Côte d’Ivoire-Election en Afrique/ Comment développer une culture de l’acceptation des résultats électoraux
Abidjan, le 4-5-15 (lepointsur.com)-La gouvernance démocratique est l’un des enjeux majeurs auxquels toute l’Afrique est confrontée aujourd’hui et les élections revêtent une importance capitale pour la démocratie. Il y a des impératifs à respecter pour le renforcement d’une démocratie effective sur le continent et en particulier pour la tenue des élections qui soient libres, équitables, crédibles et légitimes. Les élections sont considérées par ailleurs comme l’un des facteurs clés pour la stimulation, la consolidation et l’enracinement de la démocratie. Il y a donc un besoin de revitalisation du cadre institutionnel pour les élections, le processus électoral proprement dit et les trois phases principales que sont la phase pré-électorale,la phase électorale et la phase post-électorale afin de favoriser un environnement d’acceptation des résultats électoraux par tous les acteurs et forger une dynamique de culture en ce sens: une culture de l’acceptation des résultats électoraux.
En effet, la période électorale est dans la vie d’une Nation, ce moment qui véhicule une forte dose d’émotions et de passions. Il s’agit de désigner une personne à une Dignité, à une fonction, par voix de suffrage, qui est une onction. Alors la tentation est souvent forte d’acquérir cette onction, de l’arracher ou de la conquérir de façon brutale, par la force.
Depuis la fin de la guerre froide et l’implosion de l’URSS, de nombreux pays africains se sont engagés sur le chemin du libéralisme démocratique à travers l’adoption de nouvelles constitutions, la libéralisation de la vie politique, l’adoption de nouveaux codes électoraux et l’organisation d’élections pluralistes dont l’issue n’a pas toujours été acceptée par toutes les parties prenantes. Nombreux sont d’ailleurs des cas qui ont donné lieu à des conflits à l’intérieur des Etats et on assiste de plus en plus aujourd’hui, à de nouvelles révisions constitutionnelles tendant à revenir à des modèles politiques antérieurs à 1990.
Face à cette situation, une analyse rigoureuse et profonde du cadre institutionnel et des mécanismes des élections mérite d’être entreprise par les acteurs et les observateurs de l’évolution de la vie politique et démocratique du continent africain. L’enjeu principal étant notamment, de permettre aux différentes parties impliquées (acteurs étatiques et non étatiques, partis politiques, experts, universitaires, membres du corps judiciaire, membres des commissions électorales nationales et membres des institutions internationales intéressées par cette problématique)de partager leurs expériences et ainsi de parvenir à construire des mécanismes plus harmonieux pouvant faciliter l’émergence et la consolidation d’une culture démocratique conforme aux standards internationaux, respectueuse des libertés publiques et individuelles ainsi que des choix réellement exprimés par les électeurs. C’est dans cette perspective seulement que le continent africain pourra être en mesure de faire des progrès louables en matière d’élections réussies, libres et exemptes de tout conflit et de toute controverse. Ces recommandations sont non seulement des préalables pour l’instauration d’une paix durable, de la stabilité et du développement dans cette partie du monde, mais aussi et surtout des conditions nécessaires pour la consolidation de la démocratie dans ce berceau de l’humanité.
Sachant qu’une élection constitue un moment fort de l’histoire politique d’un peuple et l’occasion d’une maturation politique, il m’est apparu nécessaire de contribuer, par ce biais de l’écriture, à nourrir la discussion tant avec les décideurs politiques, qu’avec les autres corps de métier impliqués dans ce processus, convaincu qu’une culture démocratique enracinée peut efficacement contribuer à favoriser une vie politique apaisée, la bonne gouvernance et faciliter le développement qui constitue du reste l’un des défis majeurs du continent et une des missions prioritaires des gouvernants. C’est pourquoi, d’importants efforts doivent être faits partout pour réformer les institutions étatiques africaines afin de les adapter aux exigences modernes de transparence démocratique en lieu et place des fumeux et mesquins toilettages des codes électoraux et textes constitutionnels taillés à la lime d’intérêts partidaires. Certes, le rythme de la démocratisation varie d’un pays à un autre et la profondeur des réformes n’a pas la même portée partout. Cependant, la démocratisation et la bonne gouvernance auxquelles aspirent tous les citoyens semblent irréversibles. Et pour réussir ce double défi, il est plus que jamais impératif d’asseoir les instruments de base qui sous-tendent tout système démocratique parmi lesquels, les élections constituent l’élément principal.
Comme on peut le constater, réussir les élections exige avant tout, une culture de la démocratie et de la bonne gouvernance. La démocratisation à travers les élections est un processus progressif qui s’enracine à partir d’une pratique et à travers des expériences diverses. Cela implique donc d’organiser des séminaires de sensibilisation et de formation à l’intention des responsables des institutions en charge des élections et des acteurs politiques. Ces séminaires viseront à les assister et à doper les élans de démocratisation et de renforcement des capacités en matière d’organisation des opérations électorales dans des conditions de fiabilité et d’entière transparence.
