Affaire déchets toxiques en CI/ La compassion du Colonel Tibé Bi Balou à Claude Dauphin
-Les grandes dates à retenir
Abidjan, le 3-10-15 (lepointsur.com)-Le tort causé par, scandale environnemental, par le déversement des déchets toxiques le 19 août 2006, qui a occasionné le limogeage du colonel Tibé Bi Balou Jean-Christophe, au poste de directeur général de la direction générale des affaires maritimes et portuaires (Dgamp), n’a rien enlevé à l’esprit humaniste de cette personnalité, à l’annonce du décès du PDG de la société Trafigura, Claude Dauphin à Bogota en Colombie.
« Même si, certaines de ses méthodes sont décriées, Claude Dauphin demeure un redoutable homme d’affaires, qui emploie des milliers de salariés, à travers le monde. C’est une immense perte pour le monde des Affaires», a reconnu le colonel Tibé Bi Balou Jean-Christophe, avant de s’incliner devant sa mémoire. « Je présente mes condoléances à sa famille biologique et à sa famille professionnelle», a indiqué l’ex-DG de la DGAMP, emprisonné le 11 septembre 2006, et libéré pour non lieu, le 11 février 2007 des suites du déversement des déchets toxiques à Abidjan. Face au silence de cimetière des autorités ivoiriennes, que d’aucun qualifie de mépris de leur part, pour ne l’avoir pas réhabilité, comme tous ceux qui ont connu des déboires dans le scandale environnemental, le colonel Tibé Bi Balou Jean-Christophe a traduit la société Trafigura devant les tribunaux ivoiriens, et réclament 300 milliards Fcfa de «dommage et intérêt » soit environ 460 millions d’Euros.
Décembre 2014-Juillet 2015, après sept mois de procès dans l’affaire Colonel Tibé Bi Balou contre la société Trafigura, le premier dénouement à la première chambre civile d’Abidjan, a été connu le jeudi 30 juillet 2015. Le délibéré rendu par le président du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, Coulibaly Hamed suite au dépôt des conclusions écrites du ministère public (Parquet) qui a fait état d’un renvoi de l’affaire au 5 novembre 2015, « pour retenu ». Bien entendu, en s’appuyant sur les conclusions du Procureur de la République qui est le ministère public représentant l’Etat de dans cette affaire. C’est dans l’attente du verdict de ce procès marathon, que le PDG de la Trafigura, Claude Dauphin s’est éteint en Colombie.
En effet, en août 2006, ce navire vraquier polyvalent a déchargé au port d’Abidjan 581 tonnes de déchets toxiques (un mélange de pétrole, sulfure d’hydrogène, phénols, soude caustique et de composés organiques sulfurés). Ces derniers, répandus à terre en zone de décharge et sans doute mélangés à de l’acide, ont provoqué des émanations de gaz mortels.
Sériba Koné
Quelques dates importantes à retenir
- 6 septembre 2006 : Le premier ministre ivoirien Charles Konan Bannydémissionne avec l’ensemble de son gouvernement, coupable selon lui de « négligences » dans l’affaire. Deux ministres en première ligne (transports et environnement) sont limogés, tandis qu’est « suspendu » le directeur du port, un des principaux financiers du clan présidentiel des Gbagbo.
- 15 septembre 2006 : Le ministre des transports (opposition) est lynché en pleine rue. La maison du directeur du port est incendiée.
- Le gouvernement ivoirien a également suspendu de leurs fonctions le directeur général des douanes, le directeur du port autonome d’Abidjan, le gouverneur du district d’Abidjan et le directeur des affaires maritimes du ministère des transports.
- 16 septembre 2006 : Le premier ministre ivoirien Charles Konan Bannyforme un nouveau gouvernement. Il a nommé deux nouveaux ministres pour les transports et l’environnement. Anaky Kobenan, ministre des transports, et Jacques Andoh, de l’environnement, n’ont pas été renouvelés.
- Sept ivoiriens sont inculpés et écroués. Ils sont rejoints le 18 septembre 2006 par Claude Dauphin, fondateur-dirigeant de Trafigura, affrêteur du Probo Koala, et son directeur pour l’Afrique de l’Ouest, Jean-Pierre Valentini, écroués à la maison d’arrêt d’Abidjan. Leur nationalité française a été exploitée par des journaux ivoiriens comme une preuve supplémentaire de la responsabilité de Paris. Placés à l’écart des autres détenus dans des cellules individuelles, ils sont poursuivis pour « empoisonnement et infraction à la législation sur les déchets ».
- Deux mois seulement après le drame, le président ivoirien Laurent Gbagboa signé le 27 novembre 2006 plusieurs décrets prévoyant le retour à leur poste du directeur du Port autonome d’Abidjan (PAA), Marcel Gossio, le directeur général des Douanes, Gnamien Konan, et le gouverneur du district d’Abidjan, Pierre Djédji Amondji, suspendus en septembre 2006 par le premier ministre ivoirien Charles Konan Banny après l’affaire des déchets toxiques. Ces personnalités, hautes figures du parti présidentiel, le Front populaire ivoirien, seront, par la suite, protégées par le président Gbagbo qui leur fera ainsi éviter toutes poursuites judiciaires.
