Bitaté Hien (Chef central de la communauté Lobi)/ “Pour moi, la guerre est finie” #lobi
Abidjan, 27-07-16 (lepointsur.com) Dans cet entretien, le chef central de la communauté Lobi, Bitaté Hien invite les siens à l’apaisement et à la cohabitation pacifique. Pour lui, ‘’la guerre est finie’’
Quelles sont les dispositions prises avec vos notables pour la cohésion sociale?
Il faut retenir qu’il n’y a pas d’histoires entre nous. Le président Alasssane a effectué une visite ici, à Bouna, pour demander à nous tous de taire nos querelles, nous sommes dans cette dynamique- là. Les histoires entre personnes, ce n’est pas bon. Quand on tue les animaux par exemple, c’est pour la cuisson. Mais quand on s’entre-tue c’est pour enterrer les corps, il faut que cela cesse. Un Ivoirien tue un Ivoirien, qu’est-ce qu’on y gagne? Aujourd’hui, je m’interroge encore, sur les intentions réelles de ceux qui ont fait front pour combattre ma communauté.
Après le passage du président Alassane Ouattara, est-ce que vous avez tenté de rencontrer ceux qui se sont coalisés pour attaquer votre communauté, comme vous le dites?
Nous tenons des réunions. Le roi (Ndlr: Sa Majesté Djarakoroni II), m’a même invité chez lui à prendre la part de la somme qui revenait à notre communauté, je m’y suis rendu. Pour moi, la guerre est finie. Comme le président demande de laisser tout tomber, nous nous y conformons. Attendez, est-ce que la France et l’Allemagne ne se parlent pas aujourd’hui? Ces deux nations se sont entre-tuées, mais la guerre est finie pour de bon. Elles ont enterré la hache de guerre définitivement.
C’est bien tout ce que vous dites, mais quel commentaire faites-vous sur la création d’un second marché né de la crise, qui continue de fonctionner?
Ce n’est pas bon, mais il le faut.
Pourquoi, selon vous?
Le grand marché est au sein du quartier des communautés qui nous ont attaqués. En cas de bagarres ou d’affrontements, elles cassent les magasins appartenant à ma communauté et elles emportent toutes les marchandises. Pendant les derniers évènements, les mêmes actes ont été commis avec le pillage et l’incendie de nos magasins.
Qui a octroyé le nouvel espace qui sert de second marché à votre communauté?
J’ai été approché et j’ai donné mon accord, parce que notre communauté ne peut pas rester sans vivre. Mais qui a dit que le second marché pose problème? Les autres communautés s’y rendent pour leurs emplettes, sans aucun problème.
Dites-nous sincèrement, qui vous a octroyé le terrain?
C’est un terrain qui appartient à l’Etat. C’est la mairie qui nous l’a octroyé. Jusqu’à présent la mairie encaisse des taxes sur ce marché.
Etes- vous dans une véritable dynamique d’un retour à la cohésion sociale, comme vous le dites?
C’est vrai que j’entends des plaintes de la part des peulhs et des autres communautés, mais pour nous, la guerre est finie. J’ai déjà réuni tous les chefs des différents villages de ma communauté pour leur prodiguer des conseils. Je leur dis d’arrêter toutes les attaques. Quand quelqu’un vient habiter avec vous et construit sa maison, pourquoi quand une bagarre éclate, vous incendiez cette maison? Est-ce que le jour où votre hôte s’en va, est-ce qu’il va emporter la maison? Non, elle reste votre patrimoine. J’ai conseillé à mes différents chefs de taire les querelles de personnes pour qu’on retrouve la paix d’antan.
Est-ce qu’il vous est venu à idée d’approcher vos adversaires pour leur tendre la main?
Ce sont des menteurs, tout ce qu’ils racontent est pur mensonge. Ils ont aussi des champs, pourquoi leurs bétails ne broutent-ils pas les cultures de leurs champs? Ce sont gens qui ne disent pas la vérité, mais pour moi, tout est fini. Devant le ministre de la Sécurité, le préfet et le roi, nous nous sommes serrés les mains, donc tout est fini.
Avez-vous un appel à lancer pour l’apaisement des coeurs?
Je vous dis que c’est dans cette dynamique que j’engage ma communauté. La bagarre ne résout rien. D’après le président Houphouët-Boigny, celui qui fait plus de 20 ans quelque part, si vous le chassez où ira-t-il? Au Parc national en son temps, il avait conseillé de laisser les agriculteurs qui y avaient déjà planté. Il avait demandé aux autorités de ne pas couper les plants, mais de surveiller les planteurs pour qu’ils n’étendent pas leurs plantations. Car, cela faisait après tout partie de l’économie du pays, donc il ne fallait pas les détruire. Il a bien dit “La terre appartient à celui qui la met en valeur”, mais aujourd’hui les lois ont tout changé.
Entretien réalisé à Bouna par Sériba Koné
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