Après son œuvre « Insurrection »/ Alexandre Lebel interpelle les Présidents Blaise Compaoré et Alassane Ouattara dans »Blaise Compaoré à la croisée des chemins-Alassane Ouattara à l’épreuve du pouvoir »
Lauréat du prix CNN Multichoise en journalisme d’investigation dans la catégorie presse écrite en 2010, nominé aux Ebony en 2011 et en 2013, 1er vice-président de l’Organisation Nationale des Journalistes d’Investigation de Côte d’Ivoire (ONJI-CI), Alexandre Ilboudo par ailleurs Grand-Reporter au quotidien Le Patriote, est à son second essai littéraire, après « Insurrection » inspiré de la crise ivoirienne paru en 2002. Dans ce double essai intitulé, « Blaise Compaoré à la croisée des chemins-Alassane Ouattara à l’épreuve du pouvoir », le journaliste-écrivain interpelle les Présidents Blaise Compaoré et Alassane Ouattara.
Monsieur Alexandre Lebel, vous venez de mettre sur le marché une œuvre littéraire dont l’écrit sera diversement interprété. N’avez-vous pas peur pour votre carrière ?
Merci pour l’intérêt que vous accordez au livre que je viens de publier. J’ai juste voulu participer au débat en cours et qui nous concerne tous à quelque niveau que ce soit. Ce qui ne sort pas du reste du rôle d’un journaliste. J’ai pris, clairement, position parce qu’en réalité, il serait hypocrite de se résigner à murmurer ou à marmonner dans les bureaux ou sur le dos des hommes politiques quand on peut s’assumer et apporter un plus au débat démocratique. Le livre est un essai, donc a priori, il devrait pourvoir susciter un débat, des discussions constructives. En l’espèce, je n’ai aucune crainte pour ma carrière qui est bien au-dessus.
Les deux hommes d’Etat cités dans votre livre ont de sérieux problèmes avec les oppositions significatives de leur pays. Le moment est-il bien choisi pour la parution d’une telle œuvre ?
Vous êtes journaliste comme moi et n’ignorez pas que c’est justement quand l’actualité est brûlante qu’il faut tirer la sonnette d’alarme sur les conséquences que la situation en cours pourrait engendrer. J’aime bien, en tant que Grand Reporter, rappeler cette citation chère à Albert Londres qui disait : «Notre métier n’est pas de faire plaisir, non moins de faire du tort, mais de mettre la plume dans la plaie». Dans mon livre je ne distribue pas que des mauvais points à ces deux hommes d’Etat. Mais, je suis très conscient de l’intérêt que suscite déjà le livre surtout au Burkina Faso où avant même sa sortie, il n’a pas laissé indifférent les deux camps, pouvoir et opposition. J’ai trop d’admiration pour ces deux hommes d’Etat pour ne pas leur envoyer un message fort et sincère, débarrassé de flagorneries.
Vous êtes journaliste et Grand Reporter dans un quotidien proche du pouvoir. Cela ne va-t-il pas joué contre vous ?
Non je ne le crois pas. Au-delà du journal qui m’emploie je suis un citoyen qui est libre d’exprimer ses opinions tant que cela n’engage pas la responsabilité du journal. Et puisque ce que j’ai écrit n’est pas forcément contre le pouvoir d’autant plus qu’à la lecture, vous verrez que je n’ai résumé que des faits et des propos des cadres mêmes du parti au pouvoir. C’est un livre bien étayé à la limité un travail de recherche. C’est une critique constructive et je sais personnellement que ni le président Ouattara ni le ministre Hamed Bakayoko ne sont fermés à la critique tant qu’elle va dans le sens constructif.
Monsieur Alexandre Lebel Ilboudo, vous avez été « Prix CNN » du meilleur journaliste francophone africain en 2010, mais jamais roi chez vous en Côte d’Ivoire. Comment expliquez-vous cela ?
