[Alliance des États du Sahel (AES) : Vers une monnaie commune] Un objectif ambitieux aux défis multiples
Abidjan, le 14 février 2024 (lepointsur.com) La perspective de la création d’une monnaie commune au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES) prend de l’ampleur, suscitant des débats tant politiques qu’économiques. Bien que non officiellement annoncée, cette ambition affichée par les dirigeants des pays membres, dont le général Abdourahmane Tiani du Niger, soulève des interrogations quant aux conditions et aux implications de cette initiative.
Contexte et motivations
Dans une récente interview télévisée, le général Tiani a argumenté que la création d’une monnaie commune était essentielle pour permettre au Niger, au Mali, et au Burkina Faso de sortir de la colonisation et de retrouver leur souveraineté. Cette vision s’inscrit dans un contexte où ces pays ont annoncé leur départ de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), et la création d’une monnaie commune est présentée comme la prochaine étape de leur quête d’indépendance.
Conditions préalables
Pour concrétiser cette ambition, les pays de l’Alliance des États du Sahel devront d’abord quitter l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont la monnaie commune est le franc CFA. Les implications juridiques et politiques de cette démarche sont complexes, comme souligné par des économistes, juristes indépendants, et des experts internes de l’UEMOA.
Les traités régissant l’UEMOA présentent des contraintes, mais certains estiment qu’une marge de manœuvre pourrait exister pour les pays de l’Alliance. Cependant, les experts soulignent l’aspect politique de la question, mettant en doute la volonté des États membres de l’UEMOA d’accepter le départ de pays qualifiés de « rebelles. »
Défis économiques
Abandonner le franc CFA implique des sacrifices économiques. Les pays de l’Alliance devront renoncer aux avantages de l’UEMOA, notamment la libre circulation des biens, des personnes, et des marchandises. Ce maintien au sein de l’UEMOA agit actuellement comme un filet de sécurité, limitant les conséquences économiques de leur départ de la Cédéao.
De plus, la création d’une monnaie nécessite d’importantes réserves de change, que les pays de l’Alliance ne possèdent pas en l’état. Des investissements dans les infrastructures monétaires et des adaptations des systèmes de paiement seront également nécessaires.
Perspectives futures
Au-delà des défis, les dirigeants de l’Alliance restent déterminés, bien que le calendrier précis des projets d’envergure reste à définir. Les considérations économiques ne doivent pas faire oublier les questions relatives à la stabilité à long terme de la future monnaie, son attractivité pour les investissements étrangers, et la capacité des États à lever des fonds sur les marchés internationaux.
En fin de compte, la création d’une monnaie commune par l’Alliance des États du Sahel aura des conséquences majeures pour les populations concernées. Les avantages et les risques doivent être soigneusement évalués pour assurer une transition réussie vers une nouvelle ère monétaire.
Médard KOFFI