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[Côte d’Ivoire/Radiation de Tidjane Thiam de la liste électorale] La LND tacle sévèrement la justice ivoirienne


Abidjan, 30-04-2025 (lepointsur.com) Depuis le 22 avril 2025, le président du PDCI RDA, Monsieur Tidjane Thiam, dont le parti politique compte sur l’échiquier politique ivoirien, a été retiré de la liste électorale par la justice. Cette situation soulève une polémique qui met au cœur du débat, l’objectivité de la justice ivoirienne. La Ligue Nationale pour la Démocratie, groupement politique se réclamant de l’héritage politique du défunt chef d’Etat ivoirien, le Général de brigade Robert Guei, apporte ici sa contribution à se débat national.

“ On a le sentiment que la justice ivoirienne, en matière politique, ne « s’acharne » que sur les opposants du régime au pouvoir. Une petite généalogie de quelques actions judiciaires qui ont marqués ces 30 dernières années (1995 à 2025), sous 4 régimes politiques différents pour illustrer nos propos. ”

Les faits

Les faits sont connus de tous. En effet, la mardi 22 avril 2025, lors du contentieux sur la liste électorale provisoire, des citoyens ivoiriens, conformément à la loi, ont contesté devant la justice, l’inscription sur cette liste électorale provisoire, de Monsieur Tidjane Thiam, président du PDCI RDRA, au motif qu’il avait perdu la nationalité ivoirienne au moment où il s’inscrivait sur cette liste en 2022. A la lecture des dossiers de l’accusation, le tribunal de première instance d’Abidjan, qui traitait ce contentieux juridique, à donner raison aux plaignants et a ordonné à la CEI, la radiation de Monsieur Tidjane Thiam de la liste électorale. Le juge a estimé, qu’au regard de l’article 48 du code de la nationalité, Monsieur Tidjane s’étant naturalisé français en 1987, il était donc français au moment de son inscription sur la liste électorale en 2022, puisque à cette date, il n’avait pas encore renoncé à sa nationalité française. La conséquence de cette situation a donc été la prise par le juge de la décision de sa radiation de la liste électorale, car, seuls les ivoiriens pouvant être électeur en côte d’ivoire. Cette décision est sans appel. Ainsi, depuis le 22 avril 2025, le candidat officiel du PDCI RDA, parti de feu la président Henri Konan Bédié et du père fondateur de la cote d’ivoire moderne, le président Felix Houphouët Boigny ne pourra pas prendre part à l’élection présidentielle d’octobre 2025, puisqu’il n’est plus électeur.

Notre analyse

Cette situation juridico-politique que vie Monsieur Tidjane Thiam, avec lui d’autres poids lourds de la politique ivoirienne, dont le Premier Ministre Soro Guillaume qui lui aussi n’est plus électeur, parce que radié de la liste électorale suite à sa condamnation par la justice ivoirienne à 20 ans de prison, pose le véritable problème de l’objectivité de la justice ivoirienne. On a le sentiment que la justice ivoirienne, en matière politique, ne « s’acharne » que sur les opposants du régime au pouvoir. Une petite généalogie de quelques actions judiciaires qui ont marqués ces 30 dernières années (1995 à 2025), sous 4 régimes politiques différents pour illustrer nos propos.

“ Pour réprimer son audace, la justice invente un cautionnement de 20 millions de FCFA pour être candidat à l’élection présidentielle. Là ou depuis 30 ans on n’a jamais parlé de paiement d’une caution pour être candidat à l’élection présidentielle. Ainsi, venait de naitre le paiement d’une caution à l’élection présidentielle. ”

  1. Le régime des fondateurs « bâtisseur de la Côte d’Ivoire moderne »

Le régime des fondateurs de la Côte d’Ivoire a duré de 1960 à 1999. Pendant ces 39 années de règne, les fondateurs ont produit 2 présidents : Houphouët Boigny (1960-1993) et Henri Konan Bédié (1993-1999). Pendant ces 39 ans, c’est le PDCI RDA qui était aux commandes. Comment la justice ivoirienne s’est-elle comportée avec les opposants ou contradicteurs du pouvoir ?

