[Côte d’Ivoire/Présidentielle 2020] La situation sociopolitique ivoirienne vue par le journaliste Fernand Dédeh
Abidjan, 07-10-2020 (lepointsur.com) À Barthelemy Zouzoua Inabo: Les positions n’ont pas varié. Parkings fermés. Chaque camp s’accroche à ses certitudes. Élection le 31 octobre 2020 pour ton camarade, report de l’élection pour le camp de l’opposition avec une partie des organisations de la société civile.
J’imagine bien les débriefings « des diplomates de la prévention » de l’ONU, de l’UA et de la CEDEAO. Ils doivent se dire « est-ce que nous allons nous en sortir ? ». Moi-même, suis épuisé. J’ai juste envie de demander aux Ivoiriens, les frères, on fait quoi ? On dit quoi ? On les regarde ou on continue de leur parler ?
« L’Opposition ivoirienne rappelle qu’elle souhaite participer à l’élection du 31 octobre 2020 à la condition que le scrutin prenne en compte :
1- Le retrait du Code électoral actuel
2- Le retrait de la candidature de Monsieur Alassane Dramane Ouattara à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, qui est au terme de son deuxième mandat, pour se conformer ainsi à la Constitution qui lui interdit de briguer un troisième mandat ;
3- La dissolution du Conseil Constitutionnel actuel en vue de la mise en place d’une juridiction véritablement impartiale et qui s’attache à dire le droit, rien que le droit ;
4- La dissolution de l’actuelle Commission Electorale Indépendante(CEI) en raison de son inféodation évidente au régime RHDP et la mise en place d’un organe électoral consensuel, véritablement indépendant et impartial, capable d’organiser des élections justes, transparentes et crédibles ;
5- L’audit international de la liste électorale issue de l’enrôlement de juin-juillet 2020 ;
6- La libération de tous les prisonniers politiques, civils et militaires ;
7- Le retour sécurisé de tous les exilés sur la terre de leurs ancêtres… ».
Dans les conditions actuelles, je vois mal, très mal, ton camarade reculer. Il sait que l’opposition embauchera le son de la transition au cas où…
D’ailleurs, il déroule sereinement son agenda. Voyage ce samedi 10 octobre 2020, à Korhogo, puis dimanche, à Gbeleban à Odienné, visite privée et familiale, avant le lancement de sa campagne dans le village du père fondateur.
L’angoisse tenaille cependant, certains de ses proches. J’ai vu passer un communiqué du grand patron des Impôts. Kô « séance de cultes religieux et de sacrifices… pour solliciter la grâce divine et la miséricorde du Tout puissant pour la préservation de la Paix et la stabilité en Côte d’Ivoire ». L’argent est trop, la peur est grande !
Le meeting de l’opposition ce samedi 10 octobre 2020 est un vrai test de mobilisation et une démonstration de sa capacité de nuisance.
La seule chose que ton camarade devra éviter selon une analyste politique, « les protestations populaires ». Le débat au niveau de l’opposition n’est pas totalement tranché concernant la nature de la désobéissance civile. Le contenu reste à définir. L’opinion publique nationale et internationale en saura plus ce samedi 10 octobre 2020.
En attendant, des professionnels des médias et de la société civile réunis au bord de la mer à Grand-Bassam, (6-7 octobre) cherchent le meilleur moyen de couvrir la présidentielle 2020. Ils renforcent leurs capacités pour, d’une part, améliorer leurs productions et publications et d’autre part, combattre la haine. Sous toutes ses formes.
Encadré/Tatiana Mossot : « 10 ans plus tard, je continue de penser que j’ai donné des résultats basés sur les faits »
Retour sur les résultats du second tour de la présidentielle en 2010. Ce 1er décembre, toute la Côte d’Ivoire attend les résultats officiels de la CEI. Minuit tarde à arriver. Et puis, la correspondante de la télévision française, France 24 à Abidjan, Tatiana Mossot ne le sait pas encore. Mais elle va s’installer au cœur de la crise ou disons, précipiter la crise. « Je me rends compte aujourd’hui que les gens n’ont pas écouté ce que j’avais dit. Je puis dire de mon expérience de 2010, j’ai donné une information basée sur les faits. J’ai été ex-filtrée sans vraiment savoir pourquoi. 10 ans plus tard, je continue de penser que j’ai donné une information basée sur les faits », dit cette amoureuse de la Côte d’Ivoire, de retour à Abidjan, dix ans plus tard.
Dans une correspondance, rendant compte d’une conférence de presse, elle avait balancé des chiffres provisoires de la présidentielle 2010 « en s’entourant des garanties ». Tout est allé très vite pour elle. Ex-filtrée par les services français. Pour la Côte d’Ivoire, la crise post-électorale venait de commencer.
La journaliste, de retour à Abidjan, regrette le lynchage dont elle a été l’objet à la télévision nationale en 2010. « La RTI a montré mon portrait, invité au lynchage d’un confrère, d’une consœur ».
Son regard sur l’évolution de la presse est pour le moins désarmant. « J’ai fait mon sujet de mémoire sur la presse écrite ivoirienne en 2005. J’avais alors constaté les clivages dans la presse. 15 ans plus tard, il n’y a pas eu beaucoup de progrès ».
Tous les intervenants au séminaire de renforcement des capacités des professionnels des médias à Grand-Bassam sont unanimes sur un point, la vérification des informations. « Le journaliste, c’est celui qui est attaché au fait. Il préfère rater un scoop que de donner un scoop qui va se révéler une fausse information », a martelé Alfred Dan Moussa.
Que ce soit en audiovisuel, en presse écrite ou sur internet, l’obligation de la vérification des informations pèse sur le journaliste.
Par Fernand Dédeh