[Côte d’Ivoire/Présidentielle 2020] Une lueur d’espoir pour éviter la spirale des violences
Abidjan, 17-10-2020 (lepointsur.com) À Barthelemy Zouzoua Inabo
: #Electiontour. Une lueur d’espoir pour éviter la spirale des violences. Le gouvernement appelle l’opposition à discuter. Les Ivoiriens doivent se parler, tant qu’il s’agit de sauver des vies humaines. Derrières les certitudes visibles, des angoisses enfouies.
Alassane Ouattara et Kouadio Konan Bertin ont ouvert leurs compteurs-campagne à Bouaké pour l’un et à Divo pour l’autre. À Abidjan, l’opposition grogne et gronde. Et qui en est le porte-parole ? Pascal Affi N’guessan. Ce que tu n’as pas encore vu, ne dis pas ça n’existe pas…
« Le RHDP, dans l’opposition, n’aurait sûrement pas accepté que 99 % des commissions locales soient aux mains des militants du parti au pouvoir. Il faut céder au moins la moitié des commissions locales à l’opposition. »
Affi N’guessan, tel le Sphinx
Pascal Affi N’guessan renait de ses cendres. Il est désormais dans le rôle qu’il a toujours voulu jouer après la crise post-électorale dans son parti et au plan national. À défaut d’être le leader de l’opposition, au moins, être une alternative crédible. Une voix écoutée.
Il a été combattu dans son parti, il a pris énormément de coups, il en a donné aussi. Il a su encaisser et aujourd’hui, il est « porte-parole de là désobéissance civile », selon l’expression du maître de cérémonie lors de la conférence des leaders des partis d’opposition, membre de l’alliance non-idéologique ce vendredi 16 octobre 2020, au siège du PDCI-RDAA à Cocody. Le chef de file de cette Alliance est le président Henri Konan Bédié. Le visage médiatique, Pascal Affi N’guessan.
Au nom de l’objectif commun
C’est un retour à la normale en fait pour celui que ses partisans appellent « Le Lion du Moronou » et ses détracteurs en interne avaient baptisé de « chat du Moronou ou le traitre. ».
À la conférence de presse, il avait à sa droite, George-Armand Ouegnin, membre de la galaxie dite « GOR », Gbagbo ou rien. Les observateurs l’ont d’ailleurs noté : après les propos introductifs du « porte-parole de la désobéissance civile », Maurice Kacou Guikahué soufflait dans le micro ouvert, «il a fini de parler. C’est bon ». Quelques secondes de flottement, puis Georges-Armand Ouegnin appuie le discours de son prédécesseur : « Nous avons les moyens de nous opposer par tous les moyens légaux pour empêcher le coup d’Etat électoral que veut opérer le président sortant qui refuse de sortir. Nous avons trop parlé. Agissons maintenant ».
« Quand on t’envoie, il faut savoir t’envoyer… »
Tout le monde parle désormais de la même voix. Tout le monde assis à la même table. L’objectif commun, s’opposer au troisième mandat de Alassane Ouattara fait ravaler les ressentiments. Quelqu’un, citant un proverbe local a dit « si on t’envoie, il faut savoir t’envoyer ». Il y en a beaucoup qui doivent refuser lire leurs propres déclarations aujourd’hui. Les politiciens savent toujours se retrouver. À un moment ou à un autre.
Un discours tranchant
L’ancien premier ministre de Laurent Gbagbo, président du Front populaire ivoirien jusqu’à la chute du fondateur de ce parti le 11 avril 2011, retrouve la verve et le costume de l’opposant pur, dur et cassant. « Ce qui est en cours ne s’appelle pas une élection présidentielle. Cela s’appelle au choix, un coup de force, un coup d’Etat, un braquage, une imposture, un simulacre. C’est à coup sûr, une forfaiture ».
Pascal Affi N’guessan et Henri Konan Bédié n’entendent pas s’associer à ce processus. Le député de Moronou était candidat en 2015 contre vents et marées. Il avait été crédité de seulement de, 9,29 des suffrages. Il a été retenu pour octobre 2020 mais cette fois, il l’a joue collective. « Pour nous, le rassemblement du stade Felix Houphouët-Boigny (le 10 octobre 2010) se voulait une main tendue, un appel à la discussion, l’expression de notre volonté de négocier ».