La gouvernance d’Houphouët Boigny était un règne sans partage. On était dans le parti unique. La justice, c’était le « Vieux ». Qui pouvait avoir l’outrecuidance de s’opposer au père fondateur ? Personne, pendant un certain temps. Ceux qui ont essayé, s’ils ne sont pas morts (Kragbé Gnagbé et autres) ils ont été accusé par la justice de fomenter des complots pour renverser le « Vieux », comme l’appelait affectueusement les ivoiriens. Mais, en 1990, après 30 années de parti unique, un opposant « téméraire », nommé Laurent Gbagbo, prend le courage d’affronter le président Houphouët à l’élection présidentielle d’octobre 1990, cela, à la faveur du retour au multipartisme en Côte d’Ivoire. Pour réprimer son audace, la justice invente un cautionnement de 20 millions de FCFA pour être candidat à l’élection présidentielle. Là ou depuis 30 ans on n’a jamais parlé de paiement d’une caution pour être candidat à l’élection présidentielle. Ainsi, venait de naitre le paiement d’une caution à l’élection présidentielle.

“ Quand vient le moment pour la justice de délibérer sur l’éligibilité des candidats à cette élection, monsieur Djeni Kobenan est dit inéligible, au motif qu’il était de nationalité Ghanéenne. Pourtant, une année en arrière, soit en 1994, monsieur Kobenan venait de créer un parti politique(RDR) qu’il dirigeait. ”

Quand Houphouët meurt en 1993, il est remplacé par son dauphin constitutionnel, Monsieur Henri Konan Bédié. Là encore la justice va s’illustrer de fort belle manière. En 1995, Monsieur Djeni Kobenan, qui venait de créer un parti politique, le RDR, est candidat à l’élection législative de décembre 1995, dans la circonscription électorale d’Adjamé. Le parti de monsieur Djeni Kobenan est non seulement sorti du PDCI RDA, mais pis, il est farouchement opposé au régime. Quand vient le moment pour la justice de délibérer sur l’éligibilité des candidats à cette élection, monsieur Djeni Kobenan est dit inéligible, au motif qu’il était de nationalité Ghanéenne. Pourtant, une année en arrière, soit en 1994, monsieur Kobenan venait de créer un parti politique(RDR) qu’il dirigeait. Or, la loi de 1993 sur les partis politiques, interdit à un étranger de diriger un parti politique en Côte d’Ivoire. A quel moment, monsieur Djeni Kobenan est-il donc devenu Ghanéen, aux yeux des juges ? Mystère et boule de gomme. En 1998, alors que le règne du président Bédié est au Zénith, le nouveau leader du RDR, l’économiste venu du FMI, Alassane Ouattara, demande à se faire établir un certificat de nationalité. Conformément à la loi, il se rend dans son lieu de naissance à Dimbokro, pour se faire établir cet acte. Contre toute attente, une note venue du ministère de la justice (le pouvoir exécutif) intime l’ordre à tous les juges des tribunaux (pouvoir judiciaire) de Côte d’Ivoire, de ne pas délivrer de certificat de nationalité au leader du RDR. Mais, le jeune juge du tribunal de Dimbokro ne suit pas ces consignes et signe le fameux document. Crime de lèse-majesté. Il est contraint à l’exil. Il a fallu attendre le 24 décembre 1999, pour que les ivoiriens soufflent un peu avec ces frasques de notre justice.

