[Accès universel à l’électricité en 2025] La Côte d’Ivoire est-elle en passe de réussir son pari ?
L’électrification des villages en Côte d’Ivoire transforme la vie des populations et stimule l’économie locale. À l’horizon 2025, le pays vise l’accès universel à l’électricité. Analyse d’un chantier stratégique.
Abidjan, le 07 avril 2025 (lepointsur.com) – Pari ambitieux du gouvernement ivoirien, l’accès universel à l’électricité d’ici à 2025 semble se rapprocher de la réalité. En effet, avec une progression spectaculaire du taux d’électrification en zone rurale, le pays affiche des résultats encourageants. Mais derrière les chiffres, se posent les questions de durabilité, d’inclusivité et d’impact réel sur les populations. Analyse d’un chantier stratégique.
En 2011, seulement 2 851 localités ivoiriennes étaient électrifiées. En 2023, ce chiffre dépassait 7 500, témoignant d’une politique soutenue de déploiement de l’électricité dans les zones les plus reculées du pays. Ce progrès impressionnant est porté notamment par le programme « Électricité Pour Tous », qui facilite l’accès au courant électrique via un tarif social de 1 000 FCFA pour le raccordement initial. Résultat : près de deux millions de foyers ont déjà été connectés au réseau.
À l’horizon 2025, le gouvernement vise un taux de 100 % de localités électrifiées, contre 94 % atteints actuellement, selon les dernières données communiquées par le président Alassane Ouattara. Ce taux de couverture, qui place la Côte d’Ivoire en tête de file dans la sous-région ouest-africaine, illustre une volonté politique affirmée.
Plus qu’une simple infrastructure, l’électricité transforme les modes de vie. Dans les villages où elle est désormais disponible, le changement est palpable. Les boutiques s’équipent de congélateurs, permettant la vente de boissons fraîches ou la conservation de produits périssables. Les femmes développent des activités génératrices de revenus, notamment autour de la vente de jus pendant le Ramadan. Les élèves révisent le soir, les enseignants restent plus longtemps en poste, et l’accès à l’information s’améliore grâce à la télévision et à Internet.
L’électricité devient ainsi un levier d’inclusion économique et sociale, réduisant les inégalités entre milieux urbains et ruraux. Elle contribue également à freiner l’exode rural, en améliorant les conditions de vie dans les campagnes.
La réussite de cette politique repose aussi sur le renforcement des capacités de production. Entre 2011 et 2023, la puissance installée est passée de 1 391 mégawatts à 2 907 mégawatts, selon les chiffres du ministère des Mines, du Pétrole et de l’Énergie. Cette augmentation a permis de sécuriser l’approvisionnement national, tout en maintenant les exportations d’électricité vers plusieurs pays voisins, un atout géostratégique pour la Côte d’Ivoire.
Par ailleurs, l’État a multiplié les partenariats publics-privés, favorisant l’extension des réseaux et la construction de nouvelles infrastructures. Le cadre réglementaire a été assoupli pour permettre l’implication des opérateurs privés, notamment dans les énergies renouvelables, en soutien au réseau national.
Malgré ces avancées notables, des défis subsistent, notamment pour électrifier les localités les plus enclavées. L’installation de poteaux électriques dans des zones difficilement accessibles, le coût élevé du transport du matériel et l’instabilité de certaines zones rurales ralentissent parfois les travaux.
De plus, l’accès à l’électricité ne garantit pas son usage effectif : certaines familles, bien que raccordées, peinent à assumer le coût régulier de la consommation. L’enjeu n’est donc pas uniquement l’extension du réseau, mais aussi la pérennisation de l’accès et la démocratisation de l’usage.
L’autre grand défi pour l’État reste l’inclusivité : comment s’assurer que l’ensemble des populations — y compris les plus pauvres ou les plus isolées — bénéficient réellement de cette avancée ? L’électricité doit être pensée comme un droit fondamental et non un privilège. Cela suppose un accompagnement social, un renforcement des compétences locales pour l’entretien des équipements, et une réflexion sur les modèles tarifaires.
En parallèle, l’enjeu environnemental doit être pris en compte. L’essor des énergies renouvelables (solaire, hydroélectrique, biomasse) offre une opportunité pour diversifier les sources de production, tout en assurant une transition vers une électrification plus verte et résiliente.
La Côte d’Ivoire a indéniablement pris un tournant stratégique en matière d’électrification. Les résultats obtenus sont spectaculaires et montrent qu’un accès universel à l’électricité d’ici à 2025 est techniquement et politiquement possible. Mais la véritable mesure du succès ne se lira pas uniquement dans les taux de couverture.
Elle se jugera à l’aune de l’impact réel sur le développement humain, à la capacité des populations à s’approprier cette énergie, à sa durabilité dans le temps, et à la réduction des inégalités territoriales. C’est à cette condition que la lumière deviendra un véritable facteur d’émancipation collective — et non une simple prouesse technique.
Médard KOFFI