Zio Moussa, Yves De Séry, Augustin Kuyo…ces plumes qui versent leurs larmes pour Azo Vauguy
Journaliste, poète et homme de culture, Azo Vauguy n’est plus du monde des vivants depuis jeudi 23 avril 2020. La grande famille des journalistes a du mal à croire en la disparition de l’auteur du recueil ‘’Zakwato’’. Les yeux remplis de larmes, Zio Moussa, Yves De Séry et Augustin Kuyo rendent lui hommage.
À toi Ato Azo
- Les larmes d’un homme qui ne pleure plus
- Les larmes d’un homme qui n’a plus de larmes
- Moi qui n’ai plus de larmes, j’ai pleuré ce matin
Moi qui ne pleure plus ni devant la mort ni face à la mort depuis tant d’années ; tant, tant de malheurs ont tari la source de mes larmes,
J’ai pleuré ce matin.
Moi qui déteste tant crier mon impuissance face à la détresse de ceux et celles qui comptent pour moi, et face à ma propre détresse ; tant, tant de détresses ont cousu de fil noir mes 66 balais,
J’ai pleuré ce matin de rage impuissante.
Douleur immense. Cri silencieux.
Azo et moi avions des liens si forts ! Deux destins d’humilité et de modestie forgés par des douleurs sans rémission.
Lui, blessé tant de fois par la vie et dans sa vie.
Moi, couvert de meurtrissures depuis la pointe des cheveux que je n’ai plus, jusqu’à la plante des pieds.
Nos destins étaient destinés à vivre un parfait parallélisme. À se croiser.
Le journalisme nous a fait nous rencontrer. L’amour des Arts et des Lettres, passion commune et partagée, nous unissait en esprit.
En 2016, c’est à lui, et à personne d’autre, que je confiai la lecture et la relecture de l’un des chapitres du dernier livre qu’Agnès Kraidy et moi écrivions. Je lui fis aussi lire et relire le compuscrit de l’ouvrage d’un ami. Manière de préserver sa dignité qu’il avait intacte et debout, en dépit d’épreuves infinies.
Il était, comme moi qui suis fatigué d’être pauvre, dans le besoin du strict nécessaire. Le véritable minimum du minimum vital.
‘’Il m’a tout dit de comment il a appris et aimé faire la cuisine quand, hébergé à domicile, par le couple Simone et Laurent Gbagbo, il leur mijotait de bons petits plats’’.
Il venait jusqu’à moi, à Grand-Bassam. Nous parlions jusqu’à épuisement de tous les mots.
Il me racontait son unicité. Son amour fusionnel et éternel avec et pour sa mère dont il est l’enfant unique – si les souvenirs de ses confidences à moi sont bons. Et sa peine immense et sa douleur sans fin et chaque jour plus vive de la perte de sa mère, unique comme lui – il n’en avait qu’une seule, comme nous tous.
Il m’a tout dit de comment il a appris et aimé faire la cuisine quand, hébergé à domicile, par le couple Simone et Laurent Gbagbo, il leur mijotait de bons petits plats.
Mais depuis si longtemps déjà, il était sans domicile fixe. Quand un ami compatissant lui a permis de dormir dans son salon. À Yopougon.
Pour ne pas gêner son bienfaiteur, il s’était fait une obligation de partir très tôt le matin de la maison et d’errer à travers la ville jusqu’à la nuit tombante. Jusqu’à épuisement. Jusqu’à… Sans jamais rien demander à personne. Un cycle sans fin, jusqu’à sa fin, dans la nuit dernière.
Grand esprit, sa chair vivait de peu. Son dernier livre, écrit dans la douleur, avec un verbe puisé aux larmes, il me l’a dédicacé d’une phrase sublime qui prend une résonnance particulière en cet instant cruel. Il me l’avait porté jusqu’à Grand-Bassam, chez moi.
‘’Je supplie nos ancêtres et les humains vivants ou morts que jamais ne s’éteigne ton esprit, si grand d’ouverture aux Arts, aux Lettres et, au total, à la Culture. La grande’’.
Ato, Azo
Tu m’as tendu, toi mon ami et mon frère, une main amicale et fraternelle. Je t’ai tendu la mienne, amicale et fraternelle. Je suis assuré que, de là où tu es, et moi, de là où, sursitaire, je me trouve, nous les maintenons serrées, à jamais.
Pour toi, je ne demanderai ni légèreté de la terre aux entrailles si boulimiques des meilleurs d’entre nous, ni repos de ton âme, supplication désuète devenue sentier battu dont on habille à la fois les dépouilles de crétins et de grands hommes.
Pour toi Ato (comme toi et moi aimions à nous appeler)
Je supplie nos ancêtres et les humains vivants ou morts que jamais ne s’éteigne ton esprit, si grand d’ouverture aux Arts, aux Lettres et, au total, à la Culture. La grande.
Tu as traversé la terre des hommes auréolé de ton verbe et de ta dignité dans le malheur et éternellement hélas ! l’oubli de ceux à qui tu n’as pourtant fait que du bien.
Que ton œuvre immortalise ton esprit. C’est ma seule et unique prière. Et elle est pour toi.
Ton Ato
Zio Moussa
Une larme pour Azo
Azo Vauguy, ex- journaliste au groupe de presse La Refondation, éditeur du quotidien La voie, et critique littéraire de haut lignage, s’est éteint hier jeudi 23 avril 2020 dans un modeste centre de santé de Yopougon. Si j’en crois le témoignage du journaliste Armand Bohui, l’homme a succombé à une forte poussée de tension (22/16).
