Culture

[Côte d’Ivoire/Convocation des artistes Yodé et Siro à la brigade de recherches de la gendarmerie] « On ne poursuit pas un citoyen pour son opinion »


Abidjan, 02-12-2020 (lepointsur.com) À Barthelemy Zouzoua Inabo: Nous l’avons appris tard dans la nuit. Yodé et Siro, artistes zouglous, convoqués à la brigade de recherches de la gendarmerie nationale « pour enquêtes judiciaires ».

Ils sont citoyens. Ils sont justiciables. Nul n’est au-dessus de la loi. Ils l’ont annoncé eux-mêmes: « Nous avons reçu une convocation du Commandement Supérieur de la Gendarmerie Nationale section de recherches pour motif : Enquête Judiciaire. Nous irons ce mercredi 2 décembre 2020, répondre à ladite convocation ».

Les spéculations vont bon train sur les raisons de la convocation. Certains croient savoir que les propos ci-dessous sont à la base de la convocation des artistes. « “Le procureur là, il n’est plus procureur de la République, il est procureur d’un seul camp, c’est quel pays ça’’ se sont indignés Yodé et Siro en concert à Yopougon », lit-on sur la page Facebook #CONSORTIUM_CSA.

“ Ma position est constante: on ne poursuit pas un citoyen pour son opinion. Elle est le sens même de la liberté de pensée/penser. Chacun de nous est porteur d’une opinion et à le droit de la faire connaître en privé ou en public. Celui qui ne la partage pas, a aussi le droit de porter la contradiction. De la détruire par les arguments pertinents. ‘’

Certains observateurs pensent que les propos ci-dessus fondent la colère du Procureur de la République. Encore que là, il faut faire la preuve que les artistes ont effectivement tenu ces propos et qu’ils ne sont pas sortis de leur contexte. Parce que, « en Zouglou, Gbê vaut mieux que drap »!

Les artistes disent souvent haut et fort ce que le peuple pense bas. Ils sont « les voix des sans-voix ». Ils secouent le cocotier social pour éclairer l’opinion, alerter les décideurs.

Ma position est constante: on ne poursuit pas un citoyen pour son opinion. Elle est le sens même de la liberté de pensée/penser. Chacun de nous est porteur d’une opinion et à le droit de la faire connaître en privé ou en public. Celui qui ne la partage pas, a aussi le droit de porter la contradiction. De la détruire par les arguments pertinents.

Dans le cas d’espèce, le Procureur de la République, nommément cité, a le droit de confondre les artistes en établissant les faits. En communiquant sur le dossier. Le niveau des enquêtes. En leur démontrant la vacuité de leurs propos. La méconnaissance des règles de fonctionnement de la Justice.

Quand j’ai dit ça, je n’ai pas tout dit en fait. Parler un art. Savoir parler, savoir dire, encore plus. Nous avons écouté le jeudi 26 novembre 2020, l’artiste Bomou Mamadou, rendre hommage au défunt président de la fédération ivoirienne de football, Augustin Sidy Diallo. Il était si bien informé sur l’homme, maîtrisait sa filiation et les valeurs qu’il a incarnées… il a fait chavirer les cœurs des orphelins pourtant terriblement affligés par la disparition de leur géniteur. Ils se sont levés, le plus grand notamment, pour saluer l’artiste. Le remercier.

La parole de l’homme de culture soulage. Apaise. Forme. Fait défiler les souvenirs dans les esprits. Fait danser les cœurs.

“ Nous nous battons tous pour la Démocratie, donc pour la Justice et la Liberté. Mais la Démocratie est un ensemble de valeurs, de codes dont le respect équilibre les rapports sociaux. ‘’

Nos parents nous l’ont enseigné: « il faut remuer sept fois la langue avant de parler ». Nul ne devrait parler pour parler. Pour s’entendre parler. Pour faire plaisir à la masse. Chacun devrait se prononcer sur les sujets qu’il maîtrise. Ou alors se donner le temps de s’informer, se cultiver, croiser les sources. Autrement, s’interdire de tenir des propos qui peuvent porter atteinte à la cohésion sociale ou troubler l’ordre public.

Nous nous battons tous pour la Démocratie, donc pour la Justice et la Liberté. Mais la Démocratie est un ensemble de valeurs, de codes dont le respect équilibre les rapports sociaux.

La situation sociale et politique en Côte d’Ivoire est encore tendue. Beaucoup ont perdu des êtres chers. D’autres, des biens acquis de longue date. Ils sont aujourd’hui dans la détresse.

« Ce n’est qu’une convocation ! C’est vrai qu’il faut rester mobilisé pour la suite, mais nous avons affaire à une simple convocation pour le moment », analyse un journaliste.

Nous suivrons le dossier. En espérant une fin heureuse. Et en Zouglou !

Fernand Dédeh, Journaliste indépendant

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