[Visite d’État dans le Hambol] SOS, le Centre de formation professionnelle de Katiola sinistré
50 ans après sa création (1970-2020), le Centre de formation professionnelle de Katiola (CFP), dans la région du Hambol, ploie sous le poids de la vétusté du matériel et du manque de moyens financiers. À quelques jours de la visite d’État du président, Alassane Ouattara, dans cette localité, la direction générale de l’établissement appelle à l’aide. Reportage…
Mercredi 20 novembre 2019, il est 9h environ, Ouattara Waman Noël, 19 ans, élève en 1ère année de maçonnerie au Centre de formation professionnelle (CFP) de Katiola, sac au dos, suintant de sueur vient d’arriver à pied de Kationon, un village situé à 2 km de son établissement pour les cours. Tout comme lui, Emmanuel Konan Kouassi, 20 ans, en 2e année d’électricité-bâtiment et son frère cadet Abel Agbati N’Goran, 19 ans, en 2e année de maçonnerie ainsi que Mlle Stéphanie Oilivia Zablé Lou, 19 ans, en 3e année de mécanique-auto, bien que résidant dans de différents quartiers de la ville, arpentent les ruelles à pied pour se rendre au CFP chaque fois qu’ils ont cours. Nous sommes à Katiola, chef-lieu du département et de la région du Hambol, ville située dans le centre-nord de la Côte d’Ivoire.
C’est dans cette localité, qu’à la souffrance des 283 apprenants du Centre de formation professionnelle de la rentrée 2019-2020 s’ajoutent le manque criant de matériels et le faible budget de fonctionnement, 50 ans après la création de l’établissement.
Parti d’un simple centre de formation artisanal à sa création en 1970, il a été érigé en centre de formation professionnelle (CFP) en 1998. 50 années plus tard, le peu de matériel qui ne répond plus aux exigences des apprenants, croule sous le poids de la vétusté. Même l’internat et le réfectoire qui doivent accueillir les étudiants venant de divers horizons de la Côte d’Ivoire tombent en ruine. « Nous n’avons pas le choix, c’est pourquoi nous souhaitons l’ouverture de l’internat et du réfectoire pour amoindrir nos souffrances », plaident les élèves.
Les élèves de l’atelier de plomberie-sanitaire sont envahis par les bruits assourdissants des machines de la menuiserie et ceux de l’électricité. En cause, l’atelier de plomberie-sanitaire a le malheur d’être situé entre les deux autres cités. Comme si cela ne suffisait pas, il est dans un état de délabrement très avancé. Le matériel de plomberie quasi-inexistant, les murs crasseux et humides qui dégagent une odeur suffocante en rajoutent à la souffrance du professeur de plomberie-sanitaire, Simplice Allou et ses apprenants. « Nous avons fini par nous y habituer et nous faisons avec », indique l’enseignant.
À l’atelier de menuiserie, Traoré Amidou et Soro Bakary, respectivement chef d’atelier et professeur de menuiserie sont concentrés sur leur travail et ne se soucient pas du bruit des machines, qui gêne leurs voisins. Mais c’est une réelle préoccupation pour le directeur général du CFP de Katiola, Guy-Roland Koffi Kouakou. «Il faut les délocaliser », propose-t-il.
Des équipements non adaptés et vétustes
Au nombre des difficultés, les trois salles qui font office d’internat sont fermées depuis 2002. La salle informatique n’existe que de nom. Celle de la plomberie sanitaire et des autres filières manquent d’équipements adaptés. Elles ont reçu chacune un appui du Japon, mais une bonne partie du matériel ne répond pas aux besoins de la formation dispensée au CFP. Les moyens financiers pour entretenir ceux qui sont fonctionnels font défaut. « Il serait souhaitable de créer une ligne d’entretien des équipements des matériels de la formation professionnelle », estime le directeur général du CFP, Guy-Roland Koffi Kouakou.
Selon lui, le CFP de Katiola est le plus grand centre de formation en Côte d’Ivoire où les enseignants forment les apprenants dans sept filières dont cinq en génie civil : la maçonnerie, l’électricité-bâtiment, la plomberie-sanitaire, peinture bâtiment et la menuiserie. Les deux autres filières sont la mécanique-auto et la construction-métallique. «Nous saluons les efforts du gouvernement, mais il y a beaucoup à faire pour former notre jeunesse à l’entreprenariat, et, dans le même temps, les maintenir dans de bonnes conditions dans la région du Hambol», indique-t-il.
Après l’expertise du ministère de la Construction et de l’Urbanisme de Katiola avec qui, la direction a revérifié le bornage, l’établissement s’étend sur une superficie de 6 ha au-delà de la clôture. Pour que cette partie non exploitée ne soit pas ‘’annexée’’, Guy-Roland Koffi Kouakou a opté pour planting d’arbres. « Nous l’avons fait au cas où, dans un futur proche, le CFP deviendrait un lycée professionnel», renchérit notre interlocuteur.
