Culture

Traoré Moussa, président sortant de l’Unjci : « Pourquoi je brigue un second mandat « (Interview)


-« Je suis le sphinx qui renaît toujours de ses cendres » #UNJCI

La mine toujours gaie, l’air jovial, ce solide gaillard, actuel Directeur de publication du quotidien « L’expression » proche du pouvoir achève son premier mandat de trois ans à la tête de la plus influente organisation des journalistes de Côte d’Ivoire (l’Unjci). Nonobstant les difficultés qui ont émaillé ce triennat, Traoré Ahmed Moussa, ce natif de Bonoua,  d’un père malinké et d’une mère abouré, plus connu sous ses initiales MT songe à un deuxième mandat. Jouant parfois les accrocs et donnant aussi des coups à ses adversaires, le président sortant de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire est formel : « les acquis consolidés, les grains semés, l’heure est venue de récolter les fruits ». Cette moisson qui s’annonce abondante ne saurait se faire sans lui. Il s’en explique

Candidature_MT-4Pourquoi, briguez-vous un deuxième mandat à la tête de l’Unjci ?

Je sollicite un deuxième mandat parce que j’estime que j’ai ouvert beaucoup de chantiers qu’il faut concrétiser. Les trois premières années nous ont permis de consolider les acquis, de nouer beaucoup de partenariats. Le moment est venu de récolter ce que nous avons fait. Nous avons posé beaucoup d’actions en faveur des médias et je suis persuadé que je peux faire mieux avec et pour les confrères. C’est pour cela que j’ai décidé de me porter candidat.

Qu’ont gagné les journalistes avec vous pour qu’ils vous renouvellent leur confiance pour un deuxième mandat ?

Si je veux citer les actions que nous avons menées en trois ans, je pense que le temps de cette interview ne suffira pas pour les égrener. En trois ans, je n’ai jamais laissé passer une semaine sans poser un acte en faveur des journalistes. A titre d’exemple, quand nous arrivions, la Maison de la presse n’était pas fréquentée. Aujourd’hui, il ne peut   pas  se passer trois jours sans qu’il n’y ait une activité à la Maison de la presse. La MPA est devenue un carrefour incontournable, si bien qu’aucune manifestation nationale ne se passe sans que la Maison de la presse n’y prenne  part. Le dernier événement en date,  c’est la coupe d’Afrique qui a été présentée à l’Unjci à travers la MPA, nous sommes la seule association non politique à l’avoir reçue. Quand on lance le projet des logements sociaux, on ouvre un bureau à la MPA. Quand on lance la couverture maladie universelle, on ouvre un bureau à la MPA. Tout cela est le fruit de notre travail. Nous avons repeint notre maison, installé un mobilier haut de gamme, refait le câblage. Nous avions trouvé un cybercafé payant que nous avons rendu gratuit. Nous avons équipé et fait recruter le personnel médical au sein du centre de santé. Nous avons fait de notre bibliothèque, un vaste champ de documentation. Nous y avons disposé tous les ouvrages écrits par les journalistes de Côte d’Ivoire. Tels, Diégou Bailly,  Jérôme Carlos à Dan Moussa,  en passant par Alafé Wakili , Lebel Ilboudo, Anzata Ouattara et autres. Nous avons fait pour la MPA un travail colossal et remarquable.

S’agissant de la liberté de la presse, à notre arrivée,  la commémoration se déroulait dans une salle à Cocody. Mais, aujourd’hui,  elle est célébrée de façon majestueuse. Les deux premières années, j’ai organisé une marche et la troisième, un cross. C’est une célébration qui m’a été inspirée par nos confrères libériens et que j’ai vécue. Désormais, nous déplaçons notre ministre de tutelle pour venir lire son message devant les concernés,  c’est-à-dire les journalistes. Cela est une innovation majeure. Toujours à ce sujet, disons que j’ai effectué plusieurs voyages en France, au Maroc, au Bénin, au Ghana, au Togo pour aller convaincre nos confrères exilés de rentrer au pays. Par notre concours,  nombreux sont revenus. Je m’en félicite. Nous avons contribué à faire dégeler leurs avoirs dans les banques. Nous avons fait libérer les maisons de certains d’entre eux. C’est le cas d’Armand Bohui de « Notre Voie ». Nous avons apporté notre assistance à tous les journalistes mêlés à certaines actions qui pouvaient les compromettre. Récemment,  pour un de nos confrères du groupe Olympe qui a été arrêté au Mali, j’ai dû réveiller le ministre de la Défense qui a aussitôt joint son homologue du Mali pour que le confrère soit remis à la gendarmerie ivoirienne. Après les assurances du ministre, notre confrère a pu regagner son domicile deux jours après. Voici des actions que je mène pour les journalistes. Je ne parle pas beaucoup dans les journaux. Je suis plutôt dans l’action.SAM_1355

Vous avez mené beaucoup d’actions en faveur des journalistes, mais comment se fait-il qu’à la fin de votre premier mandat, vous avez des concurrents alors que vos confrères vous auraient simplement accordé un quitus pour travail bien fait ?  Insinuez-vous  que c’est parce que le milieu est ingrat ?

