Economie

[Côte d’Ivoire/Affaire CCC- CNMA-CI] La justice tranche


Abidjan, 30-04-2025 (lepointsur.com) Dans son ordonnance du 17 avril 2025, le Conseil Café-Cacao (CCC) avait salué une décision qu’il a présentée comme une victoire judiciaire, mais après une lecture attentive de la décision du 28 mars, le CCC et son directeur général, Yves Koné Brahima, ont été recadrés par le juge des référés. Ainsi donc, l’affaire a pris une autre tournure ; car  la justice a certes rejeté la demande d’audit formulée par la CNMACI, mais ce rejet ne constitue nullement un quitus de gestion, et encore moins une victoire juridique.

Un rejet clair des manœuvres procédurales du CCC

Face à la demande d’audit déposée par la Coordination Nationale du Monde Agricole de Côte d’Ivoire (CNMACI), le CCC a d’abord tenté de faire invalider la procédure en soulevant une exception d’incompétence du juge des référés. Selon ses avocats, les faits dénoncés n’étaient ni urgents ni de nature à relever de mesures provisoires. Le juge, s’appuyant sur les articles 221 et 226 du code de procédure civile, a balayé cet argument d’un revers de plume : une mesure comme l’audit, qui vise à préserver les droits et intérêts des parties, entre parfaitement dans le champ d’action du juge des référés. Ce dernier a ainsi rejeté l’exception d’incompétence, affirmant que l’urgence n’était pas un préalable absolu lorsqu’il s’agissait de mesures conservatoires.

Deuxième revers pour la défense : la fin de non-recevoir. Le CCC a tenté de disqualifier la CNMACI en prétendant qu’elle n’avait pas qualité pour agir, l’accusant d’usurper une compétence relevant exclusivement de l’État. Mais là encore, le juge a fermement recadré le conseil : il a rappelé qu’une organisation interprofessionnelle représentant les producteurs a tout à fait le droit de demander des mesures visant à garantir la transparence sur des fonds qui lui sont destinés, même s’ils relèvent du domaine public. Une décision limpide qui reconnaît la légitimité de la CNMACI à poser des questions sur la destination des 17 milliards FCFA du « Fonds Covid » promis aux producteurs.

Un rejet au fond, mais pas une absolution

Au fond, le juge a toutefois rejeté la demande d’audit au motif que la CNMACI n’apportait pas d’éléments suffisamment probants pour justifier une telle mesure. Il a reconnu que le CCC avait procédé à des audits internes par des commissaires aux comptes agréés, conformément aux textes régissant la gestion des établissements publics. Néanmoins, le juge a pris soin de souligner que cette décision ne préjugeait en rien du fond et n’excluait pas d’éventuelles actions futures, mieux étayées, devant la juridiction compétente. Une nuance de taille, absente du récit triomphaliste du CCC.

Une vérité judiciaire nuancée

Ainsi, la décision judiciaire est loin de la version embellie servie au public par le CCC et certains relais médiatiques. Loin d’avoir « blanchi » la gestion du fonds, la justice a reconnu à la CNMACI un droit légitime d’interroger l’administration des ressources publiques affectées à la filière café-cacao. Elle a également rappelé que la transparence est un principe incontournable dans la gouvernance des fonds publics, surtout lorsqu’ils concernent un secteur aussi stratégique comme l’agriculture.

Ce que certains ont voulu faire passer pour une victoire, n’est en réalité qu’une défaite évitée de justesse. La justice a certes rejeté la demande d’audit, mais elle l’a fait sans pour autant délégitimer les inquiétudes des producteurs invités à poursuivre leur action devant le juge du fond, compétant en la matière. Elle a même offert un cadre de légitimité à leur voix, souvent marginalisée. Le CCC, en se contentant de clamer victoire sans évoquer les recadrages sévères opérés par le juge, donne l’image d’une institution plus soucieuse de communication que de redevabilité.

À l’évidence, la décision du 28 mars est tout sauf un blanc-seing : elle est un appel à la transparence, un signal clair que les comptes publics, même gérés par des entités étatiques, doivent être ouverts au regard de ceux à qui ils sont destinés. Le CCC, plutôt que de brandir cette décision comme un trophée, ferait mieux d’en tirer les leçons.

Avec Opportune BATH

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