Burkina Faso/ Messe de Requiem pour la chute d’un despote…
Au croisement de l’Histoire et de l’actualité, ce qui se passe en ce moment au pays des Hommes intègres doit interpeler tous les acteurs de la vie politique africaine, mais surtout les générations à venir. En Zouglou, genre musical populaire et urbain né en Côte d’Ivoire qui relate les réalités sociales diverses vécues par la jeunesse ivoirienne et porte tantôt des messages humoristiques, tantôt des messages politiques, ou bien, plus souvent, délivre des conseils sur la vie, on dit Gbê (vérité) est mieux que Dra (honte). Mais notre Beau Blaise a préféré Dra que Gbê !
La Missa pro defunctis ou Missa de functorum (Messe pour les défunts ou Messe des défunts) est dite : « Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis. In memoria aeterna erit justus : ab auditione mala non timebit ». Traduction : « Donne-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière éternelle les illumine. Le juste restera dans un souvenir éternel, duquel il n’a pas à craindre une mauvaise réputation. » Adieu le despote Blaise.
Le peuple burkinabé avait déjà annoncé son refus de toute volonté de la part de Blaise et de son clan de modifier l’article 37 de la constitution du Faso. Cependant, son entêtement a poussé les choses au seuil de l’inimaginable. L’opposition certainement en appelant ses partisans dans les rues n’avait pas prévu ce scenario. Les forces vives de la nation burkinabé ont excommunié l’homme fort du Palais de Kosyam, présent dans toutes les crises de la sous-région et dans le même temps facilitateur à plier ses bagages pour une destination que lui-même n’y avait pas rêvé. Quitter le pouvoir avec un tel fracas (la pression du peuple) ne lui passait pas à l’esprit. Dans un communiqué signé par la présidence lu à la télévision nationale, le président burkinabè annonce sa « démission, la vacance du pouvoir, et l’organisation d’élections anticipées sous 60 à 90 jours ». Le chef d’état-major général des armées, le général Honoré Nabéré Traoré, a ensuite déclaré qu’il dirigera la transition. Une démission d’ailleurs salué par nos sempiternels amis de la France dans communiqué. « La France salue la démission du Président de la République du Burkina Faso qui permet de trouver une issue à la crise ». Mais le peuple Burkinabé refuse qu’on lui vole sa belle « révolution » qui ne saurait être une simple « révolte ». Et mieux, le choix de toute personne qui dirigera la transition lui revient. Désaveux sanglant et cinglant pour celui qui sous peu voulait vaille que vaille imposer sa volonté au peuple par un pseudo referendum dont on imaginait déjà le résultat. Notre médiateur au visage angélique assorti d’un nez droit et pointu, à la voix candide et aux pas calculés a pris la poudre d’escampette pour, dit-on, préserver la paix sociale. Il aurait dû le faire aux premières heures des premiers de contestation du peuple, quant au referendum. Avant de parvenir au stade des protestations, s’il avait réellement du respect et de la considération pour le valeureux peuple burkinabé… C’est déjà fait. La sagesse n’a pas vite habité visiblement le Beau Blaise.
Que de sang…
En Afrique, on le dit le plus souvent que les morts ne sont pas morts. Et le poète sénégalais Birago Diop a eu plus que raison d’amplifier cette vérité quasi inéluctable. Les événements qui se déroulent sous nos yeux est loin de nous d’être des superstitieux amènent le plus godiche des hommes à comprendre qu’on ne tue pas impunément. Même si l’on échappe à la Justice des Hommes, la Providence ne fait pas de cadeau. Et que de plus en plus, il est difficile d’échapper à la Justice des Hommes. Que dire ! A la colère du peuple ! Tous les crimes commis dans l’exercice du pouvoir se paient naturellement. Et l’heure a sonné !
Thomas Sankara vivait simplement, humblement et modestement au plus près des citoyens de son pays, lorsque le 15 octobre 1987, son compagnon de Blaise l’a tué pour s’embourber dans une bourgeoisie au palais de Ouaga 2000, nouvelle ville en plein développement au sud de la capitale burkinabè. Cette villa cossue sera désormais sans âmes puisque les occupants ont pris le large.
Norbert Zongo, journaliste et Directeur de Publication de l’hebdomadaire L’Indépendant. Enquêtant sur la mort suspecte de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, frère cadet du chef de l’Etat, Norbert Zongo et trois de ses compagnons ont été retrouvés calcinés dans leur véhicule mitraillé, à une centaine de kilomètres au sud de Ouaga, le 13 décembre 1998. Et depuis lors, pas de suite… Lisons un petit extrait du rapport 2007 de Reporters sans frontières à cet effet. « Au Burkina Faso, cela fait huit ans que les journalistes portent le deuil de Norbert Zongo, assassiné avec trois de ses compagnons en 1998. Alors que de nombreux éléments accusent la garde présidentielle et le frère du chef de l’Etat, François Compaoré, la justice burkinabé, manifestement très influençable, a osé rendre un non-lieu en faveur du principal suspect, en plein été, presque en catimini, gravant dans le marbre l’indifférence des autorités pour la soif de justice de la famille du journaliste ». Notre confrère peut se reposer dans une quiétude profonde. La chute du Régime de Compaoré, sonne le glas et règle une partie du problème. En attendant que les auteurs soient démasqués et punis. In fine, l’on peut se permettre de croire que le despotisme peut disparaître et doit disparaître. Mieux, Il peut céder la place à une forme d’organisation répondant au désir de liberté et de justice de la collectivité. Eh bien ! Il ne suffit pas pour cela du courage et de l’héroïsme de quelques individus qui, se sacrifiant, débarrassent de temps à autre l’humanité d’un despote, car le despotisme survit au despote. Il faut la force coalisée de tous les opprimés, de tous les parias, la révolte consciente de tous les Hommes nouveaux et d’avenir, pour monter à l’assaut. Faire une lecture saine du sang versé, mettre sur la table les enquêtes des crimes restés impunis, pour une justice crédible au pays des Hommes Intègres !
Francis Taky
nanantaky@yahoo.fr
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