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[Affaire Ivoir-Gardiennage : entre manigances et silence du MENA] « 25 ans de collaboration réduits à néant ? », s’interroge Mme Djè Amenan Kan Valentine


En Côte d’Ivoire, Mme Djè Amenan Kan Valentine, gérante d’Ivoir-Gardiennage, dénonce la rupture illégale d’un contrat de 25 ans avec le ministère de l’Éducation et réclame justice pour ses 101 agents.

Abidjan, le 30 septembre 2025 (lepointsur.com)Depuis la parution de notre article du jeudi 25 septembre 2025 intitulé « [Côte d’Ivoire] 101 agents de gardiennage en détresse après la rupture de leur contrat sollicitent la ministre Mariatou Koné », de nouveaux éclaircissements ont émergé. La gérante d’Ivoir-Gardiennage, Mme Djè Amenan Kan Valentine, a tenu à apporter sa version des faits lors d’une rencontre accordée le 26 septembre dans les locaux de son entreprise, à la Zone Industrielle.

Madame Djè Amenan Kan Valentine, votre société, Ivoir-Gardiennage, est au cœur d’une vive polémique depuis la publication de notre article sur la situation des 101 agents en détresse. Pouvez-vous nous rappeler vos relations avec le ministère de l’Éducation nationale ?

Aujourd’hui, je réclame deux choses simples mais essentielles. D’abord, que l’on paie ce qui est dû à ma société pour les prestations déjà exécutées. Ensuite, que l’on respecte les procédures prévues par la loi. Si le ministère souhaite mettre fin au contrat, qu’il le fasse en bonne et due forme, par écrit, afin que je puisse informer mes agents et prendre les dispositions nécessaires.

Depuis 1999, Ivoir-Gardiennage travaille en étroite collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale. Depuis plus de 25 ans, notre société assure la sécurité de nombreux établissements scolaires à travers la Côte d’Ivoire, de Daloa à Abengourou, en passant par Yamoussoukro et Korhogo. Chaque année, le contrat était reconduit de manière régulière, conformément aux usages administratifs. En un quart de siècle de partenariat, jamais nous n’avions connu de rupture brutale ou inexpliquée. Cette situation inattendue est donc non seulement inédite, mais également incompréhensible au regard de la fidélité et de la constance de notre engagement.

Pourtant, vos agents affirment qu’une autre société aurait pris votre place sur certains sites. Que s’est-il réellement passé ?

Je tiens à lancer un appel solennel : Que la transparence et la justice prévalent dans cette affaire. Les 101 agents que je représente, ainsi que leurs familles, vivent aujourd’hui dans l’angoisse et l’incertitude. Ils attendent une réponse claire et officielle. Ce combat, je ne le mène pas seulement pour ma société, mais aussi pour eux.

Le 9 mai 2025, j’ai reçu un appel alarmant de mes agents en poste à Abidjan. Ils m’ont rapporté qu’un représentant de la société King Sécurité s’était présenté sur leur site et leur avait ordonné de revêtir les uniformes de sa société, sous la menace d’un renvoi immédiat en cas de refus. Face à une telle pression, j’ai aussitôt saisi le Sous-Directeur de l’Administration et des Finances (Sous-DAF) du ministère de l’Éducation nationale, M. Coulibaly Papa. Dans un premier temps, il m’a assuré n’être au courant de rien. Mais, malgré mes relances répétées et mes demandes d’explications formelles, son attitude a changé : il a progressivement éludé la situation, refusant de me donner des éclaircissements précis. Cet épisode a marqué pour moi le début d’une série d’incohérences et d’opacités dans la gestion de ce dossier.

Avez-vous reçu un courrier officiel de résiliation de contrat ?

Après 25 ans de service loyal au ministère de l’Éducation nationale, je ne peux accepter qu’on nous laisse dans l’ombre, sans la moindre notification écrite.

Non, je n’ai jamais reçu de courrier officiel. Et c’est bien là que réside le véritable problème. Après 25 années de collaboration ininterrompue avec le ministère de l’Éducation nationale, il est incompréhensible que je n’aie reçu ni mise en demeure, ni notification formelle de rupture. Pourtant, le contrat est clair : avant toute résiliation, deux mises en demeure doivent obligatoirement être envoyées, suivies d’une lettre de cessation. Rien de tout cela ne m’a été communiqué. Bien au contraire, j’ai continué à recevoir des courriers officiels en janvier puis en mars 2025, me réclamant des documents indispensables au traitement des salaires de mes agents. Ces échanges administratifs constituent une preuve irréfutable que notre marché était bel et bien en vigueur à ces dates-là. Comment peut-on alors soutenir que le contrat aurait été rompu ? C’est cette incohérence qui nourrit mon indignation et mon incompréhension.

Comment vos agents ont-ils réagi à cette situation ?