  1. Le régime des réformateurs : « les jeunes gens »

“ Celui qui avait eu maille à partir avec la président Bédié, est le nouveau chef de l’Etat du pays. On pense qu’une nouvelle Côte d’Ivoire est en gestation. La justice sera plus juste, impartial et équitable. Que nenni. Les choses deviennent plus graves. ”

Le 24 décembre 1999, un coup d’Etat militaire renverse le président Henri Konan Bédié. Les militaires emmenés par « les jeunes gens » en treillis, mettent le General de Brigade Robert Guei au pouvoir. Celui qui avait eu maille à partir avec la président Bédié, est le nouveau chef de l’Etat du pays. On pense qu’une nouvelle Côte d’Ivoire est en gestation. La justice sera plus juste, impartial et équitable. Que nenni. Les choses deviennent plus graves. Au cours de la transition militaro civile qui démarre, le Général met en place une Commission chargée d’écrire la nouvelle constitution qui créé la 2e République. Au cours des travaux dans la sous-commission Constitution, chargée d’écrire la nouvelle constitution, les constituants, d’éminents juristes, internationalement reconnus, inscrivent dans l’article 35 de la constitution, article relative à l’élection présidentielle, une expression à polémique. Les juristes de cette sous-commission laissent passée, dans la loi fondamentale du pays, cette phrase : « ……ne s’être jamais prévalu d’une autre nationalité…. » Cette expression sera à l’origine de l’élimination du candidat Alassane Ouattara à l’élection présidentielle de l’an 2000. Ce n’est qu’en 2003 que cette forfaiture sera dévoilée, lors de la table ronde de Linas Marcoussis  en France pour mettre fin à la guerre civile qui avait commencé en septembre 2002. C’est avec le constitutionaliste Français, Pierre Mazeaud, formateur de nos « éminents juristes » qu’on apprendra que l’expression « ne s’être jamais prévalu de… » n’était pas une expression juridique, puisque ne se trouvant dans aucun lexique juridique. Nos juges, avaient réinventés le droit, pour tout simplement éliminer un candidat à présidence de la République.

  1. Le régime des refondateurs « le pouvoir des profs »

“ Trois mois plus tard, en septembre 2002, c’est une rébellion armée qu’il aura en face de lui. La refondation cohabitait désormais avec la rébellion. Cet étrange attelage sera qualifié par le philosophe ivoirien, Josué Guebo de « Rebfondation ». ”

Après le court règne des militaires (10 mois de transition), sont arrivés au pouvoir les refondateurs. Les professeurs d’université ont pris les rênes du pays. Les technocrates sont maintenant là. Ceux qui hier battaient le pavé et criaient tellement fort dans les tribunes, sont désormais sur le terrain. On va voir ce que les socialistes ivoiriens vont nous servir. Dès leur arrivée au pouvoir, le chef de fil, Laurent Gbagbo annonce les couleurs. Il propose d’organiser un forum pour la réconciliation nationale. Il veut effacer les meurtrissures que son arrivée catastrophique au pouvoir a occasionnées. Le Forum a lieu. Il se tient d’octobre à décembre 2001. Apres 3 mois de catharsis, les conclusions du Forum sont rendus publiques. 14 résolutions sont prises. 2 d’entre elles sont les plus importantes. L’une demande au président Laurent Gbagbo de reconnaitre, à son prédécesseur, le General Robert, son statut d’ancien chef d’Etat. L’autre recommande à la justice de délivrer au président du RDR, Monsieur Alassane Ouattara, qui cherche depuis 1998 à se faire établir un certificat de nationalité ivoirienne, ce document. Le président de la République qui a convoqué ces assisses est face à ses responsabilités. Va-t-il appliquer les conclusions de ce « dialogue politique » ? Il a sa solution à lui. Pour le cas Guei, Laurent Gbagbo déclare que ses juges lui ont dit que Robert Guei était « assimilable » à un ancien chef d’Etat. Donc qu’il l’avait « assimilé » à un ancien chef d’Etat. Quel était la loi qui « assimilait » ainsi Guei ? Les juges des refondateurs venaient à leur tour, de refonder le droit. Si un texte existait qui « assimilait » quelqu’un à un ancien chef d’Etat, pourquoi à t-il fallu en 2004, voter au parlement, la loi sur le statut d’ancien chef d’Etat ? Où était passé la loi qui « assimilait » ? Quant au cas Alassane Ouattara, les juges font leur travail. En juillet 2002, la justice ivoirienne délivre enfin au président du RDR, son certificat de nationalité ivoirienne. On pense que les choses vont dans le bon sens. Mais, le président Laurent Gbagbo, chef de l’exécutif, va s’inviter dans le dossier judiciaire. Il déclare ; «  un certificat de nationalité, c’est trois mois. On verra dans trois mois ». Trois mois plus tard, en septembre 2002, c’est une rébellion armée qu’il aura en face de lui. La refondation cohabitait désormais avec la rébellion. Cet étrange attelage sera qualifié par le philosophe ivoirien, Josué Guebo de « Rebfondation ». En 2010, à la sortie de cette « Rebfondation », les juges sont encore là pour refonder le droit. Le juge constitutionnel, devenu « fou » donnera deux verdicts, après un bricolage juridique pour faire gagner son « parent ». Malgré sa « magie judicaire », la suite ne sera pas en leur faveur.

