[Côte d’Ivoire] L’Ong Odafem en guerre contre la prolifération des discours de haine
Man, 18-06-2021 (lepointsur.com) L’Organisation pour le développent des activités de la femme (ODAFEM), mène en ce moment une campagne de lutte contre les discours de haine en Côte d’Ivoire, baptisée “Unis contre les DH’’.
Dans le cadre de cette campagne, le chef du bureau et par ailleurs chef du projet (PTI) dans la région du Tonkpi, Isaac N’ Gbésso a animé, récemment à Man, une conférence de presse, pour présenter la nécessité pour chacun, de se dresser contre ce fléau.
Se prêtant ainsi aux questions des journalistes après un exposé sur la problématique, il a indiqué que ce projet est mis en œuvre dans le cadre du Programme de Transition et inclusion politique (PTI), par Internews qui a en charge le volet communication.
L’étude d’une coalition constituée d’organisation de la société civile, d’observateurs et analystes démontre que les discours de haine, ont pris une proportion drastique. Cette inquiétante situation mérite que quelque chose soit faite pour combattre cette montée vertigineuse de la méchanceté humaine sur les réseaux sociaux.
Alors, pour mieux comprendre la nouvelle mission de l’ODAFEM contre ces discours de haines, nous vous proposons, ci-dessous, de lire l’intégralité des échanges entre les journalistes et le chef du bureau et par ailleurs chef du projet (PTI) dans la région du Tonkpi, Isaac N’ Gbésso, lors de ladite conférence de presse.
Bonjour Monsieur Isaac N’Gbésso ! Que dit le dernier rapport mensuel d’observation des discours de haine en Côte d’Ivoire ?
_ Merci ! Selon le dernier rapport d’observation des discours de haine ivoiriens sur Facebook, en date du 28 mai 2021, 512 discours de haine ont été collectés en mai contre 468 en avril, soit une hausse de 9,40%. Une hausse confirmée au niveau des différentes typologies. En tout cas, il y en a 5 soit la moitié des 10 types de discours de haine identifiée par l’observatoire, qui sont également en hausse.
Et sur un échantillon de 148 groupes, profils et pages Facebook, l’étude de la coalition révèle tout ce que tout le monde soupçonne déjà. 4 628 discours de haine en ligne ont été récoltés en seulement 9mois. Des résultats assez alarmants qui demandent une réponse de la part de tous.
Quels sont les différents types de haines et leurs importances ?
_Il y a dix (10) types de discours haineux. L’incitation au meurtre est la plus grave typologie. A cela, il faudrait ajouter les propos xénophobes, les propos sexistes, les justifications, les injures et diffamations, les vœux et souhaits macabres, la délation et attaques contre communautés.
Quel est l’état des lieux dans la région du Tonkpi ?
_Il est vrai que par le passé l’ouest faisait un peu peur quand on était à la veille des élections. Mais, depuis quelques temps les choses ont positivement évolué. Oui, dans l’ensemble, la tendance des discours de haine, est en baisse. Grâce à nos actions sur le terrain, l’on n’entend plus trop ces méchancetés. Il peut y en avoir, mais pas à un degré plus que ce que nous entendions par le passé et ailleurs
Quelles sont les localités qui ont reçu la visite d’ODAFEM et quels sont les témoignages récoltés de ces consultations ?
_Nous avons fait de la prospection et identifié des personnes (hommes et femmes) qui ont été victimes des discours de haine. Nous avons noté leurs témoignages qui ont été mis en diffusion sur notre page Facebook. Pour montrer combien de fois les discours de haines sont un drame. Nous avons fait le travail à Man, Duékoué, Guiglo et Bloléquin qui sont nos zones de compétence. Les témoignages, qui ont été obtenus étaient divers. D’autres victimes l’ont été pour avoir voulu candidater à un poste électif. La méchanceté s’est muée en crises identitaires pour ceux-là. Les bourreaux, nous préférons les taire car, ils pourraient être en danger si nous les présentons physiquement. Notre mission d’apaisement nous contraint à tout ce qui n’est pas bon pour la paix
Quels sont les discours de haine, qui sont entendus dans la région du Tonkpi ?
_Dans la région du Tonkpi, c’est le dénigrement, les injures et quelques fois les menaces. Ce sont ces discours qui sont le plus courant ici. Ils sont aussi négatifs les uns que les autres.
Peut-on savoir les conséquences de ces méchancetés, sur la société ?
_Les conséquences de ces discours sont très négatives sur la société. Au nombre de celles-ci, l’on peut citer la méfiance. Cette dernière peut se généraliser sur différentes familles. Les ragots et autres tares de la société dont les dénigrements et oppositions sont au chapitre des conséquences.
Quelles peuvent être les origines des discours de haine ? Et, pensez-vous que ODAFEM pourra un jour réussir à mettre un terme aux discours de haine ?
_Des gens tiennent des discours de haine, pour salir, se donner de la contenance ou pour faire le Buzz. Nos populations n’ayant pas pour la plus part des niveaux élevés, ne parviennent pas à comprendre, que les Fake news et autres discours haineux peuvent détruire la vie de toute une communauté. Quant à ODAFEM, elle joue sa partition dans ce combat de démentiellement des discours de haine sur le net. Nous pensons qu’avec le concours de ses partenaires que sont les Radios, les journaux et la presse en ligne, elle réussira à propager ses activités qui contribueront efficacement à la lutte contre cette négative pratique, qui malheureusement est en train de devenir un métier pour certains.
Pour un véritable combat contre les discours haineux sur la toile, pensez-vous que seuls les apports des journalistes peuvent suffire, et qu’attendez-vous du reste du monde ?
_Les paroles de haines sur le net, ont des conséquences extrêmement graves sur les individus et l’ensemble des populations, qui peuvent vivre en situation de méfiance et même de belligérance. Les discours de haine impactent négativement la cohésion sociale et donc la paix. Pour nous, en associant les journalistes à notre campagne de dénigrement contre les DH, nous voulons profiter de leurs canaux d’information pour atteindre le maximum de personnes. Nous appelons la jeunesse, parce que, c’est d’elle qu’il est question, quand on parle des réseaux sociaux. L’internet est un très grand moyen de communication et même d’insertion. Elle doit l’utiliser à bon escient, que de l’utiliser à monter les uns contre les autres.
Aussi, voudrais-je à ce stade de mon intervention, rappeler que nous voulons compter sur l’aura des hommes et femmes de presse pour une très dense sensibilisation de masses. Quant aux populations toutes entières, nous les appelons à nous rejoindre dans cette lutte, qu’on ne pourra gagner qu’en étant ensembles. Nous sommes persuadés que les choses n’iront pas comme sur des roulettes. C’est cette raison qui nous amène à inviter tous les Ivoiriens et les non ivoiriens, quelques soient leurs rangs sociaux, leurs tailles etc. à faire sienne la lutte contre cette forme de criminalité dans laquelle prospèrent malheureusement certains de nos progénitures.
Merci !
Propos retranscrits par Simplice Tiagbeu