Cancer du sein : “L’autopalpation des seins n’a pas fait ses preuves” entre 25 et 75 ans
Au vu des dernières données scientifiques, la pratique fréquente de cet auto-examen n’est pas conseillée. Selon le Pr Vincent Lavoué, chef du service de gynécologie du CHU de Rennes, les autres moyens de dépistage du cancer du sein sont à privilégier.
L’autopalpation des seins consiste à examiner soi-même ses seins et ses aisselles, généralement chaque mois après les règles. Souvent recommandée aux femmes afin de détecter des modifications qui pourraient orienter vers un cancer, l’efficacité de cette approche dans les stratégies de dépistage n’a pourtant jamais été évaluée en France. La Commission de sénologie du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) s’est récemment penchée sur cette question. Et actualise les recommandations.
Pourquoi l’autopalpation des seins n’est-elle pas recommandée aux femmes de moins de 75 ans ?
Pr Vincent Lavoué : notre groupe de travail a analysé divers travaux de la littérature scientifique, notamment trois grandes études randomisées, toutes menées en population générale. Or, les données montrent que l’auto-examen des seins ne procure aucun bénéfice aux femmes de la population générale, âgées de 25 à 75 ans : il ne permet pas de dépister plus de cancers du sein, ni d’améliorer la survie par rapport à la population qui ne pratique pas cet examen. En revanche, examiner constamment ses seins est anxiogène pour les femmes qui craignent de trouver à chaque fois quelque chose d’anormal. Cette angoisse amène à des consultations et à des examens supplémentaires, jusqu’à 50% de biopsies mammaires en plus pour des lésions bénignes. En revanche, les données actuelles disponibles sont insuffisantes pour pouvoir établir des recommandations pour les femmes âgées de plus de 75 ans, celles ayant déjà eu un cancer du sein ou à haut risque génétique.
Pourtant cette pratique est encore beaucoup enseignée aux femmes.
C’est un concept qui s’est développé dans les années 50 aux Etats-Unis, à une époque où l’accès à la mammographie n’existait pas encore. Les associations de patients et les centres hospitaliers éduquent encore massivement aux gestes d’auto-examen, mais cette pratique n’est plus pertinente. Il est préférable d’insister sur l’importance du dépistage organisé, fondé sur l’examen clinique mammaire et la réalisation d’une mammographie tous les deux ans, qui a démontré un bénéfice en terme de survie des patientes. Or, le taux de participation des Françaises (48%) reste encore insuffisant et les délais d’accès à la mammographie sont parfois très longs dans certains territoires, de 6 mois à un an.
Que dire aux femmes qui craignent de passer à côté d’un cancer du sein ?
Il ne s’agit pas de les empêcher de pratiquer régulièrement l’auto-examen des seins mais il peut être contre-productif en rassurant faussement des femmes qui ont une anomalie qu’elles n’ont pas détectée à la palpation. Et il ne doit pas se substituer au dépistage organisé à partir de 50 ans, ni à l’examen clinique mammaire annuel qui doit être réalisé à partir de 25 ans et sans limite d’âge, par le médecin traitant, un gynécologue ou une sage-femme, que l’on soit à haut risque ou non de cancer du sein, comme le recommande la Haute Autorité de santé (HAS). Entre temps, le bon réflexe est de consulter dès que l’on remarque quelque chose d’inhabituel qui interpelle spontanément.
Rester attentive aux moindres changements
L’apparition d’une rougeur, un sein soudainement plus bas que l’autre, un mamelon qui se rétracte, une petite boule qui persiste, un sein qui change de forme, un durcissement anormal de la peau sur le mamelon ou autour sont autant de petites modifications qui doivent amener à consulter un professionnel de santé, gynécologue ou médecin traitant.
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