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Awa Fadiga, Agressée par un taximan, assassinée par le CHU de Cocody ? / Le Film de ses obsèques.


mamanSamedi 29 Mars 2014. Quartier Solibra, Williamsville, Abidjan. Il est midi, sous une bâche ternie par le soleil, encore haut dans le ciel, des membres de la famille de la jeune Awa Fadiga, décédée dans des conditions dramatiques, portent ce triste deuil. Visiblement terrassés par la disparition si brutale de leur parente.

Du monde commence à affluer.

Madame Fadiga Sirakoné, la petite sœur de la mère de la défunte nous fait asseoir près d’elle. Madame Fadiga est la présidente de l’ONG « femme Cote d’Ivoire ». Une ONG qui a pour vocation la lutte contre la pauvreté, l’injustice. Le sort est ironique… Mme Fadiga se dit choquée, révoltée pour ce qui est arrivé à sa « fille » Awa. C’est bien elle qui a eu la charge de la petite depuis ses 6 ans jusqu’à ce qu’elle atteigne ses 23 ans. La mère biologique d’Awa est décédée en 2003.

La petite Awa avait grandi auprès de sa tante à williamsville. Elle s’était frottée à la couture et se voyait constamment sollicité depuis son jeune âge pour des concours de beauté, filles d’honneur, etc. C’est ainsi que Mme Fadiga l’avait aidée sa belle plastique aidant à y faire sa profession. Ce fut une belle et prometteuse aventure. Awa Fadiga commençait à décrocher des contrats de mannequin et publicité avec d’importantes entreprises de la place tels MTN et Orange.

La tante, « mère » d’Awa se trouve constamment interrompue. Il y a des amis, des proches qui ne cessent d’affluer ; Il faut saluer, « demander » les nouvelles. Mme Fadiga semble être la plus aguerrie à le faire. Elle, présidente d’une ONG, trouve encore la force et les mots pour parler tandis qu’autour, les uns et les autres se consolent mutuellement. L’atmosphère est meublée de sanglots tantôt étouffés.

Mme Fadiga est révoltée pour ce qu’elle a eu à voir au CHU de Treichville. Musulmane de confession, son voile a du mal à rester enhomage place. Elle le replace gracieusement entre deux phrases tout en laissant savoir que la priorité du moment était le repos de sa « fille ». Elle refuse de donner sa position, celle de la famille sur les dires de Mme Raymonde Goudou Koffi, Ministre de la Santé.

« C’est Allah qui donne et c’est Lui qui reprend » affirme-t-elle. Mais, selon elle, Allah même demandera justice ! On devra d’abord s’occuper de notre fille et ensuite après consultation familiale décider de la marche à suivre en fonction de ce que feront ou pas les autorités.

Awa Fadiga, en plein essor est brusquement ramenée à l’article de la mort : au retour d’une visite de chez des amis aux Deux-plateaux elle se retrouve parachutée d’un véhicule mouvant. Des témoins sur les lieux, l’autoroute au niveau du camp d’Agban, réagissent promptement en appelant les gendarmes qui sécurisent les lieux et alertent les pompiers. Les sapeurs-pompierstransportent donc Awa aux environs de 22 h au CHU de Cocody.

La gendarmerie arrive enfin à réactiver ses portables le lendemain. La famille essaie de la joindre depuis en vain. Mais aux environs de 10h, le téléphone sonne enfin. Tout le monde se rend à la gendarmerie… l’administration est lourde. Il est pratiquement 15h quand arrivé au CHU, Les Fadiga découvre leur « petite », laissée pour compte à même le sol. La présence de la famille entraine l’administration des premiers soins… Il faut voir 16h30 arriver pour qu’Awa soit évacuée pour un scanner. Elle reviendra mal en point désormais en réanimation. Elle décède le lendemain matin. Dans l’intervalle, la famille a du régler la 1ère ordonnance, l’ambulance et le scanner pour une somme avoisinant un peu plus de 100 000 FCFA.

Beaucoup de temps s’est écroulé, beaucoup d’argent a été déboursé mais tout semble dire que peu d’effort a été fait du côté du CHU de Cocody pour pallier au sort de la jeune Awa. Elle a douloureusement quitté ce monde, les siens, d’une façon on ne peut plus cauchemardesque.