- On apprendra que l’état ivoirien acceptera l’abandon de poursuites judiciaires à l’encontre de l’affréteur Trafiguraen change du versement d’une somme de 100 milliards de francs CFA (environ un peu plus de 152 400 000 d’euros). Il était prévu qu’un quart de ce montant sera affecté aux victimes, une autre partie étant accordée à certaines collectivités, tandis que l’État ivoirien se taillait la part du lion. Aucun bilan exhaustif n’a encore été jusque-là fait de l’affectation totale de ces 100 milliards.
- Le chef de l’État, Laurent Gbagbo, avait annoncé la construction d’un hôpital ou d’un centre de santé spécialement réservé aux malades des déchets toxiques. Cette structure sanitaire n’a jamais vu le jour.
Pour ce qui est de l’indemnisation des victimes, on prétend avoir distribué plus de 15 milliards de francs CFA, alors que les victimes (18 000 environ) qui sont supposées avoir reçu leurs chèques (aucune vérification fiable n’est encore possible) croisés avec le montant distribué (725 000 francs CFA) donnent à peine 13 milliards.
Jugement en Côte d’Ivoire
Sur le plan judiciaire, sept Ivoiriens et un Nigérian ont été arrêtés par les autorités ivoiriennes.
Le procès s’est ouvert à Abidjan 29 septembre 2008. Comme cela a été prévu dans les tractations financières évoquées plus haut aucun membre de l’affréteur Trafigura n’a été mis en examen ou juge.
Enlèvement
L’enlèvement devait débuter le 17 septembre 2006 sous la houlette de la société Trédi, filiale du groupe français Séché environnement, spécialiste du traitement des déchets.
Quelques éléments juridiques
Le 18 septembre 2006, M. Dauphin, M. Valentini et M. Kablan, administrateur général adjoint de Puma International CI, furent inculpés et placés sous mandat de dépôt pour :
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Violation des dispositions de la loi ivoirienne portant protection de la santé publique et de l’environnement contre les effets des déchets industriels toxiques et nucléaires et des substances nocives ;
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Violation des articles 342 alinéa 4, 343 et 348 du Code Pénal Ivoirien ;
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Violation des dispositions de la convention de Bâle sur les mouvements transfrontières des déchets dangereux et leur élimination ;
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Violations des articles 97, 99 et 101 du Code de l’environnement ivoirien.
En parallèle, les 5 et 17 octobre 2006, l’État ivoirien a assigné les sociétés Trafigura Beheer BV, Trafigura Ltd et la société Puma Energy CI devant les tribunaux civiles ivoiriens, aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire au versement immédiat d’une somme provisionnelle de 100 milliards de francs CFA ainsi qu’au paiement de sommes devant être déterminées par un collège d’experts désignés par le Tribunal.
Le 22 décembre 2006, Messieurs Dauphin et Valentini ont bénéficié d’une ordonnance de mise en liberté provisoire prononcée par le juge chargé de l’instruction ouverte devant le Tribunal de première instance D’Abidjan-Plateau ; celle-ci a été frappée d’appel par le Procureur de la République .
Le 14 février 2007, Messieurs Dauphin, Valentini et Kablan ont finalement été remis en liberté.
Le 13 février 2007, la veille de la libération de Messieurs Dauphin, Valentini et Kablan, un protocole d’accord a été conclu entre les Parties Trafigura et l’État de Côte d’Ivoire.
Aux termes de ce protocole, les Parties Trafigura se sont engagées à verser à l’État de la Côte d’Ivoire la somme forfaitaire et définitive de 95 milliards de Francs CFA, environ 145 millions d’Euros, répartie comme suit:
- 73 milliards de Francs CFA destinés à la réparation des préjudices subis par la Côte d’Ivoire ainsi qu’à l’indemnisation des victimes,
- 22 milliards de Francs CFA destinés au remboursement des frais de dépollution. (article 2 du Protocole).
Par ailleurs, l’État de Côte d’Ivoire, souhaitant construire une usine de traitement des déchets ménagers dans le District d’Abidjan, les Parties Trafigura se sont également engagées, à travers la société Puma à payer, sous forme d’aide à l’État de Côte d’Ivoire la somme de 5 milliards Francs CFA.
