Point de Vue

Tolérance, comme gage d’équilibre Social/ Le message de Pascal Roy à l’Afrique et au monde


PASCAL ROY1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment sortir de cette situation que nous continuons à cultiver tous les jours envers autrui par notre discrimination, qu’elle soit religieuse, politique, raciale, sociale, professionnelle, familiale ou même amoureuse ?

Certainement, par la culture de la tolérance…!

Tolérance vient du latin tolerare (supporter, supporter un poids, un fardeau physique ou moral), désignant « la capacité à accepter ce que l’on désapprouve ». Au sens moral – qui nous intéresse le plus ici – la tolérance est la vertu qui porte à accepter ce que l’on n’accepterait pas spontanément, par exemple lorsque cela va à l’encontre de nos propres convictions. Partant, une variété d’acception du concept se signale.

Elle est pour Vladimir Jankélévitch «un moment provisoire qui permet à ceux qui ne s’aiment pas de se supporter mutuellement, en attendant de pouvoir s’aimer». Selon John Locke, la tolérance signifie « cesser de combattre ce qu’on ne peut changer » et pour Jean Baubérot, « Il y a peut-être la nécessité d’une dialectique, d’une tension entre liberté et tolérance, la tolérance étant l’acceptation que l’autre puisse avoir tort […] » Ainsi, dans bon nombre d’écrits, la notion de tolérance est associée aux notions absolues de bien et de mal ou de vérité et de mensonge.

La tolérance s’exercerait, dans cette optique, que lorsqu’on reconnaît qu’une chose est un mal, mais que combattre ce mal engendrerait un mal encore plus grand. « On tolère par politesse, par ruse, par calcul ou tout bêtement par lassitude. Mais, au fond, on attend de n’avoir plus à tolérer ». La tolérance peut alors être considérée comme une faiblesse si l’on tolère ce que l’on considère être une erreur et d’un tel point de vue, la tolérance ne saurait être une vertu.

L’histoire nous rappelle que l’intolérance est d’essence religieuse et qu’elle s’est de surcroit transposée dans le monde politique favorisant depuis longtemps des diktats de tout genre dont la conscience collective semble avoir compris les enjeux et décider d’abolir. La religion vise toujours l’absolu et l’absolu ne tolère pas de concurrence. Le dogme religieux est pour ainsi dire entier : on est dedans ou dehors. Mais, est-ce ce principe que nous sommes réellement censés défendre ?

Le culte de l’intolérance au XXe siècle n’a-t-il pas fait du totalitarisme la pire idéologie de l’humanité ? Ce totalitarisme qui a refusé la diversité, a cherché sans détour à exclure tout ce qui était considéré comme inférieur avec des exemples comme le nazisme, le fascisme, le stalinisme ou encore le maoïsme qui ont voulu imposer une manière uniforme de vivre, de penser, de se comporter ou même de parler.

Tous ces régimes ont prôné une unique façon de voir le monde. Hannah Arendt, dans « les origines du totalitarisme », l’avait défini comme un « crime contre la pluralité ». L’intolérance en acte prolonge ainsi l’intolérance de la pensée. C’est la doctrine du « Tous les opposants doivent être éliminés ». L’intolérance et la pratique de la fausse tolérance ont conduit les hommes à se détester les uns les autres par manque d’ouverture, de sincérité et de respect de la dignité humaine. C’est pour cela que la tolérance, prise en son sens propre, semble difficilement en concordance avec la grande idée qu’on prétend lui faire exprimer et que nous n’arrivons même pas à mettre en pratique entre membres de confessions religieuses différentes ou entre partis politiques opposés.

Si l’on veut sortir de cette conception et de cette pratique de la pseudo-tolérance, véritable cyanure dans nos religions, nos partis politiques, nos sociétés, nos quartiers et nos familles en général, il nous faut passer à l’idée de respect en essayant de réorienter notre conception de la tolérance.

Considérons donc un deuxième sens, plus éloigné de l’étymologie et des définitions, celui qui fait de la tolérance, une acceptation de la différence d’être et de la pensée, c’est-à-dire, de l’hétérogénéité des cultures et de la pluralité des idées. Tolérer c’est admettre que quelqu’un puisse penser ou agir de façon différente de soi sans être ni dans le vrai, ni dans le faux. Nous devons nous défaire de ces croyances absolues ou ces convictions religieuses et politiques qui nous font croire en la détention de la vérité en brimant les autres car comme le disait Kant, la croyance est une affaire de liberté et non une affaire d’autorité : « Conviction rationnelle doit pouvoir rendre raison d’elle-même. Il doit toujours être possible de communiquer sa croyance et de la trouver valable pour la raison de tout homme ». Je poursuivrai dans le même sens que Claude Lévi-Strauss, dans « Race et histoire », pour dire qu’il n’y a aucune falsification de l’humain authentique, comme veulent le faire croire les ethnocentriques, se considérant comme étant au centre de l’univers et prenant leurs habitudes pour norme absolue. Quelle différence pensez-vous qu’il y ait entre le racisme, l’ethnocentrisme, la xénophobie, le tribalisme et toute autre forme de ségrégation ? Aucune, si ce n’est un point commun : un culte de l’intolérance et donc la méprise de la valeur humaine.