Face aux menaces et à l’incertitude, certains de mes agents, par crainte de perdre leur emploi, ont fini par céder et revêtir les uniformes imposés par la société concurrente. Toutefois, sur plusieurs sites stratégiques, comme le lycée moderne de Treichville ou le lycée municipal de Williamsville, les proviseurs ont refusé de se plier à cette substitution improvisée. Ils ont exigé la présentation d’un courrier officiel attestant que King Sécurité avait bel et bien obtenu le marché. Or, ce document n’existait pas. Cette absence de preuve illustre clairement l’irrégularité de la situation et place mes agents dans un désarroi total. Aujourd’hui, ce sont 101 hommes et femmes, répartis sur tout le territoire national, qui vivent dans une incertitude dramatique, ne sachant plus à quelle autorité se référer ni quel uniforme porter pour préserver leur gagne-pain.

Quelles démarches avez-vous entreprises pour clarifier la situation ?

Face à cette situation, j’ai entrepris toutes les démarches possibles pour obtenir des éclaircissements. En juin 2025, j’ai saisi l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARCOP) par courrier, expliquant en détail les irrégularités constatées. Sans réponse, j’ai relancé en juillet, mais mes démarches sont restées lettres mortes. Parallèlement, j’ai contacté directement le ministère de l’Éducation nationale et obtenu une rencontre avec le nouveau responsable de la passation des marchés, M. Koné Karmon. Lors de cet entretien, je lui ai exposé point par point la situation de ma société et de mes agents. Il m’a assuré qu’il me recontacterait. Mais jusqu’à ce jour, aucune suite ne m’a été donnée. Pire, mes factures, pourtant dûment justifiées, ont été refusées, sous prétexte fallacieux que je serais « en conflit » avec la Direction des Affaires Financières (DAF) — une accusation totalement infondée. Cette absence de réponses officielles renforce mon sentiment d’être victime d’une manœuvre délibérée, et accentue l’injustice subie par mes agents et moi-même.

Quelles incohérences avez-vous relevées ?

Plusieurs incohérences renforcent, à mes yeux, la preuve qu’il n’y a jamais eu de rupture officielle de contrat. Trois exemples illustrent cette situation :

  • Le 14 janvier 2025, j’ai reçu une demande officielle de recensement de mes agents, alors même que l’on prétendait que mon contrat avait pris fin le 31 décembre 2024. Cette demande est en totale contradiction avec l’idée d’une cessation de marché.
  • Le 14 mars 2025, le ministère m’a de nouveau réclamé une attestation bancaire afin de confirmer ma capacité à assurer le paiement de mes agents. Cette exigence administrative atteste clairement que notre contrat était toujours en cours d’exécution.
  • Enfin, les attestations de présence de mes agents, couvrant la période de janvier à mars 2025, ont été signées par le Directeur des Affaires Financières lui-même. Cela confirme non seulement que mes agents étaient en service, mais aussi que l’administration reconnaissait officiellement la validité de notre marché.

Toutes ces contradictions ne sont pas anodines. Elles révèlent, selon moi, une absence totale de transparence et suggèrent qu’il s’agit de manigances visant à évincer injustement ma société d’un contrat pourtant entretenu loyalement depuis un quart de siècle.

Quelle est votre position aujourd’hui et que réclamez-vous ?

Aujourd’hui, je réclame deux choses simples mais essentielles. D’abord, que l’on paie ce qui est dû à ma société pour les prestations déjà exécutées. Ensuite, que l’on respecte les procédures prévues par la loi. Si le ministère souhaite mettre fin au contrat, qu’il le fasse en bonne et due forme, par écrit, afin que je puisse informer mes agents et prendre les dispositions nécessaires. Mais me laisser dans cette incertitude, après 25 ans de collaboration loyale, est tout simplement inacceptable. La rupture d’un contrat public ne peut se faire sans procédure claire : il faut au minimum deux mises en demeure, suivies d’une lettre de résiliation. Or, à ce jour, je n’ai reçu aucun de ces documents. Cela confirme, à mon sens, l’existence de manigances visant à évincer ma société.

Votre dernier mot ?

Je tiens à lancer un appel solennel : Que la transparence et la justice prévalent dans cette affaire. Les 101 agents que je représente, ainsi que leurs familles, vivent aujourd’hui dans l’angoisse et l’incertitude. Ils attendent une réponse claire et officielle. Ce combat, je ne le mène pas seulement pour ma société, mais aussi pour eux.

Après 25 ans de service loyal au ministère de l’Éducation nationale, je ne peux accepter qu’on nous laisse dans l’ombre, sans la moindre notification écrite. C’est une injustice profonde. Je demande simplement que mes agents et moi soyons payés pour le travail effectué et que toute procédure se fasse dans le respect de la loi et de la transparence.

Entretien réalisé par Médard KOFFI

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