L’État de la Côte d’Ivoire s’est quant à lui engagé à :
« Garantir les Parties Trafigura qu’il fera son affaire de toute réclamation au titre des événements »
« Prendre toutes les mesures appropriées visant à garantir l’indemnisation des Victimes des évènements »
« Souhaitant résoudre de manière globale tout litige présent ou à venir consécutifs aux évènements survenus sur le territoire de la Côte d’Ivoire, chaque partie au protocole d’accord a respectivement déclaré renoncer définitivement à toute poursuite, réclamation, action ou instance présente ou à venir à l’encontre de l’autre partie. »
Ainsi, l’État de Côte d’Ivoire s’est désisté « formellement de l’action en responsabilité et en dommages et intérêts actuellement pendante devant la première chambre du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau et de sa constitution de partie civile devant les juridictions d’instruction dans les poursuites engagées contre les Parties Trafigura. »
Ce protocole d’accord ne met pas, pour autant, fin aux possibilités de poursuites pénales puisque, comme le rappelle le Procureur de la République près le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau « le protocole d’accord […] intervient sur la partie civile. Ca ne peut éteindre que la partie civile. Les poursuites de la partie pénale sont maintenues » (Interview du Procureur de la République près le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau dans Le Matin d’Abidjan en date du 22 février 2007).
En outre, Le protocole d’accord signé entre l’État ivoirien et Trafigura est assimilable à une transaction au sens de l’article 2044 du code civil Ivoirien qui la définit comme « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ».
Selon la législation ivoirienne, une transaction ne lie que les parties signataires du contrat et « il n’empêche pas la poursuite du ministère public » (article 2046 du code civil ivoirien). Ce protocole n’engage donc que les parties qui l’ont signées. Aucun plaignant n’a signé ce protocole d’accord. Ainsi les plaignants sont libre d’entreprendre toute action en justice tant en Côte d’Ivoire qu’ailleurs.
Sur la légalité de l’accord, il convient de noter que selon l’article 2046 « on peut transiger sur l’intérêt civil qui résulte d’un délit ». Ainsi, a contrario, il n’est pas possible de transiger sur les intérêts civils qui résultent d’un crime.
Or les personnes nommément désignées par cette plainte sont poursuivies en Côte d’Ivoire non seulement pour des délits mais également pour complicité de crime d’empoisonnement. Ainsi, au regard du droit ivoirien – applicable en ce qui concerne la légalité formelle de l’acte en vertu du principe « locus regit actum » – la validité de cette convention semble des plus douteuse.
Selon les dires maintes fois répétés lors de discours ou d’allocutions radiophoniques, de M. GBAGBO, la signature de ce protocole d’accord et la libération des prévenus sont sans lien de cause à effet.
Cette affirmation est discutable.
En effet, la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de Côte d’Ivoire a émise une lettre de crédit documentaire pour assurer le paiement des montants dû au titre de la transaction passée entre le président de Côte d’Ivoire et « les parties Trafigura ». Parmi les documents devant être présentés pour permettre le paiement de la dite lettre figure « un original du constat d’huissier attestant de la mise en liberté effective de Claude Dauphin, Jean Pierre Valentini et Kablan, de leur embarquement à bord d’un aéronef et du décollage dudit aéronef ».
La transaction a été négociée par la présidence de la république de Côte d’Ivoire quelques jours avant que MM. Dauphin, Valentini et Kablan ne bénéficient d’une ordonnance de mise en liberté provisoire et ne soient effectivement libéré.
Cette antériorité démontre l’implication du politique dans le processus judiciaire ivoirien. La nécessaire indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif semble donc fortement compromise en Côte d’Ivoire, à tout le moins pour cette affaire.
Trafigura
30 août 2006 : Trafigura dépêche à Abidjan son directeur Afrique, Jean-Pierre Valentini, pour « aider les autorités dans leur enquête ». L’affréteur multiplie les contacts officiels.
- 13 septembre 2006 : Le ministre de la construction ivoirien réunit les experts de la Sécurité civile française envoyés sur place, ainsi que des représentants de Trafigura. L’atmosphère est lourde. Jean-Pierre Valentini, le représentant de Trafigura est décrit comme très arrogant. Il conteste les expertises scientifiques et nie le lien de causalité avec les décès. Il assure que le produit en cause n’était qu’un résidu de nettoyage des cuves après une livraison d’hydrocarbures àLagosau Nigeria.
- 14 septembre 2006 : Le fondateur-dirigeant de Trafigura, Claude Dauphin, débarque à son tour à Abidjan. Il rencontre les services du premier ministre ainsi que les ministres des transports et de l’environnement.
- 15 septembre 2006 : Claude Dauphin cherche un ‘arrangement’ et s’engage auprès de la coordinatrice de la cellule de crise à fournir des médicaments et à payer une partie de frais de récupération des déchets.
- 16 septembre 2006 : le cofondateur de Trafigura, Claude Dauphin et son directeur Afrique Jean-Pierre Valentini sont interpellés à l’aéroport d’Abidjan. Les deux hommes ont été remis à la police judiciaire ivoirienne, qui les a interrogés, puis mis à la disposition du procureur de la République qui leur a signifié leur mise en examen. Les deux hommes ont été écroués.
- 24 septembre 2006 : Trafigura nie à nouveau toute responsabilité. « La cause de la tragédie n’a pas été établie », estime-t-elle dans un communiqué.
- 23 juillet 2010 : Trafigura condamné à 1 million d’euros d’amende par un tribunal d’Amsterdam.
Une sélection faite par Sériba K. avec wikipedia
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