Violation des lois de Finances, arriérés de salaires des agents de l’AGETU/ Comment le District d’Abidjan sème le désordre au sein du transport urbain
Récemment, le Syndicat des Agents de l’Agetu a projeté une grève illimitée à cause de salaires impayés portant sur quatre mois d’arriérés. Pour cerner les causes exactes de ce débraye, nous avons rencontré certains acteurs et premiers responsables du milieu des transports urbains à Abidjan. Enquête…
Dans les années 1996, 1997, 1998, l’Etat de Côte d’Ivoire s’est engagé dans une réforme avec la Banque mondiale afin de moderniser le secteur du transport terrestre en général et celui du milieu urbain en particulier. C’est ainsi, qu’au bout de maintes réflexions et après des travaux en commissions interministérielles, des structures étatiques comme la Société Nationale des Transports Terrestres (SONATT) et l’Agence des Transports Urbains (AGETU) vont voir le jour.
Après la mise en place de ces structures, l’Etat a pris soin de faire voter des lois par les députés à l’Assemblée nationale. C’est ainsi que, concernant l’AGETU, le cas qui nous intéresse, il a été voté dans un premier temps, la loi n°2003-489 du 26 décembre 2003 portant Régime financier, fiscal et domanial des Collectivités territoriales.
Fonctionnement précaire de la loi portant annexe fiscale 2004
Les taxis communaux payaient les taxes de stationnement selon la taille de la commune en fonction de la loi de Finances 2004. A en croire le Directeur Général de l’AGETU, Félix Ve Sodet il était perçu 150 mille FCFA pour un taxi-compteur en première autorisation et 100 mille FCFA pour le renouvellement de l’autorisation (le renouvellement coutait 118.000 FCFA avant la prise de la loi) de titre de transport. En ce qui concerne les taxis communaux, le montant varie toujours en fonction de la taille des populations, en termes démographique. Cette taxe est de 80 mille FCFA pour la plupart des communes. « Ces taxes étaient encaissées par l’AGETU selon la loi des finances de 2004 et reparties à hauteur de 60% pour l’AGETU, 40% pour les collectivités du périmètre d’activités de l’AGETU (Ndlr : Les treize communes du District d’Abidjan) ainsi que les autres communes comme Grand-Bassam, Dabou et Jacqueville. La taxe de stationnement était supposée être comprise dans ce qui était prélevé sur les contribuables. Bien entendu, les véhicules tels que les bâchés, les cars interurbains et autres camions de marchandises devraient continuer de payer leurs taxes de stationnement, » a indiqué M. Félix Veh Sodet. Tout ce dispositif a fonctionné sans encombre, selon lui entre 2004, 2005 et 2006. Mais après 2007, les collectivités du périmètre d’activités de l’AGETU à savoir les treize communes du District d’Abidjan ainsi que celles de Grand-Bassam, Dabou et Jacqueville se sont désolidarisées de cette loi. En effet, en 2006, le mécanisme de partage entre l’AGETU et les collectivités a fait l’objet d’incompréhension. Il n’y a pas eu d’accord sur les quotes-parts qui étaient reversées de part et d’autres. « Quand on doit partager quelque chose il faut être d’accord sur ce qu’il y a à partager sinon, il y a toujours une plainte de la part d’une des parties prenantes. Ainsi, en 2007, les collectivités se sont désolidarisées de ce mécanisme. Elles ont donc repris la mise en œuvre des taxes de stationnement, » a fait remarquer le DG de l’AGETU. Face à cet épineux problème qui frise la violation de la loi, l’Etat va prendre l’ordonnance n°2007-488 du 31 mai portant budget de l’Etat pour la gestion 2007 et confier le recouvrement à la Direction Générale des Impôts en lieu et place de l’AGETU, en son article 42 qui inscrit ce qui suit: Institution d’une Taxe de Transport Urbain (TTU) dans le Périmètre des Transports Urbains (PTU) en substitution de la redevance d’autorisation de transport. En son point 1 l’article en question stipule : « Il est institué auprès de la Direction Générale des Impôts, une taxe de transport urbain qui est une redevance annuelle payée au titre de l’exploitation des services de transport urbain qui se substitue à la redevance d’autorisation, à la taxe sur les taxis et à la taxe sur l’exploitation des embarcations prélevées par les communes ; ainsi qu’à la taxe sur les taxis interurbains, intercommunaux ou ceux dotés d’un compteur prélevé par le District d’Abidjan prévue à l’article 34 de l’annexe fiscale à la loi n°2004-271 du 15 avril 2004 portant loi des Finances 2004« . Ainsi, selon cette loi « Dans le ressort territorial l’AGETU, la taxe de transport urbain se substitue à la taxe sur les taxis et à la taxe sur l’exploitation des embarcations prélevées par les communes ; ainsi qu’à la taxe sur les taxis interurbains, intercommunaux ou ceux dotés d’un compteur prélevé par le District d’Abidjan. » Ces dispositions étaient loin d’être prises en compte tant le District d’Abidjan et les collectivités tenaient à plonger le transport urbain dans une confusion.