L’opposition est prête à discuter. Elle met sur la table, sept revendications dont notamment, le retrait de la candidature du président sortant, la dissolution de la CEI, du conseil constitutionnel, le retrait du code électoral actuel, l’audit de la liste électorale, la libération des prisonniers et le retour sécurisé des exilés.
Balle à terre
Le gouvernement essaie de desserrer l’étau. Le premier ministre Hamed Bakayoko invite tous les partis ayant participé au dialogue politique à une séance de travail ce samedi 17 octobre 2020 à 11 heures.
Les marges de manœuvre de part et d’autre sont réduites. Est-il encore possible d’obtenir le retour des candidats retenus, Henri Konan Bédié et Affi N’guessan dans le processus électoral ? À quels prix ? Dans l’état actuel des choses, que peut lâcher le gouvernement pour assouplir les positions des opposants ? Disons, mieux vaut tard que jamais. Pouvoir et opposition ont fini de montrer leurs muscles…
« L’opposition est prise entre deux feux : ni radicale, ni laxiste. Elle n’a plus droit à l’erreur. Elle a chauffé ses militants à blanc pour baisser la garde au premier jet. Et prendre le train en marche sans garanties suffisantes. Cependant, elle doit donner des signes de bonne volonté aussi bien, à l’opinion nationale qu’à la communauté internationale. »
Solutions possibles
Le gouvernement devrait agir sur trois points : libération immédiate des prisonniers, membres des partis politiques et de la société civile, la passe à l’opposition au niveau des commissions centrales de la CEI et des commissions locales.
Le RHDP, dans l’opposition, n’aurait sûrement pas accepté que 99 % des commissions locales soient aux mains des militants du parti au pouvoir. Il faut céder au moins la moitié des commissions locales à l’opposition. Au niveau de la commission centrale, certains membres sont présentés comme opposants ou société civile alors qu’ils sont apparentés au parti au pouvoir. Pour l’accalmie, il faut les sortir et les affecter à d’autres fonctions. Avec les remerciements de la République.
De son côté, l’opposition doit savoir perdre aujourd’hui pour gagner demain.
Le temps de l’embarras
L’opposition est prise entre deux feux : ni radicale, ni laxiste. Elle n’a plus droit à l’erreur. Elle a chauffé ses militants à blanc pour baisser la garde au premier jet. Et prendre le train en marche sans garanties suffisantes. Cependant, elle doit donner des signes de bonne volonté aussi bien, à l’opinion nationale qu’à la communauté internationale.
Affi N’guessan a regagné un bout de la légitimité politique perdue aux yeux de certains de ses ex-camarades de parti. Beaucoup apprécient son engagement et ses discours du moment. En même temps, il le sait, il est surveillé comme du lait sur le feu.
Encadré/Campagne électorale : ADO à Bouaké, KKB à Divo
Alassane Ouattara est allé à Bouaké ce vendredi 16 octobre 2020, pour demander à ses militants et sympathisants de sortir massivement le 31 octobre 2020 et lui offrir une élection au premier tour, un coup KO ou takokélé. Le candidat du RHDP attendu par une foule de supporters, militants et sympathisants a juste dit l’essentiel lors du meeting qui aura duré moins de 10 mn. Il a cependant répété ce qu’il a toujours dit à propos de la présidentielle du 31 octobre 2020 : elle aura bien lieu à la date constitutionnelle et il n’y aura pas de transition.
Pendant que le président sortant ouvrait sa campagne dans la capitale du Gbekê, Kouadio Konan Bertin, KKB, était lui à Divo, dans le Lô Djiboua. « La décision de me présenter à la plus haute charge de la République est le fruit d’une conviction intime et profonde, d’un sens de l’histoire et d’une conscience aiguë des temps qui sont les nôtres », a dit à ses partisans avant d’ajouter : « Je serai le président qui constituera un gouvernement d’union nationale, représentatif de la population ivoirienne. Toute nomination se fera exclusivement sur la base du mérite, de la compétence et du talent ». Il a invité les Ivoiriens aux urnes le 31 octobre 2020. « Nous allons tout changer ».
En attendant, dans la capitale économique, sur les grandes artères, les affiches à fond vert ou rose du candidat du RHDP sont les plus en vue.
Par Fernand Dédeh, Journaliste indépendant