Point de Vue

Billet d’humeur n°29 d’André Silver Konan : “D’Affi à Gbagbo, le Wozo Tour de la moquerie”


lepointsur.com (Abidjan, le 4-5-2015) En Côte d’Ivoire, des gens se moquent du « Wozo Tour » d’Affi N’Guessan, à l’intérieur du pays. Moi, ce sont ceux qui se moquent d’Affi (qu’ils soient des pro-Sangaré ou des pro-RHDP) qui me font plutôt sourire.

Pourquoi ? Parce qu’ils font une lecture au premier degré des images d’enfants qui accueillent dans les petites localités du pays, le “président statutaire” (il y en a désormais deux, il faut bien qu’on trouve un qualificatif pour chacun, Lol) du Front populaire ivoirien (FPI). En effet, cet homme est en train de se tailler tranquillement un costume de futur leader de l’opposition, sans éveiller la moindre inquiétude chez (ex-)partenaires et adversaires.

De quoi s’agit-il ? De fait, Pascal Affi N’Guessan est en train de faire exactement le périple qu’a fait avant lui, à travers le pays, il y a un quart de siècle, Laurent Gbagbo. La réputation d’opposant historique, Gbagbo l’a gagnée dans les villages reculés du pays profond à l’ouest, dans les cases suffoquantes des vieux au Nord, dans les cours royales Akan, sur les pistes rurales, dans le cœur des enfants ou adolescents que nous étions à l’époque et qui applaudissaient au passage, sans même connaître son nom, cet homme à la tignasse rebelle et à l’air impertinent. A l’époque aussi, ses ex-partenaires au sein de l’opposition (PIT, PPS, USD, etc.) et ses adversaires du PDCI, se moquaient de son “Wozo Tour”. La suite de l’histoire est connue.

Je l’ai dit et je le répète: on ne va pas à une élection présidentielle (qui aura lieu dans 5 mois), sans jamais avoir été en contact direct avec les potentiels électeurs. Pendant que les gens sont assis à Abidjan à faire et à défaire des stratégies qu’on a du mal à suivre, encore moins à comprendre, d’autant plus qu’elles ne se traduisent pour l’heure, pas en actes concrets; Affi trace son chemin vers le poste de principal opposant en Côte d’Ivoire.

Alors, au soir du 25 octobre 2015, les gens seront surpris de constater que même ayant lamentablement perdu les élections (à l’heure où j’écris ces lignes –en politique, les choses évoluant souvent rapidement-, je maintiens mon pronostic que le Président sortant Alassane Ouattara va gagner dès le premier tour), Pascal Affi N’Guessan se classe en deuxième position, devenant ainsi le nouvel “opposant historique”.

Les gens seront encore surpris qu’aux législatives qui suivront, les hommes qu’il aura parrainés, arrivent à constituer un grand groupe parlementaire. Et les gens seront davantage surpris, que dans 5 ou 10 ans, l’homme, si ce n’est pas lui qu’on écoute, ait du moins son mot à dire dans le débat politique ivoirien.

Pour rappel, il y a plus d’un demi-siècle, Félix Houphouët-Boigny, alors bête noire des colons avec son PDCI (considéré alors comme un parti communiste) a fait ce tour. Et certainement à l’époque, les partisans du Parti progressiste et les colons, moquaient sont “Wozo Tour”.

Quand Bédié, alors président de l’Assemblée nationale faisait le tour du pays chaque week-end, ses adversaires en interne au PDCI se moquaient de lui et le présentaient comme une Reine Elisabeth, condamné à de petits parrainages dans les petites localités.

Quand Alassane Ouattara, rentré de son exil parisien, partageait la cola avec les vieux du Nord, mangeait dans la même assiette de manioc que les vieilles de l’ouest, rendait visite aux rois et chefs traditionnels du sud, etc., ses adversaires déclarés ou non, riaient sous cape et le voyaient à peine venir.

Restez donc à Abidjan, dans vos salons, et comptez sur un improbable vote sanction de ceux qui en 4 ans n’ont pas eu de boulot (Ouattara a hérité de 8 millions de personnes en situation de sous-emploi, d’emplois précaires ou de non-emplois). S’il suffisait de cela, Laurent Gbagbo n’aurait jamais eu ses meilleurs scores à Yopougon (Lol, on se comprend j’espère) et ne descendez pas sur le terrain. Vous serez surpris que la pierre que rejettent aujourd’hui avec mépris, vous qui prétendez bâtir, devienne d’ici quelques années, la principale de l’angle. Riez seulement !

André Silver Konan

Journaliste-écrivain

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