#Crises politico-militaires en Afrique/Les hommes religieux au ban des accusés
L’immixtion de la religion dans la politique est considérée comme une des causes des crises à répétition en Afrique. De la prise de position, au laxisme, en passant par les déviations de tous genres, les hommes religieux, censés guider les populations apparaissent aux yeux de nombre d’observateurs, comme ceux-là même, par qui surviennent les différentes crises.
#Crises politico-militaires en Afrique/Les hommes religieux au ban des accusés
Une attitude ravivée à la veille des élections
La voix des évêques du Burundi qui s’est levée jeudi 28 mai pour annoncer le retrait de l’Église du processus électoral en cours dans ce pays secoué par une très grave crise politique, est loin d’être isolée sur le continent. Ce pays d’Afrique n’est effectivement pas le seul où les échéances électorales (Burundi, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée…) donnent l’occasion à l’Église d’intervenir sur le terrain politique
« Les conférences épiscopales qui prennent la parole insistent beaucoup sur la responsabilisation des élites, le contrôle citoyen, la lutte contre la corruption et la naissance d’une réelle société civile », analyse Philippe Morié, responsable du département Afrique au Secours catholique. Depuis le début des aspirations démocratiques pressantes dans plusieurs pays africains dans les années 1990, les évêques ont investi le champ public, élevant régulièrement le ton sur les questions politiques et sociales.
C’est ainsi que le cardinal Laurent Monsengwo en République démocratique du Congo (RDC), Mgr Isidore de Souza au Bénin ou Mgr Ernest Kombo au Congo-Brazzaville ont été sollicités, dans le passé, pour rejoindre des conférences de transition. Des engagements encouragés par le premier Synode sur l’Afrique, à Rome en 1994, et demandant à ses participants d’accompagner la démocratisation du continent.
Tout dépend des relations entre les évêques et les milieux politiques
Mais les différences d’approche sont sensibles, en fonction des pays. « En pratique, tout dépend non seulement de l’histoire de chaque conférence épiscopale, mais aussi des relations entre les évêques et les milieux politiques », commente le P. Ludovic Lado, jésuite et chercheur au Centre de recherche et d’action pour la paix, à Abidjan.
En Côte d’Ivoire, la profonde division du pays et la crise postélectorale, de 2003 à 2011, ont considérablement divisé l’épiscopat, l’empêchant souvent de porter une parole forte sur des sujets politiques.
En revanche, en RDC, les évêques perpétuent une longue tradition de franchise avec les représentants de l’État. Aussi l’Église de ce pays n’hésite-t-elle pas à s’opposer explicitement, ces derniers mois, à toute réélection de Joseph Kabila, l’actuel président de RDC, en place depuis plus de quatorze ans. « L’Église de RDC est en première ligne pour demander que l’ordre constitutionnel soit respecté et les élections organisées l’an prochain, comme prévu, dans un contexte transparent », se félicite ainsi Christian Mounzéo, président de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme, un mouvement d’opposition. D’ailleurs, les hommes religieux sont le plus souvent indexés comme étant les premiers responsables des déchirements politico-sociaux que connaissent nombre de pays africains. En outre, il leur est reproché de détourner le regard des populations. Vrai ou faux ? Toujours, est-il que plusieurs analystes soutiennent mordicus que la responsabilité des hommes religieux est on ne peut plus avérée.
L’église parfois suspectée de détourner le regard des agissements coupables du pouvoir.
Mais l’Église est parfois suspectée de détourner le regard des agissements coupables du pouvoir. Au Gabon, en particulier, les opposants déploraient la proximité entre les évêques et le Président, d’alors Omar Bongo. Marc Ona Essangui, l’un des principaux leaders de la société civile et opposant au régime, souligne l’existence de liens entre la famille Bongo et celle du président de l’épiscopat gabonais et archevêque de Libreville, Mgr Basile Mvé Engone. « L’Église catholique est totalement silencieuse, que ce soit sur les détournements de fonds dont le Président de la République est accusé, ou sur le mouvement populaire contre Omar Bongo », regrette cet opposant.
Une question revient souvent sur les lèvres des évêques de plusieurs pays : jusqu’où faut-il s’engager ? Un évêque d’un pays d’Afrique centrale l’admet de manière à peine voilée : « Rome nous demande de ne pas oublier que nous sommes des pasteurs. » Autrement dit de ne pas s’impliquer dans la politique au jour le jour.
Lors des visites ad limina des évêques africains au Vatican, ces derniers mois, le pape François a d’ailleurs insisté sur ce point à plusieurs reprises.« Je ne peux donc que vous inviter à prendre toute la part qui est la vôtre dans l’œuvre de réconciliation nationale, en refusant toute implication personnelle dans les querelles politiques au détriment du bien commun », a-t-il par exemple dit aux évêques de Côte d’Ivoire, en septembre 2014.
Les évêques ivoiriens invités par le Pape à s’engager dans l’œuvre de la réconciliation nationale
« Dans les capitales, les nonces freinent, de peur que les évêques ne cèdent à la tentation du pouvoir », témoigne un bon connaisseur de l’épiscopat africain. Visiteur régulier de François, l’archevêque de Bangui (République centrafricaine), Mgr Dieudonné Nzapalainga, s’est ainsi vu reprocher par la nonciature, il y a quelques mois, une lettre pastorale au contenu jugé trop politique.
Toutefois, pour Jean-Pierre Dozon, spécialiste de l’Afrique à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), « cette influence risque de se réduire dans les années à venir ». Le chercheur évoque notamment la montée en puissance des Églises évangéliques, et leur volonté de jouer un rôle sur le terrain politique. « Mais aujourd’hui encore, poursuit-il, la puissance politique de l’Église en Afrique tient au fait que cette dernière est appuyée sur un État, et une diplomatie i
EKB avec la Croix
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