“ Cette brève généalogie de quelques pratiques judiciaires de notre pays depuis ces 30 dernières années en lien avec la politique, nous permet tous de nous rendre compte que la justice ivoirienne a un problème avec les opposants politiques. ”

  1. Le régime de la renaissance « le rattrapage du développement »

Une fois les refondateurs et leurs « copains » rebelles partis du pouvoir, place est faite à la renaissance ivoirienne. Le président Alassane Ouattara, sorti vainqueur de l’élection présidentielle d’octobre 2010, après un second tour âprement disputé, est depuis cette date au pouvoir. A-t-on besoin de faire un dessin de la situation juridico-politique sous le régime de la renaissance ? Nous sommes tous contemporains des faits. Et chacun observe, sous ses yeux, comment la justice traite les opposants.

Cette brève généalogie de quelques pratiques judiciaires de notre pays depuis ces 30 dernières années en lien avec la politique, nous permet tous de nous rendre compte que la justice ivoirienne a un problème avec les opposants politiques. Car, comment expliquer, que sous quatre régimes différents les mêmes pratiques perdurent ?  Pourquoi nous ivoiriens, avons le sentiment que notre justice est marquée par le « devoir de gratitude » ? Il est parfois bon de se rappeler ce que notre pays a été. Souvent on a le sentiment que tout a commencé aujourd’hui, alors que nous trainons ces tars depuis plusieurs décennies. Notre pays doit cesser de ressembler à un « village Potemkine ».

“ La Ligue Nationale pour la Démocratie croie fermement que seule une séparation réelle et pratique des pouvoirs, mettra fin à ce sentiment généralisé dans notre pays que nos juges perdent leur objectivité scientifique lorsqu’ils sont face aux opposants politiques. ’’

Nos conclusions

La Ligue Nationale pour la Démocratie, considérant que la situation que vit notre pays dans le champ politique est inquiétant, appel à une réflexion profonde sur la façon dont nous voulons désormais faire la politique ici en Côte d’Ivoire. Il est urgent qu’une nouvelle classe politique émerge pour repenser sincèrement la pratique politique dans notre pays.

La Ligue Nationale pour la Démocratie croie fermement que seule une séparation réelle et pratique des pouvoirs, mettra fin à ce sentiment généralisé dans notre pays que nos juges perdent leur objectivité scientifique lorsqu’ils sont face aux opposants politiques.

La Ligue Nationale pour la Démocratie reste convaincue que la politique en Côte d’Ivoire, paraitra toujours malsaine, tant que la classe politique ne sortira pas du culte de la personnalité, des communautés charismatiques et des alliances contre natures. Elle affirme que c’est dans le bon ton et le respect des différences que nous pourrons ensemble, bâtir une nation prospère où il fait bon de vivre ensemble.

La Ligue Nationale pour la Démocratie, en tout état de cause, reste attachée à l’union des partis et mouvements politiques issus du PDCI RDA originel du père fondateur. Elle œuvre à   préserver le pouvoir d’Etat dans le giron des héritiers d’Houphouët Boigny.

Fait à Abidjan le 28 Avril 2025

Pour la Ligue Nationale pour la Démocratie

Le Secrétaire Général National

GOUESSE DIOMANDE

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