Il nous faut cultiver la tolérance pour sauver le monde et, avec lui, nous-mêmes…

La tolérance est tout sauf passive. La tolérance requiert, au contraire, du courage, de la conviction et une véritable passion pour la liberté, caractéristiques fondamentales d’une conscience morale publique active et assumée. La tolérance est l’un des fondements de la liberté de conscience et du libre-arbitre. Elle affirme le principe de non-ingérence dans la vie intérieure d’autrui, dans son adhésion à certaines croyances et opinions.

Et tant qu’un acte ne porte préjudice à personne et qu’il ne viole pas son autonomie morale, la tolérance exige également qu’aucune contrainte ne soit exercée sur le fruit de l’exercice du libre-arbitre. Ainsi, la tolérance se mesure à l’aune des interférences ou des contraintes politiques et institutionnelles appliquées aux croyances et aux comportements d’autrui.

PASCAL ROYÊtre tolérant ne va pas de soi. Il faut exercer sa volonté afin de tolérer des opinions qu’on considère scandaleuses et être préparé à ne jamais écarter aucune idée. Tolérer des convictions hostiles aux nôtres exige un degré de confiance dans nos propres convictions ainsi qu’une aptitude à prendre des risques. La tolérance offre aux individus la liberté de poursuivre certains idéaux ainsi qu’une chance inouïe à la société d’avoir un aperçu de la vérité grâce à l’affrontement des idées.

Il faut éviter la confusion entre la tolérance et l’acceptation des modes de vie. Le multiculturalisme n’a rien à voir avec la véritable tolérance. Ce qu’il exige, ce n’est pas la tolérance, mais une indifférence indulgente. Il met constamment en avant l’idée “d’acceptation” et décourage toute remise en question des convictions et modes de vie d’autrui. Sa valeur dominante est l’absence de jugement. Or, le fait de juger, de critiquer et d’évaluer sont autant d’attributs essentiels d’une société ouverte et démocratique digne de ce nom. Si le refus de juger le comportement des autres peut avoir son intérêt, bien trop souvent, il se mue en une indifférence superficielle, une excuse pour ne plus écouter quand d’autres parlent.

La confusion entre le concept de tolérance et l’idée d’acceptation de tous les modes de vie est illustrée de façon frappante par la Déclaration de principes sur la tolérance de l’Unesco, qui dit : « La tolérance est le respect, l’acceptation et l’appréciation de la richesse et de la diversité des cultures de notre monde, de nos modes d’expression et de nos manières d’exprimer notre qualité d’êtres humains. » L’Unesco affirme également que la tolérance est « l’harmonie dans la différence ». Pour l’Unesco, la pratique de la tolérance devient une sensibilité expansive, diffuse qui offre automatiquement un respect inconditionnel à divers points de vue et cultures.

La réinterprétation de la tolérance en tant que refus de juger est souvent considérée comme une bonne chose. En vérité, le geste d’affirmer et de tolérer peut être vu comme une façon d’éviter des choix moraux épineux, une façon de se désengager, de fuir la difficulté qu’il y a à expliquer quelles valeurs méritent d’être défendues. C’est probablement pourquoi l’indifférence indulgente du multiculturalisme a tant le vent en poupe depuis quelques décennies. En Grande-Bretagne et dans beaucoup d’autres sociétés européennes, grâce au multiculturalisme, les gouvernements n’ont pas eu à se soucier d’énoncer les principes qui sous-tendent leur mode de vie.

La vie en société nous impose bien de faire avec les particularités de chacun : tolérer les goûts et les dégouts des uns, les rêves ou les idées des autres. La diversité d’idées n’a jamais été un problème tant qu’elle ne tombe pas dans le fanatisme ou l’excès. La diversité est l’expression à la fois de la liberté et de la culture et cette expression doit être tolérée, c’est-à-dire acceptée et respectée tant qu’elle ne constitue pas une atteinte à la morale universelle, c’est-à-dire cet ensemble de règles régissant des rapports de bonne cohabitation et de convivialité entre humains dans les sociétés. Tolérer devrait donc renvoyer au respect de la différence et du droit à la différence ou constituer une plate-forme de compromis sociaux afin de toujours contribuer à un équilibre social.

Docteur Pascal ROY

PhilosopheJuristePolitisteCoach politiqueAnalyste des Institutions, expert des droits de l’Homme et des situations de crisesMédiateur dans les OrganisationsEnseignant à l’UniversitéConsultant en RHÉcrivain

 

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