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Election à la FIFA/ Voici le milliardaire qui veut le fauteuil de Blatter


La conférence de presse était programmée lundi 17 août, à l’hôtel Shangri-La, luxueux établissement niché dans le 16e arrondissement de Paris. En milieu de matinée, le Sud-Coréen Chung Mong-joon, 63 ans, a annoncé officiellement sa candidature à la présidence de la Fédération internationale de football (FIFA), dans l’optique du congrès électif extraordinaire de l’organisation, prévu le 26 février 2016. Ancien vice-président de la FIFA (1994-2011), patron de la Fédération de son pays (KFA) de 1993 à 2009, et héritier de l’empire industriel Hyundai, l’homme d’affaires brigue ainsi la succession du Suisse Joseph Blatter, 79 ans, en poste depuis 1998, et emporté par la litanie d’affaires de corruption qui a ébranlé l’institution.

 Ce qu’il reproche à Platini

 « La FIFA est devenue une organisation corrompue parce que la même personne et ses acolytes l’ont gérée pendant quarante ans. Le pouvoir absolu corrompt absolument », a déclaré le milliardaire, ciblant « Sepp » Blatter et son prédécesseur brésilien, Joao Havelange (1974-1998). « Le sujet principal de cette élection est de savoir si l’ancien système de corruption de M. Blatter doit perdurer ou non », a insisté le « Docteur Chung », qui a fondé en 2008 l’institut asiatique d’études politiques, un think tank qui promeut la paix, et à terme la réunification entre les deux Corées. Le candidat à l’élection à la l’instance internationale du football a saisi l’occasion de la rencontre avec les hommes de média pour livrer un pan de son programme.

L’élégant sexagénaire aux cheveux grisonnants s’est engagé, s’il est élu, à ne faire qu’un seul mandat de quatre ans à la tête de la FIFA. Il a ensuite présenté sa plate-forme programmatique, proposant de renforcer « les contrôles et contrepoids entre la présidence, le comité exécutif et les organes judiciaires » de la Fédération internationale. S’il l’emporte dans les urnes, Chung Mong-joon entend « publier le salaire, les primes et les dépenses du président de la FIFA », « augmenter le programme d’assistance financière »« transformer le congrès en un forum ouvert » et « promouvoir une plus grande représentation des femmes aux différents niveaux de la FIFA ».

Le candidat s’est ensuite prêté au jeu des questions-réponses. « La FIFA a été fondée ici en 1904, et, dans son histoire, la FIFA a eu huit présidents. Pratiquement tous étaient européens », a souligné l’homme fort du football sud-coréen, expliquant ainsi pourquoi il avait choisi d’annoncer sa candidature à Paris. Ce déplacement symbolique sur les terres de son rival Michel Platini, patron de l’Union des associations européennes de football (UEFA) et favori dans la course à la succession de Blatter, résulte évidemment d’un choix purement stratégique. D’autant que l’ex-meneur de jeu de l’équipe de France est officiellement soutenu par le cheikh bahreïnien Salman ben Ebrahim Al-Khalifa, président de la Confédération asiatique de football (AFC).

 «  Michel Platini ne devrait pas être candidat »

« Des médias européens ont fait de Michel [Platini] des portraits selon lesquels il était le protégé de Sepp Blatter, a expliqué l’actionnaire principal de Hyundai Sidérurgie, qui a jadis voulu devenir président de la République de Corée. Vous connaissez les relations entre Platini et Blatter ? Ce n’est pas une situation saine pour Michel. Je pense qu’il serait bon pour lui de ne pas être candidat cette fois. » Chung Mong-joon est notamment revenu sur les liens contrastés entre le patron de l’UEFA et le président de la FIFA, évoquant leur alliance en 1998 lors de l’intronisation de l’Helvète à la tête de la Fédération internationale. « Ce fut alors une mauvaise nouvelle pour le football », a observé le sexagénaire, qui à l’époque avait soutenu le dirigeant suédois de l’UEFA Lennart Johansson. En 2002, il avait vainement appuyé le Camerounais Issa Hayatou, défait dans les urnes par Blatter.

Cette année-là, Chung Mong-joon avait poli son image d’opposant numéro un au patron du football mondial. A la veille du Mondial coorganisé par le Japon et par son pays, il avait porté plainte au pénal contre Blatter, à l’instar de douze autres membres du comité exécutif. Le Suisse Michel Zen Ruffinen, alors secrétaire général de la FIFA, venait de rédiger un rapport afin de pointer « la mauvaise gestion financière au sein de l’organisation », « des faits de corruption » ainsi que la gouvernance « dictatoriale » de Blatter.

« Chung s’est toujours allié à l’UEFA contre Blatter, explique un fin connaisseur de la Fédération internationale. Il a notamment joué un rôle, dépensant au moins 80 millions de dollars sur sa fortune personnelle, pour que la Corée du Sud puisse organiser la Coupe du monde 2002. » En mai 1996, soucieux d’éviter une crise en interne, Joao Havelange avait finalement choisi de confier l’organisation conjointe du tournoi planétaire à la Corée du Sud et au Japon.

Lors de ce premier Mondial organisé sur le sol asiatique, Chung Mong-joon avait notamment été considéré par les supporteurs locaux comme le principal artisan du beau parcours de la sélection sud-coréenne, qui avait alors atteint les demi-finales, en éliminant notamment l’Italie et l’Espagne aux tours précédents. « C’est la première fois que je voyais le patron d’une Fédération descendre sur la pelouse avec son équipe nationale pour saluer la foule après une victoire », se souvient un ancien taulier de la FIFA.

Pour certains observateurs, le sixième fils de Chung Ju-yung — le fondateur du conglomérat Hyundai, mort en mars 2001 — rêve de « diriger une grande organisation sportive ». « C’est quelqu’un de solitaire, d’ambitieux, qui a systématiquement été dans le camp des opposants à Blatter, sans forcément être l’un des plus éloquents, développe un ancien compagnon de route du patron de la FIFA. Il a les moyens d’être ambitieux, grâce à sa fortune colossale. Aujourd’hui, il sait que Platini est le grand favori pour l’élection et qu’il a plusieurs longueurs d’avance. Il lui lance donc quelques peaux de banane en le mettant dans le même sac que Blatter. »

Celui qui a perdu en 2011 son poste au sein du comité exécutif de la FIFA, au profit du prince jordanien Ali ben Al-Hussein, a au moins un point commun avec Michel Platini. A l’instar de l’ex-numéro 10 des Bleus, Chung Mong-joon a participé, le 2 décembre 2010, au scrutin d’attribution des Mondiaux 2018 et 2022, respectivement à la Russie et au Qatar. A l’inverse du patron de l’UEFA, qui a publiquement reconnu avoir donné son suffrage au richissime émirat, le Sud-Coréen n’a, lui, jamais révélé pour qui il avait voté.

Le pointsur.com avec le Monde.fr

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