‘’À la vérité, il y a longtemps qu’Azo était condamné. Parti du journal La voie, au lendemain de la crise postélectorale de 2010, il a fait des piges ça et là, sans grande fortune, pour joindre les deux bouts’’.
Je n’ai pas manqué d’écraser une larme traîtresse à la lecture du témoignage du confrère qui avait accepté d’accueillir, ces derniers temps, chez lui, l’aîné Azo Vauguy, déshumanisé par les ronces et les épines de la vie. Parce que, normalement, lorsqu’on fait une crise pareille, ce n’est pas dans un tel endroit qu’on se rend pour espérer la surmonter. Mais que pouvait faire d’autre, le pauvre Armand Bohui, lui-même sans grands moyens?
À la vérité, il y a longtemps qu’Azo était condamné. Parti du journal La voie, au lendemain de la crise postélectorale de 2010, il a fait des piges ça et là, sans grande fortune, pour joindre les deux bouts. Pour l’avoir côtoyé dans une vie antérieure, je garde de lui le souvenir d’un homme affable, moqueur et de vaste culture.
‘’Cher aîné, tu auras vécu pur, fidèle à tes idéaux et loin de la corruption des valeurs auxquelles tu étais attaché’’.
Malheureusement pour lui, notre société relègue à la marge, les hommes de culture, les créateurs, pour accorder la préséance au clinquant et au superflu.
Ils ont donc tous abandonné Azo Vauguy à ses ombres et à ses tourments là où l’homme attendait juste un brin d’humanité.
Et les voici maintenant en train de multiplier les hommages les plus touchants, nous servant des larmes et des douleurs feintes.
Azo jouissait-il d’une pension de retraite pour couler de vieux jours tranquilles? Je n’en suis pas si sûr vu son quotidien et ses derniers jours sur terre.
Quelle a été la solidarité des politiques auxquels Azo a consacré toute sa vie? Qu’avons-nous fait pour empêcher pareille fin à ce militant des temps de braise? Il viendra certainement le temps de l’audit de la gouvernance du pouvoir FPI et surtout son rapport aux hommes et femmes qui ont tout abandonné pour sa gloire, mais pour l’heure, qu’il me soit permis de fustiger ce grand amour que nous continuons de cultiver pour la mort au détriment de la vie. « Gazekagnon », disent justement les Bhété en illustration. Il ne faudra donc pas s’étonner que dans les prochains jours, Azo Vauguy ait droit à des obsèques de haut rang lui qui avait besoin de si peu pour continuer à vivre. Pour poursuivre son art et cette dextérité à faire parler les mots au-delà du sens donné par les auteurs eux-mêmes. Bref!
Cher ainé, tu auras vécu pur, fidèle à tes idéaux et loin de la corruption des valeurs auxquelles tu étais attaché.
Merci pour TOUT Nanégnon.
Maintenant, pars, Azo, intégrer la félicité céleste de Notre Père en qui tu croyais.
Pars, Azo, loin des méchants d’ici.
Oui, va, Loglouto, toi le père de Zakwato, va-t-en, va-t-en…
Pars, Pars, Woody
Adieu Azo Vauguy!!
Yves De Séry
Azo, c’est la vie qui est ainsi faite
Ce temps où l’on fera l’audit de la gouvernance du Fpi et de son rapport aux hommes qui ont tout abandonné pour sa gloire viendra-t-il effectivement un jour? Ce devrait être un grand jour en effet. Parce que la situation des gens comme Azo mérite bien quelques explications.
Pourquoi les gens ont-ils été abandonnés à leur triste sort? Pourquoi n’a-t-on pas fait, ne serait-ce que le minimum pour certains alors que d’autres s’en sortaient à vue d’œil ? Certains avaient-ils plus de mérite que d’autres ? Et puis le personnel de Notre Voie, ceux qui ont accepté les quolibets, les railleries, ceux qui ont accepté le qualificatif de sofas, de journalistes militants, partisans avaient-ils démérité ?
Certains qui manient allègrement aujourd’hui les phraséologies les plus abjectes pour qualifier le positionnement des uns et des autres sont parmi ceux qui avaient oublié jusqu’à l’existence de ces pauvres parce que le pouvoir leur avait donné de nouveaux amis. Ils n’avaient plus besoin de Notre Voie parce qu’ils pouvaient passer à la télé à la radio et dans fraternité matin. Les journalistes de Notre Voie étaient du jour au lendemain devenus nuls et donc infréquentables.
‘’Il n’a jamais considéré sa situation personnelle comme une injustice. Il n’a jamais rien exigé en retour de ce qu’il donné dans le combat pour l’avènement du pouvoir de la refondation’’.
Le drame qu’un homme comme Azo a vécu devrait faire prendre conscience à nous autres qui restons que nous devrions réfléchir à deux fois avant de nous engager à nouveau dans un quelconque combat. Je voudrais rendre un vibrant hommage à cet homme qui avait une relation singulière avec certains des plus hauts dirigeants de l’époque. Parce qu’il n’a jamais considéré sa situation personnelle comme une injustice.
Il n’a jamais rien exigé en retour de ce qu’il donné dans le combat pour l’avènement du pouvoir de la refondation. Il a vécu la vie que Dieu lui a donnée sans récrimination et sans complainte. Il part de ce monde l’âme en paix et laissant les remords à ceux qui l’ont méprisé jusque dans la tombe. Et qui viendront à coup sûr verser des larmes de crocodile. Mais c’est la vie qui est ainsi faite.
Augustin Kuyo
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