En 2012, j’ai fait ma campagne sans faire référence à mes adversaires. Je n’ai jamais parlé de lui. Mais cette année, j’ai interpellé l’un de mes adversaires pour lui demander d’arrêter de faire référence à moi et de présenter son programme. Parce que,  ceux à qui il parle de moi me connaissent mieux que lui. Donc,  je ne parlerai pas de lui ici. Je me concentrerai sur mon programme. Je lui demanderais de faire en sorte que les élections se déroulent dans un bon esprit. Je n’ai rien contre lui et pourtant,  il raconte partout que j’ai sali l’image de l’union. Mais,  notre avantage est qu’on se connaît tous ici au pays.

On y reviendra mais si vous aviez votre bilan à critiquer, ce serait quoi les points faibles à relever ?

Si vous regardez bien mon projet de 2012, il y a 98 % des promesses qui ont été tenues. La seule chose que je n’ai pas pu réaliser, c’est l’opération immobilière. Promettre la réalisation d’un projet immobilier, c’est mettre de la poudre aux yeux de vos confrères. Voyez-vous, avec tous ses moyens l’Etat lui-même n’arrive pas à loger ses propres agents. Le logement le moins cher aujourd’hui dans un projet immobilier, c’est au minimum 31 millions de FCFA. Nous avons visité plusieurs chantiers à cet effet.

Combien de banques  peuvent accompagner de tels projets le financement ?

Nous avons approché le ministre de la Construction pour lui dire que sur les sites des logements à loyer modéré, il faudrait  qu’il donne les terrains aux journalistes pour qu’ils puissent bâtir à leur rythme. Sinon dire qu’on va construire des logements clés en main pour les remettre aux journalistes, cela est quasi impossible à cause du coût des maisons sans commune mesure avec leurs niveaux de salaires.
C’est donc, le projet de logements sociaux que je n’ai pas pu réaliser tout comme n’avaient pu le faire Honorat de Yedagne et tous ceux qui lui ont succédé et qui ont émis cette idée. A part cela, tous les autres projets présentés en 2012 ont été réalisés.

Si vous avez réalisé votre projet à 98 % on pourrait dire que votre mission a été largement accomplie. Fallait-il encore solliciter un deuxième mandat ?

J’ai dit qu’il restait des actions à mener. Nous avons une mutuelle à mettre en place et dans ce cadre nous avons déjà approché la Mugefci pour voir,  comment elle pourrait nous y aider. L’idée vient de ce que,  sous mon mandat, l’Unjci s’est transformée en une sorte de caisse sociale en faveur des journalistes. Nous avons estimé qu’il fallait formaliser cela en instaurant une gestion rigoureuse avec des représentants élus. Il appartiendra ainsi à cette mutuelle de chercher ses fonds par des cotisations des adhérents. Cela permettra de régler le problème de nos interventions ponctuelles en cas de naissance ou de décès qui ont fini par transformer l’Unjci en une grosse caisse sociale. A côté de cela,  j’ai noué des partenariats avec une banque au profit des journalistes,  mais souffrez que je n’en dise pas plus parce que depuis que je parle de mutuelle, mes adversaires en ont fait leur projet phare sans en connaître les fondements.

On ne peut pas rencontrer le président MT sans évoquer ce scandale de corruption portant sur la somme de 5 millions qui a secoué l’union. Quels arguments opposerez-vous à vos adversaires qui évoquent déjà ce problème qui vous a valu le retrait de votre carte de journaliste professionnel, assortie d’une  suspension de six mois ?

Je pense que j’ai la conscience tranquille face à ce sujet. Et je peux regarder tout le monde droit dans les yeux et parler de ce problème. Je l’ai contesté devant le Président de la République, le premier citoyen du pays. Je ne vais pas refaire ce procès qui a déjà eu lieu. Je pense que dans la vie, il faut tirer les leçons de ce qui vous arrive en bien ou en mal. Moi,  je dis que je connais les journalistes et ils me connaissent depuis vingt ans. Et en vingt ans, je ne me souviens pas qu’ils m’aient vu impliquer dans une affaire d’argent. Je m’en réfère au commentaire qu’a fait Raphaël Lakpé, le président du Conseil national de la presse (Cnp). Il disait le 5 mars dans Fraternité Matin et je cite : ‘’Le président de l’Unjci s’est retrouvé au mauvais moment, au mauvais endroit, et qu’il récolte ce qui a été semé pour les journalistes’’. C’est écrit en français et que celui qui veut comprendre comprenne.

Cette affaire est-elle vraiment derrière vous ?

