le cas HABIB est le symbole manifeste de l’impunité en Côte d’Ivoire ;
  • KONE Jonas et TOURE Kignelmann exécutés lors de la crise interne de la FESCI ;
  • L’étudiant KONIN WILFRIED assassiné le 22 Novembre 2015 sur le campus de Cocody à la suite d’affrontements entre syndicats étudiants. Deux ans après, des présumés coupables sont détenus à la Maison d’arrêt et de correction (MADCA) sans jugement. L’affaire connaitra-t-elle un jugement ?
  • Où en sommes nous avec l’attaque du camp des réfugies de Nahibly perpétré le 20 Juillet 2013 ?
  • Le cas du policier exécuté par des présumés chauffeurs de mini cars  le 14 août 2016 à Adjamé en représailles à la mort de leur collègue  tué a bout portant par le dit policier.

La liste des crimes restés impunies est longue.

II-ANALYSE DE LA SITUATION

Il ressort des faits d’une part que les citoyens ivoiriens qu’ils soient civils ou  forces de l’ordre, se rendent de plus en plus eux mêmes justice au mépris des lois de la république. Une telle situation est contraire à  l’Etat de  Droit malgré l’existence du cadre légal interdisant de telles  pratiques.

En effet, notre pays depuis son indépendance a marqué son attachement à la construction d’un Etat de Droit dans lequel les droits de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine, la justice sont promus, protégés et garantis. Pour preuve, la constitution du 08 Novembre 2016 proclame :

  • En son article 3 que le droit à la vie est inviolable et que nul n’a le droit d’ôter la vie à autrui.
  • L’article 7 énonce que tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d’un procès équitable
  • L’article 143 reconnait que la  justice est rendue par les juridictions.
  • A travers l’article 1 de la même constitution, l’Etat s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’application effective de la constitution.

Le CIDH note que l’Etat de Droit est à renforcer  en Côte d’ivoire par le respect des lois de la République par tous, autant par les citoyens que par les pouvoirs publics. Car sans Etat de droit, aucun développement n’est possible.

C’est  pourquoi, le CIDH dénonce :

  • Toutes les mesures gouvernementales tendant à consacrer le climat d’impunité dans notre pays, notamment la grâce et l’amnistie ne tenant point compte de la nécessaire justice qui prévient de tel crime.
  • l’inertie de notre appareil sécuritaire et judiciaire, tributaire d’une politique de sécurité nationale manifestement défaillante.
  • Les faiblesses institutionnelles qui emmènent les citoyens à ne faire confiance qu’en leurs propres capacités à organiser leur propre sécurité.

Le CIDH appelle toutes les organisations à se mobiliser contre l’impunité des crimes et en particulier contre les exécutions extrajudiciaires. Cela par la lutte pour l’édification d’un Etat de droit où la sécurité est une réalité.

Le CIDH appelle à la justice pour toutes les victimes sans exception :

III-LES RECOMMANDATIONS

  • Au pouvoir actuel
  1. Prendre les mesures pour appliquer la constitution en tous ses articles pour un Etat de Droit véritable ;
  2. Œuvrer à donner à notre appareil judiciaire toutes les ressources pour son indépendance et sa performance ;
  3. Repenser la politique sécuritaire de proximité en redonnant confiance aux citoyens en leurs forces de sécurité ;
  4. Prendre davantage des mesures pour assurer la sécurité des populations conformément à ses engagements nationaux et internationaux ;
  5. Ouvrir un processus de justice transitionnelle pour éviter une loi d’amnistie ou une grâce qui pourrait être antinomique avec une volonté de mettre fin à l’impunité.
  • A l’endroit de la Justice
  1. Mettre fin à l’impunité en poursuivant sans exception devant ses juridictions les présumés auteurs d’exécutions extrajudiciaires pour ramener la confiance des populations en la justice ;
  2. Ouvrir les dossiers de nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires classés afin de montrer sa capacité à rendre justice ;
  3. Lutter pour affirmer son indépendance vis à vis du pouvoir exécutif
  4. Eviter la justice des vainqueurs en poursuivant sans exception les présumés auteurs de crimes.
  • A l’endroit de la population et de la société civile
  1. Se mobiliser pour dénoncer chaque nouveau cas d’exécutions extrajudiciaires sommaires et arbitraires ;
  2. Dénoncer auprès de la justice et/ou des organisations de protection et de défense des droits de l’homme tous les auteurs d’exécutions extrajudiciaires
  3. Saisir la justice ou encourager à porter plainte.

Fait à Abidjan, le 16 décembre 2017

Pour le CIDH

Le Président du Conseil d’administration

Fondio Vazoumana 

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