Actualite, Technologie

[USA] Comment la publicité a provoqué le divorce entre Facebook et WhatsApp# technologie


Les fondateurs de WhatsApp ont renoncé à 1,3 milliard en stock-options, sur fond de désaccord avec Facebook sur le sujet sensible des données personnelles, rapporte les Echos du 21 mars 2018. Facebook est dans la tourmente après les révélations sur  l’affaire « Cambridge Analytica ». Le réseau social aux plus de deux milliards d’amis plonge en Bourse et essuie de vives critiques en raison de l’utilisation jugée abusive des données personnelles de ses utilisateurs.

Un appel au boycott est même lancé sur les réseaux sociaux avec le mot-dièse (hashtag) #DeleteFacebook (« Supprime Facebook »). Parmi les internautes en colère, un militant pas comme les autres : Brian Acton. Le cofondateur de la messagerie WhatsApp,  rachetée 22 milliards de dollars par Facebook en 2014, provoque  une onde de choc mondial en tweetant : « Il est temps : #DeleteFacebook. »

Crise rendue publique

Les défenseurs des libertés numériques saluent ce geste, tandis que les mauvaises langues ironisent sur l’ingratitude et l’hypocrisie d’un homme qui doit sa fortune colossale (6,2 milliards de dollars en 2018) à Mark Zuckerberg. Il n’empêche : ce message inattendu jette une lumière crue sur les tensions latentes entre Brian Acton, démissionnaire de WhatsApp quelques mois plus tôt, et la direction de Facebook. Un mois plus tard, nouveau coup de tonnerre. Jan Koum, le cofondateur de WhatsApp,  annonce à son tour son départ de l’entreprise – il devrait être effectif cet été.

Une décision interprétée comme un geste de défiance envers Facebook. En quittant leur société, Brian Acton et Jan Koum font un lourd sacrifice financier. Selon une enquête du  Wall Street Journal, ils vont renoncer à 1,3 milliard de dollars de stock-options (900 et 400 millions de dollars respectivement). Mais pour eux, c’était le prix à payer pour retrouver leur liberté après un mariage raté avec le géant de Menlo Park.

Une « success story »

L’histoire avait pourtant bien commencé. En 2009, Jan Koum, un immigré ukrainien de 33 ans vivant aux Etats-Unis, fonde WhatsApp avec son collègue de Yahoo!, Brian Acton. Leur objectif est simple : créer une messagerie qui remplacera les textos, alors que le marché du smartphone explose. Après cinq ans d’existence, la jeune pousse compte 450 millions d’utilisateurs par mois. Une réussite inespérée.

De quoi attirer les convoitises des géants du Web. Malgré  les avances de Google, c’est Facebook, qui met la main sur WhatsApp, réalisant à cette occasion  la plus grosse acquisition de son histoire. Du jour au lendemain, les 55 salariés de la start-up deviennent millionnaires, ses cofondateurs multimilliardaires.

Dans l’orbite de Facebook, WhatsApp a continué à grossir : le service de messagerie comptait 1,5 milliard d’utilisateurs à la fin 2017. Plus de 60 milliards de messages y sont échangés chaque jour. Malgré tout, les désaccords entre les dirigeants des deux sociétés n’ont cessé de croître au fil des ans. Jusqu’à tourner au vinaigre.

Course à la rentabilité

Il faut dire que les deux groupes n’ont jamais eu le même ADN. La publicité est  au cœur du modèle économique de Facebook . Elle lui a permis de se hisser parmi les entreprises les plus puissantes de la planète, tout en proposant un service gratuit.
A l’inverse, WhatsApp s’est construit sur deux piliers : le respect de la vie privée avec le  chiffrement des messages de bout en bout et le rejet de la publicité. D’où d’inévitables conflits avec Facebook sur la stratégie à adopter pour monétiser l’audience exceptionnelle de la messagerie.

Sheryl Sandberg, la directrice des opérations de Facebook, et Mark Zuckerberg, ont ainsi souvent cité en exemple Instagram – l’un des moteurs de croissance de Facebook grâce à la publicité – devant Brian Acton et Jan Koum pour les inciter à faire évoluer leur modèle économique et rentabiliser leur investissement, rapporte le Wall Street Journal.
Ce sont d’ailleurs les discussions entre les dirigeants des deux groupes pour placer de la publicité dans la fonctionnalité « statut » de WhatsApp qui ont précipité le départ de Brian Acton en septembre. Après avoir  annoncé le sien en avril, Jan Koum a ainsi rappelé son hostilité à la publicité, tout en affirmant que si des publicités devaient arriver un jour sur l’application, les placer dans les statuts serait la moins mauvaise solution. Un message interprété par certains salariés comme une forme de capitulation…

Pied-de-nez
Au-delà du scandale « Cambridge Analytica » qui l’a ébranlé, Jan Koum aurait également été irrité par la volonté de Facebook  d’affaiblir le système de chiffrement  de la plateforme de messagerie afin de permettre des interconnexions avec des services tiers – et, in fine, augmenter la rentabilité de l’entreprise.

Si l’Ukrainien n’a pas encore donné d’indices sur son futur professionnel, Brian Acton a déjà rebondi. Comme un pied de nez à Facebook, il a investi  50 millions de dollars dans Signal, une application de messagerie chiffrée en plein boom, « qui souhaite rendre les conversations privées accessibles et omniprésentes ».

EKB   

Commentaires

commentaires