Oui ! Cette affaire est derrière moi. Et je n’ai aucun problème avec ça. Si ce n’était pas le cas, croyez-vous que je peux m’arrêter devant le chef de l’Etat pour parler de ça ? Croyez-vous que le président de la République peut permettre que quelqu’un de mauvaise moralité s’arrête devant lui pour parler au nom de tous les journalistes de Côte d’Ivoire ? À la vérité, tout le monde sait que c’était une véritable conspiration et c’est fini aujourd’hui. Cette affaire est vraiment derrière moi et je regarde devant et non plus dans le rétroviseur.

Sous votre mandat également, il n’y a pas eu  de lauréat au concours Ebony 2013,  au point où les journalistes ont été traités de wouya wouya par un confrère. Comment analysez-vous ce fait ?

Je pense que ce n’était pas la première fois dans l’histoire des prix Ebony.

Oui mais cette édition 2013, c’était sous votre mandat !

Mais je dis qu’il faut positiver. C’est un défi que nos aînés nous avaient lancé et l’année suivante, ce défi a été relevé. Il faut en  tirer les leçons pour rectifier le tir. On nous a dit que les productions n’étaient pas à la hauteur et le jury est souverain. Comprenez qu’un Monsieur comme Kébé Yacouba ne pouvait pas donner dans la complaisance et il fallait voir leur décision comme un défi. Fort heureusement, nous l’avons relevé l’année suivante. Il faut positiver et éviter de polémiquer sur ces choses. Le congrès nous permettra de tirer les leçons de tout cela.

Aujourd’hui,  avec l’environnement socioéconomique de la presse,  plusieurs de vos confrères se présentent encore comme des cas sociaux en dépit des réformes. Leur existence rime avec précarité, salaires inexistants ou impayés etc. Comment le candidat MT conçoit-il l’avenir du journaliste ivoirien ?

Le fait que nous, nous soyons battu pour obtenir la convention collective, c’est déjà un pas positif. Il faut se battre maintenant pour son application effective. Il y a beaucoup d’employeurs qui rusent avec l’application des textes. C’est à nous de faire ce travail et je pense que les journalistes doivent éviter d’être complices de cette situation comme s’ils avaient opté pour le suicide. Comment,  peuvent-ils signer des papiers concernant  des salaires qu’ils ne perçoivent pas. C’est un combat et personne ne le fera à la place des journalistes. Ce sont les grands principes et chacun,  à son niveau doit essayer de nous aider dans ce combat. Ce n’est pas l’affaire de la seule Unjci. Nous devons travailler en synergie avec les syndicats en vue de maximiser les gains pour les journalistes. Nous sommes engagés et vous savez que je suis ouvert et sensible. Pour cela,  je n’ai même plus de vie de famille et cette question comme tant d’autres m’ont fait réfléchir avant de décider d’être candidat. Et souvent,  il m’arrive de comparer ma situation actuelle à ce qu’elle pouvait être, si j’étais resté seulement Directeur de publication de « l’Expression », avec des collègues qui sont au gouvernement. Qu’est-ce que je n’aurais pas eu.

Quel est le dernier livre que vous avez lu ?

Le dernier livre que j’étais en train de lire et que le directeur de cabinet du ministère de la communication est venu m’arracher (rires), c’est « L’autre Houphouët » écrit par le médecin d’Houphouët-Boigny. J’étais au milieu de l’ouvrage et il faut que Monsieur le dircab me ramène mon livre (rires). Ce livre décrit Houphouët face à la maladie. C’est un grand livre, facile à lire, écrit comme un ouvrage scientifique avec de petits paragraphes d’une page. Il instruit sur la réaction d’Houphouët face aux infirmiers, face aux aides-soignantes. C’est un livre passionnant qu’il faut lire.

Et quel est votre plat préféré ?

Tout le monde sait que je viens de Bonoua et j‘aime particulièrement le foutou banane à la sauce graine.

MT est-il le candidat du pouvoir ?

Moi je ne mange pas de ce pain-là où on fait le tour des hommes politiques. Moi, je ne suis pas les hommes politiques. Et je mets quiconque au défi de me prouver qu’il m’a vu à la résidence d’un homme politique ces derniers temps. Moi, je pense que l’Unjci est la seule affaire des journalistes et ceux qui font le tour des hommes politiques perdent vraiment leur temps parce que ce ne sont pas les hommes politiques qui votent. Ce sont les journalistes. Les hommes politiques, eux, ils donnent des orientations. Mais, les journalistes ne doivent pas suivre aveuglement.

Et si vous deviez vous comparer à un animal, ce serait lequel ?

Ah c’est une colle ça ! Mais, je crois que je suis le sphinx qui renaît toujours de ses cendres. Cet animal de la mythologie grecque mi-lion, mi-oiseau est celui auque, je me compare. C’est comme le bananier qui repousse toujours quand on le coupe.

Par SD (Correspondant de connectionivoirienne.net à Abidjan)

Les titres sont de la rédacton

 

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