L’AGETU prend des dispositions mais…
A la question de savoir quelles ont été les dispositions prises par l’GETU auprès des autorités afin d’enrayer la fâcheuse parenthèse de violation de loi, M. Félix Veh Sodet a d’abord déploré la grave crise traversée par la Côte d’Ivoire pendant une longue période. « Toutes les démarches entreprises par mes prédécesseurs, à cette époque, sont restées vaines et même jusqu’à ces dernières années « . En témoigne le courrier du 30 avril 2012, du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Hamed Bakayoko. Une correspondance adressée aux Mairies des communes du District d’Abidjan et des communes de Grand-Bassam, Jacqueville et Dabou, dont l’objet est intitulé comme suit : Respect de l’article 42 de l’annexe fiscale 2007 (Voir fac-similé). Pire, un communiqué paraphé le 9 juillet 2013, par les ministres en charge des Transports, de la Sécurité, de la Défense et de l’Economie, devrait mettre fin à ce désordre par une stricte application des textes en vigueur. « Le Ministre des Transports tient à rassurer l’ensemble des acteurs du transport routier et les usagers, de sa ferme volonté à faire poursuivre ces opérations en vue d’un assainissement total et durable du secteur« , conclu le communiqué. Malheureusement, les mêmes pratiques ont repris de plus belle avec le cafouillage et le désordre qui caractérise ce milieu.
Le secteur des transports urbains se porte très mal.
Le problème de taxis banalisés, disons-le tout net, est lié à la confusion fiscale qui règne dans ce secteur. Les opérateurs du transport urbain (chauffeurs) n’ont aucune lisibilité, avec cette confusion. Faut-il payer la TTU aux impôts comme l’exige la loi des finances ? Ou bien faut-il payer la carte de stationnement aux collectivités ? « Pour éviter d’être brutalisé et de voir leurs véhicules saccagés par les agents des polices municipales, ou même des chargeurs (coxers) ces derniers sont obligés de verser la somme de 18.000 FCFA de taxe de stationnement au District d’Abidjan. Cette somme n’est pas recouvrée par les impôts. Elle est perçue par les receveurs municipaux qui les mettent à la dispositions des municipalités, » a indiqué le président des taxis-compteurs Coulibaly Adama. Combien de véhicules cotisent-ils pour cette caisse illégale imposée aux transporteur ? Seuls les premiers responsables du transport terrestre au sein des collectivités et du District d’Abidjan ont une réponse à cette interrogation.
Quand le District d’Abidjan froisse les textes de loi au profit d’une caisse noire
La Côte d’Ivoire peut-elle être émergente dans un pays où personne ne respecte la signature de l’autorité ? La question mérite d’être posée. Tant, l’émergence dont il est question, c’est dans moins de six ans (2020). Et les mauvaises habitudes de grilleurs d’arachide reviennent au galop au grand dam de la bonne gouvernance. En effet, avant que le Secrétaire Général du Syndicat des Agents de l’AGETU, Kouassi Jonas, et ses membres projettent une grève illimitée récemment, pour quatre mois d’arriérés de salaires liées à la violation de la loi de Finances, le ministre des Transports ivoiriens Gaoussou Touré a, dans un autre courrier en date du 9 décembre 2013, N°002191/MT/CAB adressé au Gouverneur du District d’Abidjan, Robert Beugré Mambé demandé « l’interdiction de prélèvement de la taxe de stationnement . »(Voir Fac-Similé).
