Burundi : Échec du coup d’État, les putschistes se rendent, reprise des manifestations
Le chef des putschistes a annoncé leur reddition vendredi matin, après une tentative de coup d’Etat contre le président Pierre Nkurunziza mercredi. Ce dernier a réussi à regagner le pays après son séjour en Tanzanie.
Selon LeParisien, le chef des putschistes burundais, le général Godefroid Niyombare, a annoncé vendredi matin la reddition des membres de son mouvement, 48 heures après une tentative de coup d’Etat contre le président Pierre Nkurunziza.
Il a ensuite échappé aux forces restées loyales au chef de l’Etat, selon un officier supérieur de la police burundaise, précisant que les autorités étaient «en train de le rechercher pour l’arrêter». «Nous savons qu’il se cache dans le quartier de Kibenga», dans le sud-ouest de Bujumbura, a-t-il précisé.
«Nous avons décidé de nous rendre. J’espère qu’ils ne vont pas nous tuer», avait annoncé un peu avant Godefroid Niyombare alors que des soldats fidèles au président approchaient de lui. Au moins trois autres chefs putschistes burundais ont été arrêtés à Bujumbura, dont le numéro 2 des putschistes et un porte-parole. Avant son arrestation, ce dernier a raconté qu’ils s’étaient séparés en différents groupes pendant la nuit. «Nous avons décidé de nous cacher pour attendre l’aube et de nous rendre pour ne pas être tués», a-t-il expliqué.
Les trois responsables putschistes seraient bien «vivants», selon l’officier de police burundaise. «Il n’y aura pas de bavure», a-t-il assuré : «Nous n’allons pas les tuer, nous voulons les arrêter pour qu’ils soient jugés».
Reprise des manifestations
De retour au Burundi, le président Nkurunziza doit, lui, s’exprimer dans la journée. Certains de ses proches ont affirmé qu’il était dans sa ville natale de Ngozi, à 140 km au nord-est de Bujumbura et non pas dans la capitale comme l’avaient précédemment affirmé des sources au sein de la présidence. «Il est arrivé hier (jeudi) à Ngozi. C’est d’ici qu’il va s’adresser à la Nation» vendredi, a déclaré l’un des proches sous couvert d’anonymat.
Très vite vendredi, les manifestations ont repris à Bujumbura contre un troisième mandat du président, interrompues par la tentative de coup d’Etat avortée. La police a tiré en l’air pour disperser les centaines de contestataires, rassemblés par groupes de quelques dizaines autour de barricades et de pneus en feu, dans les rues du quartier de Musaga, au sud de la capitale burundaise. Selon des témoins, des scènes similaires se déroulaient dans les quartiers de Nyakabiga et Cibitoke, au nord.
A Musaga, l’ambiance était électrique et les policiers, immédiatement déployés, extrêmement nerveux. Un officier a notamment lancé aux manifestants : «Sachez que ceux qui mettent des barricades seront désormais considérés comme des putschistes». Avant même la tentative de coup d’Etat, le gouvernement avait interdit les manifestations, qualifiant les protestataires de «terroristes».
La radio nationale restée fidèle au pouvoir
«Par principe, la société civile est contre les coups d’Etat, mais nous notons que les Burundais ont accueilli en grande liesse la tentative de coup d’Etat, ce qui montre que le peuple burundais a aujourd’hui besoin de changement», a déclaré Vital Nshimirimana, leader du collectif anti-troisième mandat. «Nous avions arrêté les manifestations contre ce troisième mandat parce ça tirait à l’arme lourde dans les rues de Bujumbura. Nous appelons les Burundais encore une fois à se mobiliser et à reprendre les manifestations».
Avant la reddition des putschistes, des morts avaient été constatés, jeudi, au terme des violents combats : un journaliste de l’AFP a vu trois cadavres de militaires à environ un kilomètre du site de la Radio et Télévision nationale burundaise (RTNB) que les putchistes tentaient de contrôler.
Les mutins réunis derrière le général Niyombare, ont échoué à deux reprises à prendre la RTNB, symbole du pouvoir, aux forces d’élite postées tout autour. La radio avait aussi rediffusé un message téléphonique du président Nkurunziza largement inaudible mais dont la voix était reconnaissable.
Des semaines d’instabilité
Trois semaines avant le putsch, le Burundi faisait déjà face à des manifestations anti-Nkurunziza. La colère des opposants s’était accentuée après les manifestations le 26 avril contre un troisième mandat du président. La société civile et une partie de l’opposition jugent qu’une candidature du président au scrutin du 26 juin est inconstitutionnelle. Mais l’idée d’un troisième mandat du sortant, élu en 2005 et 2010, divisait aussi déjà depuis des mois jusqu’au sein de son parti, le Cndd-FDD.
Personnalité respectée, considéré comme un homme de dialogue, le général Niyombare est d’ailleurs, comme Pierre Nkurunziza, issu de la rébellion hutu qu’était le Cndd-FDD pendant la sanglante guerre civile (1993-2006). Après le conflit, il était devenu chef d’état-major adjoint, puis chef d’état-major de l’armée. Nommé en décembre 2014 à la tête du Service national de renseignements (SNR), il avait été limogé trois mois plus tard, après avoir déconseillé au président de briguer un troisième mandat.
Sur le plan diplomatique, les condamnations des putschistes se sont multipliées, en France, dans les pays africains, aux Etats-Unis comme aux Nations unies. La guerre civile, qui a fait quelque 300 000 morts, hante encore les esprits au Burundi et l’histoire post-coloniale de ce petit pays d’Afrique des Grands Lacs, ex-protectorat belge, a été jalonnée d’autres massacres entre Tutsi et Hutu.
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