L’Article 3 du Projet de Déclaration de l’UA (Union Africaine) sur les Elections, la Démocratie et la Bonne Gouvernance du 20 février 2003 ne dit-il pas ceci: « Les éléments essentiels de la démocratie représentative comprennent, entre autres, le respect des droits humains et des libertés fondamentales, l’ accès et l’ exercice du pouvoir conformément à l’état de droit, la tenue d’élections périodiques, libres et équitables basées sur le scrutin secret et le suffrage universel en tant qu’ expression de la souveraineté du peuple, le système pluraliste des partis et des organisations politiques, et la séparation des pouvoirs et l’indépendance des organes du gouvernement ». La plus grande Institution continentale africaine affiche ainsi, en théorie, son adhésion à l’idée de gouvernance démocratique par des élections acceptables par tous c’est-à-dire lignées sur un processus « consensuellement » juridique et légitime.
Poursuivant, l’observation et la surveillance des élections doivent constituer une partie intégrale des processus électoraux en Afrique, comme le consacrent les Principes Directeurs pour les Missions de l’Union Africaine relatives à la Gestion, à la Surveillance et à l’Observation des Elections, du 20 février 2002.Les observateurs nationaux, régionaux et internationaux ont été amenés à jouer un rôle important pour améliorer la transparence et la crédibilité des élections et de la gouvernance démocratique en Afrique et l’acceptation des résultats des élections dans tout le continent. L’observation des élections et les missions de surveillance, bien structurées, dépolitisées ou non partisanes et clairement réglementées, peuvent jouer un rôle clé dans la réduction des conflits avant, pendant et après les élections.
Pour faire des élections propres, il faut également des listes fiables, comme le soutient bien l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui vient de publier un guide pratique pour la consolidation de l’état-civil et des listes électorales. Et ce n’est pas le Réseau des compétences électorales francophones (RECEF) qui dira le contraire. C’est vrai que les listes ont toujours été au cœur des polémiques, au cœur des contestations électorales en Afrique. Et avec ce guide aujourd’hui qui permet d’élaborer des listes électorales fiables, certainement, cela permettra de résoudre un certain nombre de problèmes. Il faut donc promouvoir les listes biométriques qui présentent deux gros avantages : le premier, c’est de permettrel’identification sûre de chaque électeur et le second, c’est de garantir l’unicité physique de chaque électeur sur ces listes.
Les listes alphanumériques comportent énormément de doublons. Un électeur peut être inscrit plusieurs fois sur la même liste ou plusieurs fois sur des listes différentes. Alors qu’avec le système biométrique, l’électeur n’est inscrit qu’une seule fois. Si vous n’êtes inscrit qu’une seule fois dans un bureau de vote, vous ne pouvez voter que dans ce bureau de vote, où il y a votre photo sur la liste qui est affichée devant le bureau de vote, également votre photo sur la liste d’émargement que vous ne trouverez pas ailleurs. Donc ceci permet de garantir un seul vote pour chaque personne.
En dépit des difficultés matérielles qui sont à solutionner, les élections sont devenues un test de la démocratisation et de la bonne gouvernance dans la plupart des pays. Nombreux sont les travaux publiés ces dernières années sur cette problématique. Aussi, le nombre d’organisations et d’agences de conseil et de gestion des élections montre à quel point la question est à la fois délicate et importante. Elle détermine la vie de tout un pays ainsi que son avenir. La réussite d’une élection dépend d’un certain nombre de conditions et d’exigences dont les principales sont les suivantes :l’acceptation des autorités en place de se soumettre en confiance au jugement et au choix du peuple et d’accepter les résultats des urnes ;la mise en place d’un système électoral organisé de façon régulière, fiable et transparente ;l’acceptation de confier les élections aux organes compétents, honnêtes et indépendants; la conviction de la maturité politique des électeurs, des candidats et de tous ceux qui sont concernés par les élections ;la possession et la mise à disposition de ressources suffisantes pour faire face aux innombrables besoins en logistique, en sécurité, en personnel, etc. Cela implique également les recommandations suivantes: Inspirer la confiance et le crédit nécessaire à la gestion des élections à tous les niveaux; Encourager un sentiment accru d’appropriation du processus électoral par le grand public; Augmenter la participation des populations aux élections.
Il nous faut alors œuvrer, sans faiblesse et avec un acharnement rationnel, pour créer les conditions de la transparence des élections en favorisant un consensus juridique sur les règles et mécanismes qui devront traiter les éventuels contentieux électoraux et sur les méthodes pratiques qui devront régir l’organisation des élections et le fonctionnement du processus de vote, de dépouillement et de proclamation des résultats. Gardons-nous de la négociation d’un compromis politique qui ne sera jamais un acquis de sûreté tout au long du processus. Car même quand il semble accepté en amont du processus, les parties le font de façon stratégique ou en défaut de sincérité au point où tout vole en éclats au fur et à mesure que le stress du vote et du verdict des urnes s’enfle.
Docteur Pascal ROY
Philosophe-Juriste-Politiste-Coach politique-Analyste des Institutions, expert des droits de l’Homme et des situations de crises-Médiateur dans les Organisations-Enseignantà l’Université-Consultant en RH-Écrivain
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