Malgré cette correspondance, le Directeur chargé des Transports au District d’Abidjan Isidore Boivin continue d’émettre des taxes de stationnement sur les taxis. (Voir Fac-Similé). Joint par téléphone portable, le vendredi 28 février 2014 pour prendre un rendez-vous ferme avec lui, l’homme est plutôt resté dans des discours qui n’ont rien à voir avec notre préoccupation. A savoir qui nous a remis son contact portable ? Avant de nous lancer à la figure qu’il y a « une annexe fiscale » sur laquelle il s’appuie pour délivrer les Taxes de Stationnement aux taxis. Rendez-vous pris à son bureau sis en face du Tribunal du Plateau lundi 3 mars celui qui s’est présenté, outre sa fonction comme l’un des administrateurs de l’AGETU et conseiller du Gouverneur du District a refusé de prendre ses responsabilités. Il s’est contenté de nous dire de rester à l’écoute jusqu’à ce que son patron lui donne l’autorisation de s’ouvrir à nous. Du lundi 3 mars à ce que nous mettions l’information sous presse toutes nos démarches ainsi que nos appels sont restés sans suite. Si telle est qu’une annexe fiscale exigeait la création d’une caisse parallèle autre les Impôts, pourquoi le Ministre des Transports, M. Gaoussou Touré a-t-il fait le courrier ci-dessus ? Lui, ainsi que celui de l’Intérieur et de la sécurité, Hamed Bakayoko ne savent-ils pas lire les textes de loi au point de s’appuyer sur des articles pour faire des communiqués d’interdiction de prélèvements de taxes de stationnement? En tout état de cause, la position manifestement non fondée du Directeur chargé des Transports au District d’Abidjan, Isidore Boivin achève de convaincre que le l’administrateur de l’AGETU, par ailleurs conseiller du Gouverneur Robert Beugré Mambé a fait une fuite en avant. Sachant bien que, l’article 35 de l’annexe fiscale n°2004-271 du 15 avril 2004 portant loi des Finances 2004 sur l’Aménagement de taxes et de redevance aux services de transport urbain est clair : « Il est institué auprès de l’Agence des Transports Urbains (AGETU), une taxe d’inscription et une redevance d’autorisation annuelle lors de la délivrance et contrôle des titres de transports« . Ce qui démontre de loin que l’Etat a mis un système de qualité dont le travail est fait par une structure qualifiée (AGETU), reste à appliquer la loi qui donne tous les pouvoirs à cette agence.
Sériba Koné
Encadré
A quand le respect de la signature des autorités ?
L’Etat de belligérance est loin, très loin derrière les autorités ivoiriennes. La Côte d’Ivoire est un Etat de droit dans lequel le respect des engagements doit être pris au sérieux. L’Etat s’est doté d’un outil (AGETU) qu’il faut laisser fonctionner normalement, en appliquant dans le fond et dans la forme les lois des Finances.
Si les autorités parlent de plus en plus d’émergence en 2020, il faut sortir des problèmes de cristallisation sur des taxes parce que l’enjeu des transports va bien au-delà de ces taxes. Une loi est prise depuis 2004, modifiée en 2007, mais le désordre s’amplifie parce que les contribuables du secteur, à savoir les transporteurs n’ont aucune lisibilité de la fiscalité des transports urbains à Abidjan. Pourquoi ne pas l’appliquer pour voir ses insuffisances et ses forces ? On peut le dire tout net, les députés ont siégé pour rien parce qu’aucune loi n’est mise en pratique. Comment peuvent-ils légiférer pour s’interroger sur certaines questions susceptibles de faire sortir le transport urbain de l’informel ? Les problèmes s’intensifient, en effets nocifs avec des véhicules qui polluent l’environnement. Ces véhicules prennent une carte de stationnement dans la commune de départ, et une autre dans la commune d’arrivée et hop ! Les voilà transporteurs. Or, par rapport à toute cette réforme le ministère a décidé d’instaurer des normes, un certain nombre de processus par lequel il faut faire obligation à tous ces opérateurs d’être à jour avant de se voir délivrer une autorisation de transport qui garantisse notamment la sécurité des passagers. Dans ce cas, les impayés de salaires des agents des grévistes de l’AGETU ne sont que l’un des symptômes, tout comme le désordre dans le transport urbain en est un autre, lesquels viennent de la même cause créée par la confusion fiscale.
Sériba K.
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