Peut-être que je suis victime d’un délit de patronyme (Rire). Non, sérieusement, je crois que mon heure n’a pas encore sonné et que l’Eternel qui m’a toujours inspiré et hissé en 2011 et en 2013 parmi les trois nominés de la presse écrite en Côte d’Ivoire le permettra un jour. Pourquoi pas cette année ? Mais ce que je voudrais relever, sans orgueil, c’est que quand on est bon journaliste on doit être toujours parmi les meilleurs. Pas forcément toujours à la tête. Le fait de me maintenir parmi les meilleurs ces quatre dernières années me satisfait personnellement.
Vous êtes le premier vice-président de l’Organisation Nationale des Journalistes d’Investigation de Côte d’Ivoire. Pour vous, le journaliste d’investigation c’est qui ?
Le journalisme d’investigation se caractérise par des recherches approfondies sur des sujets. Ce qui implique une durée de travail par rapport à la complexité de l’enquête. Cette qualité fait appel à une indépendance et une éthique. Ce genre journalistique vise à révéler des informations cachées en les recoupant et les vérifiant, au moyen d’enquêtes.
Est-ce qu’un pays comme la Côte d’Ivoire est-elle ouverte à ce genre de journalisme qui donne toute la notoriété à ce corps de métier ?
Elle doit y aspirer en raison des enjeux de l’émergence. En Côte d’Ivoire, le journalisme d’investigation n’est pas trop pratiqué. On a plutôt des journalistes de grands genres. Il y a une nuance à faire. C’est peut-être dû à la fois au manque de moyens des rédactions mais aussi aux conditions de travail qui n’incitent pas à ce genre journalistique. Vous ne demanderez pas à un journaliste qui peine à joindre les deux bouts du mois d’aller perdre son temps à investiguer. Il se complaira forcément dans la facilité. C’est sûr qu’il n’y aura pas la tête. C’est d’ailleurs pourquoi, nous avons estimé qu’il fallait créer l’organisation nationale des journalistes d’investigations de Côte d’Ivoire qui existe officiellement depuis novembre 2013. Et nous avons de grandes ambitions si nous voulons aider la Côte d’Ivoire et ses dirigeants à prendre les bonnes décisions.
Pour être précis, certains confrères sont victimes de menaces de la part des Directeurs ou chargés de communication, c’est selon, quand il s’agit de recouper une information auprès des patrons de ceux-ci. Le dernier en date c’est Mme Nesmon Delaure qui a essuyé la colère d’un responsable de communication du ministère de la Santé….
Ce n’est pas normal qu’un journaliste fasse l’objet de menaces dans sa quête d’informations. Mais ne vous attendez pas non plus à ce que l’on réponde aussi facilement à votre préoccupation. Dans le cas précis du ministère de la Santé, la pression du décès du mannequin a rendu les gens très méfiant mais quand un journaliste essuie une fin de non-recevoir quelque part, il a sa plume pour le dénoncer au monde. Et croyez-moi, ça ne fait pas bonne presse pour le mis en cause.
Qu’est-ce que vous désirez que l’opinion retienne de vous ? Un journaliste engagé, opposant ?
Dans mes années de collègue j’ai rêvé de devenir journaliste, un grand journaliste. Mais au départ, je suis arrivé dans ce milieu avec beaucoup d’handicaps que j’ai vite fini par corriger. Aujourd’hui, je crois avoir atteint ce but. Après quatorze ans passés dans ce métier, je crois que je me suis forgé à la fois un nom et une personnalité. C’est pourquoi, je voudrais encore une fois rendre un vibrant hommage à mon formateur, Raphaël Lapké, actuellement président du CNP et au directeur de publication de mon journal, Charles Sanga qui m’a permis et me permet encore d’aller de l’avant. C’est d’eux que je tiens ma formation et ce que je suis aujourd’hui, professionnellement. Ce que je veux qu’on retienne de moi, c’est l’image d’un journaliste qui n’entre pas dans les détails et qui veut se faire respecter par son travail.
Interview réalisée par Serges Mignon