Dans quel Etat vivons-nous ? Un Etat de police, un Etat militaire ou celui de droit ? Pourquoi les forces de l’ordre ont-elles mis tant de temps avant de contacter la famille de la patiente ?

Ce qui reste étonnant c’est que l’hôpital chez nous est réputé par la plus ou moins excellence de ses résultats en dépit du manque cruel de matériels médicaux et de médicaments. Les médecins en Afrique arrivent  à faire des miracles bien que sous équipés ; Ils ont sur la conscience le souvenir de ce jour heureux où ils avaient prêtés serment d’Hippocrate au respect de la vie. Nous ne pensons pas que sept voire dix années d’études laisseront un docteur pencher vers le désastre de l’habitude, seconde nature. Une habitude de voir le sang, la douleur, la maladie, le quotidien de nos centres hospitaliers. Pour eux, tout alors s’apparentera à de l’argent. Comment faire pour toujours amasser plus. Des ordonnances de trop, des examens inutiles. Non, nous leur faisons confiance, comme l’a souligné Mme la ministre de la santé. Ils sont bien trop bien rémunérés que la « faim » ne justifierait point ces moyens. Mais pourquoi cela est si d’actualité chez nous en Côte d’Ivoire ?

Au paroxysme même de la chose, Le Professeur Teki, Directeur du CHU de Cocody, expliquait à la famille endeuillée que la gratuité des soins était une réalité non réelle. « Ce qui est dit dehors est diffèrent de ce qui se passe ici sur le terrain… » semblait-il dire comme pour consoler la mère d’Awa, Mme Fadiga Sirakoné.

Picasso sans son pinceau…

Lorsque le brouillard sera éclipsé, serait-il légitime de se poser la question de savoir si le Professeur Teki avait raison ? Bien que ce soit regrettable, déplorable que la jeune Awa ait attendu plus de dix-sept heures de temps avant de recevoir les premiers soins d’urgence. Comment travailler dans les conditions qui sont les leurs, sans médicaments et matériels adéquats ? A quel moment devons-nous poser les jalons de cette émergence de 2020 ? Depuis toujours, mais surtout depuis ces belles promesses de l’élection de 2010, ces mêmes histoires habitent nos maisons. On a tous des histoires tragiquement similaires mais quand « la Solution » viendra-t-elle ?

Les préceptes de ces reformes arrivent. Forcés d’arriver. Providence ? Les réseaux sociaux ont véritablement donné un coup de fouet à…,  l’actualité du jour au lendemain a basculé du côté de Williamsville. En 1955, le 1er décembre, à Montgomery dans l’Alabama aux Etats Unis, Rosa Parks était devenue « la mère du mouvement de la liberté ». Cette jeune activiste américaine avait réussi à faire changer les choses pour nos frères de l’autre cote de l’Atlantique. D’aucuns diront que la généreuse coloration de sa peau y aurait tacitement contribué. Espérons qu’Awa soit, ici,  pour nous, pour l’obtention du minimum de décence déjà dans nos hôpitaux  ce qu’a été Rosa là-bas. Providence ou hasard de la connotation de son patronyme.

Ne sommes-nous pas indirectement complice d’un système gauche qui consiste à aller jusqu’à fournir de simple gants aux infirmières avant toute occultation, tout examen ? Pas de thermomètre, pas de consultation. Si ça été la norme jusqu’à ce jour pourquoi les choses devraient changer tout d’un coup ? Peut-être parce qu’il est désormais question d’émergence on ne peut plus. Non, le décès d’Awa Fadiga en est un de trop…

Hier, 31 mars 2014 après « Dhohr », prière musulmane de 13h, à la mosquée de Williamsville, environ à cinq cent mètres du domicile familial, des fidèles se sont inclinés sous la conduite de leur imam, guide, sur la dépouille de la jeune Fadiga. Dans le respect de la coutume et de la religion, dans le calme et humilité, le cortège s’est rendu au cimetière de Williamsville où elle reposera désormais (en paix).

Loin de l’émergence, loin des hôpitaux, loin de l’insécurité, loin de la méchanceté des Hommes, de la dureté des systèmes politique, économique….

Repose en paix, Awa !  Qu’Allah ait pitié de son âme…

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