Décédé il y a 3 jours, Laurent Dona-Fologo à jamais dans le cœur des Ivoiriens (le témoignage émouvant du journaliste Fernand Dédeh)
Abidjan, 08-02-2021 (lepointsur.com) À Barthelemy Zouzoua Inabo : C’était le 18 juin 2019… En le quittant ce jour-là, je lui avais dit « Monsieur le Président, on va monter un blog pour vous. Vous devez raconter la Côte d’Ivoire que vous avez connue, que vous avez construite à la jeune génération… ». Il m’avait répondu : « Votre affaire-là… Bon, comme tu le dis… ». Laurent Dona-Fologo… plus de 60 ans de vie politique. Il était passionnément Sport. S’il ratait un match à la télévision, il demandait une copie…
Laurent Dona-Fologo. Chef de délégation à Lomé en novembre 2002, lors des négociations Gouvernement-rebelles ivoiriens. Je couvrais les négociations. Nous étions partis pour trois jours. Nous sommes restés 54 jours… Je lui ai demandé un jour, « pourquoi vous êtes toujours impeccablement habillé » ? « Le président Felix Houphouët-Boigny l’exigeait… ». Laurent Dona Fologo m’appelait par mon prénom… Autant dire…
Toujours un plaisir renouvelé de rencontrer le père du sursaut national. Un homme passionnément « Côte d’Ivoire », une transition vivante entre les pères fondateurs et l’élite post-indépendance.
Notre jeune frère Israël Guebo (Yoroba), désigné au conseil d’administration de l’école supérieure de journalisme de Lille, en France, a demandé à saluer les premiers pensionnaires ivoiriens de l’ESJ. Un coup de fil à l’un des premiers de l’école, Laurent Dona-Fologo pour négocier une audience. L’enthousiasme au bout du téléphone rassure et est contagieux. Rendez-vous immédiat. « J’ai lu l’information dans le journal. J’ai été particulièrement heureux. Je ne connais pas le jeune homme. Viens avec lui ».
Laurent Dona Fologo a été et demeure journaliste. Un vrai témoin de l’actualité ivoirienne et des premiers pas de la presse ivoirienne.
“ Un homme passionnément « Côte d’Ivoire », une transition vivante entre les pères fondateurs et l’élite post-indépendance. ’’
Le décor de son bureau est un pan de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Bibliothèque garnie, portrait agrandi de son mentor, le père fondateur, images marquantes de sa vie politique, sociale et culturelle… Le dernier livre posé sur sa table marque son attachement à Houphouët –Boigny : « les années Houphouët ».
Laurent Dona Fologo raconte avec détail et un brin d’émotion, ses années collège à Bouaké, son inscription à l’université puis son départ en France. Son intégration à l’Ecole de journalisme de Lille en 1961-1962, son retour en Côte d’Ivoire pour aussitôt prendre la tête de ce qui va devenir « Fraternité-Matin ». « A la vérité, Fraternité-Matin appartient au PDCI-RDA. En 1964, le président Houphouët-Boigny souhaitait mettre en place un journal national. En remplacement de Abidjan-Matin qui appartenait à un Français. Nous avons alors proposé plusieurs titres. Il nous a demandé de faire ce que nous voulons mais le mot Fraternité doit figurer dans le nom du journal ».
La sortie du premier numéro de Fraternité-Matin coïncidait selon Laurent Dona Fologo avec le départ du président Houphouët à Ouagadougou. Par train. « Nous voulions tellement lui remettre le journal que nous avons fait retarder le train. À la sortie, nous constatons que le journal est truffé de fautes. Nous étions gênés. Mais Houphouët-Boigny, lui, au contraire, était heureux. Un journal de Côte d’Ivoire fait par les jeunes ivoiriens, c’était cela le plus important pour lui ».
Israël Yoroba Guebo, 37 ans, est lui de la promotion 2009-2011 de l’école. Il est considéré comme un pont entre les générations, un pont entre la France et l’Afrique, un pont entre le journalisme classique et les nouveaux médias, un pont entre les journalistes et les blogueurs. Son activité débordante en termes de formation, d’éducation aux médias n’a pas échappé à ses formateurs. Ils ont décidé de l’intégrer au conseil d’administration. Il devient ainsi le premier africain et le premier ivoirien à y entrer en 95 ans d’existence de l’école. Fierté personnelle, fière aussi pour la jeunesse ivoirienne et africaine. Exemple vivant de ce que « le travail paie ». Pourvu d’être bien formé. J’ajoute bien éduqué.