‘’Les moyens financiers ne peuvent supporter toutes les charges qu’en trois semaines’’
L’école a un budget de fonctionnement de 7 millions FCFA exécuté à 70% dans l’année (9 mois de cours), ce qui fait environ 4 millions 9 mille FCFA, selon le directeur. C’est-à-dire, par trimestre l’école doit dépenser, environ 1 million 300 mille d’où elle doit retirer les frais d’entretien, le fonctionnement de l’établissement. Il ne reste que 900 000 à répartir entre les 7 filières ; chaque filière se retrouve avec un peu moins de 130 mille FCFA par trimestre. « Les moyens mis à la disposition de l’école pour les 9 mois ne peuvent supporter toutes les charges qu’en trois semaines », s’indigne le directeur général. « Pour la construction métallique, la feuille de tôle, le minimum, c’est 3 000 FCFA. Quand vous avez 45 élèves à qui il faut donner deux feuilles de tôle, les cinq ateliers sont absorbés en trois mois. À la maçonnerie aussi, il faut trouver du sable et du ciment dont la tonne coûte environ 90 000 FCFA, sans compter l’achat et transport du sable », explique-t-il.
Des propositions comme solution
Pour pallier cet état de fait, le gouvernement ivoirien propose que les établissements des formations professionnelles s’approprient le concept de partenariat avec les entreprises de leur environnement socio-économique. Fofié Koffi en qualité de représentant du secrétaire d’État chargé de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle avait donné le ton le 7 novembre 2019, à l’ouverture de la rencontre Ecole-Entreprise. « Les écoles doivent s’approprier le concept et établir des partenariats avec les entreprises de leur environnement socio-économique. La rencontre entre l’école et le milieu productif est un axe majeur pour atteindre les objectifs d’insertion professionnelle », avait-t-il indiqué.
Par ailleurs, la commission Finance de l’Assemblée nationale avait adopté, le mercredi 20 novembre 2019, le projet de budget de 18,178 milliards FCFA proposé par Touré Mamadou, ministre de la Promotion de la Jeunesse et de l’Emploi des Jeunes, loin derrière celui du ministère de l’Éducation nationale qui est de 955.931 905 381 FCFA. « L’année 2020 verra une amplification des initiatives en faveur de l’insertion des jeunes ivoiriens », promettait-il.
La volonté de l’État de former des apprenants dans les différents secteurs d’activités dont les écoles de formation est loin de se concrétiser pour faute de dotation financière conséquente et de matériel de pointe.
Sériba Koné, envoyé spécial dans le Hambol.
Encadré
Plusieurs apprenants, peu d’élus
Pour l’insertion des apprenants en fin de cycle, la direction de l’Apprentissage et de l’Insertion professionnelle indique que 90% des élèves formés sont destinés au secteur privé. Cependant, depuis 2017 que Guy-Roland Koffi Kouakou dirige le CFP de Katiola, 32% de ses élèves ont été insérés dans la vie active, selon les dernières statistiques nationales.
Pour lui, atteindre un tel taux d’insertion à Katiola est « satisfaisant parce que 80% des entreprises sont à Abidjan ». Depuis octobre 2017, il a assis sa vision en fonction des réalités de la Katiola. Pour lui, il y a lieu de reformer les filières parce qu’elles ne répondent plus aux besoins des entreprises, qui sont, entre autres, l’élecrto-technique, le peintre-calligraphe.
Par exemple, pour cette réforme, il souhaite que pour la mécanique, que l’école fasse aussi de la mécanique moto parce que Katiola est dans une zone où il y a plus d’engins à deux roues que de véhicules. Aussi, étant donné que la localité est au-dessus du 7e parallèle, il recommande de faire de la menuiserie-aluminium.
Les apprenants comme Emmanuel Konan Kouassi 20 ans, en 2e année d’électricité-bâtiment et son frère Abel Agbati N’Goran, 19 ans, en 2e année de maçonnerie, venus de Yamoussoukro depuis 2018, louent une maison à 7000 FCFA par mois au quartier Gbedekaha. Pour la nourriture, ils doivent attendre l’aide des parents. Mlle Stéphanie Oilivia Zablé Lou, 19 ans, en 3e année de mécanique-auto, dont les parents résident à Sakassou, vit chez un tuteur au quartier Pédiakaha 1 de Katiola. Tous se rendent à pied au CFP dans l’optique d’obtenir leur diplôme de fin cycle et s’insérer dans la vie active.
La volonté y est, mais pour quel débouché à Katiola, Yamoussoukro ou Sakassou? Cette interrogation n’est pas pour l’heure la priorité pour ces apprenants. Cependant, force est de constater qu’après la fin de leur formation, en quête d’emploi, ils doivent s’armer de courage pour raser les murs des bureaux d’Abidjan où 80% des entreprises sont concentrées.
Ceux qui voudront rester sur place à Katiola et un peu ailleurs dans le pays, doivent conquérir le cœur des responsables des 20% des entreprises restantes après les dures réalités du centre.
Sériba K.
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